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Cahier rationaliste n°675

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Novembre – décembre 2021 – n° 675

Éditorial
• Bruits de bottes / Gérard Fussman

Hommage
• Hommage à Olivier Bloch, Prix de l’Union rationaliste 1998
• Remise du Prix de l’Union rationaliste 1998 à Olivier Bloch
– Introduction d’Évry Schatzman
– Présentation d’Olivier Bloch par Jacques D’Hondt
– Réponse d’Olivier Bloch
• Disparition d’Olivier Bloch / Delphine Antoine-Mahut, Pierre-François Moreau, Susanna Seguin

Prix de l’UR
• Le Prix de l’Union rationaliste
• Remise du prix de l’Union rationaliste 2020 à Gérard Noiriel
– Présentation de Gérard Noiriel par Emmanuelle Huisman-Perrin
– Conférence prononcée par Gérard Noiriel

Actualités
• N’oublions pas ce 16 octobre 2020 / Souâd Ayada
• Dieu, la science, les preuves – Un inquiétant défi à la raison
– Démontrer Dieu ? / Jean-Paul Jouary
– Dieu et la science : les preuves à l’épreuve / Jean-Marc Lévy-Leblond

Dossier
• Le choix de politiques efficaces et justes à l’heure de la transition énergétique – deuxième partie ­ /Jean-Pierre Foirry
• Recyclage et transition écologique / Roland Borghi

Radio
• La démocratie alimentaire avec Emmanuelle Huisman-Perrin et Mathieu Dalmais
• Les jeunes femmes dans les sciences avec Emmanuelle Huisman-Perrin et Marianne Burbage

Lectures
• Histoire de l’athéisme en Belgique de Patrice Dartevelle et Christoph De Spiegeleer (dir.), lu par Michel Henry
• Vivre et penser dans l’incertitude. Ces philosophes indispensables à notre temps de Jean-Paul Jouary, lu par Emmanuelle Huisman-Perrin
• Comment on massacre la psychiatrie française de Daniel Zagury, lu par Jean-Philippe Catonné
• Reçus en hommage des auteurs ou des éditeurs

Chronique
• Non Credo / Édouard Brézin
• La preuve ontologique de l’existence de Dieu / Alain Billecoq

Éditorial
Gérard Fussman

Bruits de bottes

 

Comment nier l’utilité d’une organisation prônant le rationalisme et contribuant à diffuser dans la population les acquis de la science quand    des millions de personnes éduquées dans le monde, même en France, doutent encore du bouleversement climatique en cours et des bienfaits de la vaccination ? Nous n’en sommes plus au temps de Galilée, mais manifestement l’école ne peut pas tout. Il ne suffit pas de savoir lire et écrire, ni même d’être assez savant, pour réagir rationnellement devant des événements inattendus quoique prévus, et surtout devant leurs prévisibles et dures conséquences. Comme si nier l’évidence était un moyen de les éviter… Or rien n’est tout à fait inévitable.

Ce refus de voir les nuages s’amonceler à l’horizon est sans doute l’une des causes de la sous-estimation, en France en tout cas, du danger de guerre. Les habitants des pays en guerre eux, en savent l’horreur. Les autres regardent passifs. En 1950, des millions de personnes signèrent l’appel de Stockholm demandant l’interdiction totale des armes atomiques. Aujourd’hui celles-ci se comptent par milliers et apparemment ne font plus peur. L’anesthésie est telle que ceux qui dénoncent, avec raison, la contribution au réchauffement climatique du transport aérien et maritime civil oublient de comptabiliser les émissions de CO2 des avions militaires qui volent en permanence au-dessus de nos têtes et des escadres de navires de guerre. Les bombes qui explosaient en Afghanistan,  aujourd’hui  au Yémen  et  à  Gaza,  ailleurs  encore, doivent

être climatiquement inoffensives. La fabrication de tous ces engins et leur usage n’émettent, semble-t-il, aucun gaz à effet de serre.

Ne soyons pas naïfs : le désarmement universel est pour l’instant un rêve. Le pacifisme intégral et la non-violence ont toujours posé problème aux rationalistes. Car pour faire la paix il faut être deux. La guerre est horrible, mais le pacifisme est-il une réponse face à des agresseurs comme Hitler ou Daesh ? Le concept de guerre juste lui-même est, avec du recul, souvent contestable. L’agresseur prétend souvent être  l’agressé.  En  Afghanistan, en Irak, en Libye, au Sahel, qui était l’agresseur, qui était l’agressé ? Les guerres de libération nationale elles-mêmes, les grandes révoltes sociales et politiques également, n’échappent pas toujours à la critique. Trop souvent elles aboutissent à l’oppression des ethnies ou des partis minoritaires par l’ethnie ou le parti vainqueur, parfois à la dictature. Tout ça pour ça ?

