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L'édito de l'Union

Des aérosols dans l’atmosphère
Non aux recherches d’apprentis sorciers

26/02/2023

L’urgence du défi du réchauffement climatique est définitivement établie dans le dernier rapport du GIEC[1] et l’enjeu met les scientifiques au défi considérable  de trouver des solutions. Certaines techniques dites NET (Negative Emission Technique) peuvent limiter le CO2 (la combustion de bois pour faire de l’éthanol, la reforestation, la manipulation des océans, la capture du CO2 dans les entreprises industrielles, etc.). Elles sont toutes en cours de développement, toutes utiles, présentent des risques associés dont il faut tenir compte, mais sont de toute façon très insuffisantes pour abaisser le seuil de l’élévation de la température moyenne à 1,5°.

Un vif regain d’intérêt apparaît aujourd’hui pour des méthodes alternatives et plus radicales : la modification de l’albédo de la planète, appelée SRM (Solar Radiation Management). Il s’agit de l’ensemencement de l’atmosphère par des aérosols dans le but d’atténuer l’arrivée du rayonnement solaire au niveau de la Terre : un effet de gigantesque « parasol » autour de la planète[2]. Par exemple par injection en avion de particules soufrées dans la stratosphère à 20 km d’altitude. Il existe de multiples variantes pour imiter par exemple les effets de refroidissement constatées lors de l’éruption du volcan Pinatubo en 2018.

Le SMR est étudié depuis deux décennies pour des applications militaires et a parfois été mis en pratique localement sur le champ de bataille. Les risques du SMR sont multiples et considérables si le déploiement est à très grande échelle. Il est évident qu’on ne connaît pas les transformations qu’une modification globale du climat à l’échelle de la planète pourrait déclencher sur toutes les formes de vie sur la Terre.  On joue aux apprentis sorciers. Un autre problème est que l’ensemencement est à maintenir en permanence sous peine d’un arrêt brutal et désastreux de ses effets. De plus il ne faut pas sous-estimer non plus le risque que cela ralentisse les efforts (modérés !) des dirigeants politiques pour respecter les accords de Paris sur le climat. Et les vraies solutions impliquant un changement des modes de la consommation mondiale pourraient bien continuer d’être ignorées…[3]

Remarquons aussi que beaucoup de scientifiques sont impliqués actuellement dans les études du SMR, soit par des méthodes de simulation, soit avec des expériences en laboratoire. Hans Jonas[4] dès 1979 engageait à adopter une attitude heuristique de la peur à l’égard des technologies, dont l’histoire confirme bien que tout ce qui est faisable se fait un jour. Il importe que les chercheurs eux-mêmes se posent des questions éthiques sur les fondements de leurs propres travaux – sont-ils nécessaires, sont-ils souhaitables ? Cette injonction est valable pour bien des domaines de la science, allant des recherches sur les virus et la bio-ingénierie aux imprévisibles développements de l’intelligence artificielle. Certes la recherche dans le secteur public bénéficie de la liberté académique. Mais cette liberté est nécessairement à borner par les devoirs qu’impose la responsabilité vis-à-vis de la société et de la planète. 

Michèle LEDUC avec le bureau de l’Union rationaliste

[1] Voir l’analyse de Sylvestre Huet dans « Le GIEC, urgence climat, les chiffres, les menaces, les solutions scientifiques » ed.Tallandier, 2023, préface de Jean Jouzel. 
[2] Voir Le Monde du 18 février 2023, page 18 « les différentes techniques de géo-ingénierie solaire »
[3] Valérie Masson Delmotte, lauréate du prix de l’UR 2017, compare les méthodes de la géo-ingénierie à des soins palliatifs…
[4] Hans Jonas « le principe responsabilité » 1979, traduction française 1990 ed.du Cerf

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