N’empêche, les démonstrations pacifiques n’auraient pas arrêté les nazis, l’Algérie et le Vietnam n’auraient pas conquis leur indépendance sans recours à la lutte armée. Et on ne cessera jamais de se demander combien de morts, de tortures, de souffrances une intervention armée en Allemagne dès 1933, en Espagne dès 1936, auraient été épargnés au peuple allemand, à l’Espagne, au monde entier. L’argument a été utilisé pour justifier la deuxième intervention américaine en Irak (sans participation française cette fois-ci), mensonges à l’appui (l’existence d’armes de destruction massive). On a vu le résultat. Il a aussi été utilisé pour justifier l’intervention armée contre Kadhafi. Nous en subissons encore les conséquences au Sahel, et les Libyens aussi.

Personne aujourd’hui ne l’utilise pour appeler  à  une  intervention  armée au profit des Rohingyas,  des  Kashmiris  musulmans,  des  Tibétains ou des Ouïghours. C’est que les conflits en cours sont manifestement des affrontements de grandes puissances : USA contre Chine, USA contre Russie. Droit, liberté et démocratie y sont invoqués, mais ce sont des paravents qui masquent des rivalités bien plus terre à terre. Les affrontements directs sont pour l’instant verbaux, les affrontements indirects et masqués, au Proche- Orient, au Mali, dans le sous-continent indien, se traduisent tous les jours par des morts. L’Inde, discrètement appuyée par les USA, moins discrètement par la France qui y vend ses Rafales, et la Chine se disputent en Himalaya,  en se revendiquant de l’histoire, quelques arpents inhabités de neige et de rochers. Jusqu’à présent les troupes déployées sur place à grands frais se sont affrontées à coups de bâton seulement en vertu d’un accord tacite de ne pas utiliser des armes à feu. Il semble bien que cet accord n’existe plus. Le ton monte, mais l’option nucléaire semble exclue. Plus dangereux est le conflit entre l’Inde et le Pakistan, deux puissances nucléaires, l’une soutenue par les USA, l’autre alliée de la Chine, qui toutes deux revendiquent le Cachemire et où, dans chaque pays, le fanatisme religieux vient enflammer un nationalisme nourri par des visions opposées de leur histoire commune et soutenu par les gouvernements en place. La haine de l’autre est un moyen bien connu de faire oublier les problèmes économiques et sociaux.

Ces puissances étant dotées d’un arsenal nucléaire et de  fusées,  on peut espérer qu’aucune d’entre elles n’osera aller trop loin et qu’elles se contenteront d’augmenter leurs dépenses militaires. Rien n’est moins sûr. Aux  USA  et  en  Inde  les  chefs  militaires  ont  dû  publiquement  rappeler  à des hommes politiques un peu trop belliqueux les risques d’une guerre et même des frappes dites chirurgicales. Il existe des dirigeants politiques trop impulsifs, et la pression des foules chauffées à blanc par leurs slogans nationalistes (Make America Great Again, etc.) peut les amener au pire.

Les Français qui se croient éloignés de ces dangers y sont pourtant impliqués via l’Otan. La dépendance de nos gouvernants vis-à-vis des USA est telle qu’ils doivent les suivre et se taire : MM. Biden et Poutine règlent seuls et en tête-à-tête le sort des frontières de l’Ukraine. L’ONU est impuissante. C’est au mieux une vox clamans in deserto. On ne peut malheureusement espérer que les peuples se réveilleront soudain et partout manifesteront (voteront quand cela leur est possible) en criant « Non à la guerre ». Mais les rationalistes peuvent au moins montrer les dangers, pointer les contradictions politiques et continuer leur travail de toujours : dénoncer le fanatisme religieux et le nationalisme (pas le patriotisme). Le nationalisme pousse au mépris et à la haine de l’autre, à la croyance en sa propre supériorité, à la volonté de la maintenir, l’accroître ou la retrouver par tous les moyens et quel qu’en soit le prix. Il tourne vite au racisme. Certains dans notre pays utilisent ces leviers dans l’espoir de parvenir au pouvoir. Cela réussit à Hitler. On a vu le résultat.

n°689

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