France Culture
Cahiers rationalistes
Raison présente
previous arrow
next arrow

L'édito de l'Union

Faire barrage à l’extrême droite et à la haine de l’autre : la vocation des rationalistes !

La droite-extrême installe la peur du “grand remplacement”

24/05/2023

Les manœuvres de l’extrême droite se multiplient. Elle attise la violence et installe progressivement une idéologie raciste et nationaliste dont les motivations affichées échappent à la raison mais risquent de conduire au désastre.

Le maire de Saint-Brévin-les-Pins est gravement harcelé pendant des mois, notamment par des militants d’extrême droite extérieurs à la commune, pour un projet d’installation d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile. Ce projet était demandé par l’État, qui a refusé plusieurs fois d’intervenir. Le maire démissionne après l’incendie de sa maison en pleine nuit. Le pouvoir reste silencieux pendant des semaines. Des journalistes progressistes sont menacés de mort, voire objet d’attentats (roues dévissées, attaques aux personnes), des œuvres d’artistes engagés sont détruites. De véritables répressions sont mises en place, avec constitution de corps de police (BRAV-M) et CRS particulièrement violents, pour intervenir au cours de manifestations pacifiques. Des groupes isolés mais explicitement néo-nazis (insignes, banderoles, slogans) défilent dans Paris et en province sans intervention des forces de l’ordre. Cette montée d’une violence combinée à la passivité ou à la bienveillance de certaines autorités – y compris ministérielles – est d’une exceptionnelle gravité.

Il faut reconnaître que la réponse républicaine, face à ces événements gravissimes, est défaillante. Un pouvoir aux yeux fixés sur le reflux de l’immigration minimise leur importance, des media suivent ou relativisent, les condamnations et interventions judiciaires tardent. L’opinion publique désorientée par la combinaison des violences et de la crise sociale montante n’a sans doute pas assez conscience du danger qui menace.

C’est bien au cœur du système médiatique, politique et économique que se développent les idéologies identitaires et les haines qui sous-tendent de tels agissements. Le parti politique Reconquête a un pied dans l’arène institutionnelle depuis les élections présidentielles en 2022, et soutient pourtant en sous-main des agissements illégaux de haine raciale des groupuscules d’extrême droite. Le Rassemblement national laisse faire, cautionne mais continue à acheter par ce silence une apparence d’honorabilité. Popularisant la théorie raciste et xénophobe du « grand remplacement », inventée par Renaud Camus en 2010, l’extrême droite prône non seulement d’arrêter le flux des immigrés entrant en France mais de durcir les conditions d’existence – déjà très difficiles – de ceux qui y sont installés, par exemple en supprimant l’AME (aide médicale de l’État) aux immigrés ou en rendant très difficile le regroupement familial. Les différentes composantes de la droite vont chasser sur ces terres, rejoignent la droite-extrême ; la « majorité relative » elle-même y est sensible dans le cadre de la préparation de la énième loi de l’immigration et de l’asile.

Les infox abondent dans ce débat piégé par l’idéologie. La France compte 7 millions d’immigrés, soit moins de 11 % de sa population, ce qui la place au 15e rang de l’Union européenne à 27 . Dans un monde où persistent les inégalités Nord/Sud, l’immigration a progressé de 65 % depuis l’an 2000, y compris en Europe, selon les données de l’ONU. Les facteurs sont multiples : conflits internationaux, guerres civiles,  mondialisation des études, besoin de main d’œuvre à tous les niveaux de qualification, le tout aggravé par la dégradation du climat [1]. La France, comme tous les États de droit en Europe, connaît une progression sensible de la population immigrée depuis l’an 2000, mais bien moindre que chez nos voisins. Il faut « dégonfler le mythe d’une France trop attractive » : depuis 2014, seuls 5 % des « déplacés externes » syriens, irakiens ou afghans ayant réussi à déposer une demande d’asile dans l’Union européenne ont opté pour la France, alors que notre pays concentre 15,5 % de la population de l’UE et 17,8 % de son PIB. Seuls 5 % des Ukrainiens ayant obtenu une « protection temporaire » depuis mars 2022 ont choisi la France. S’agissant des autres origines (Maghreb, corne de l’Afrique, Afrique subsaharienne, Europe orientale, Asie), nous avons enregistré, de 2014 à 2021, 18% des demandes d’asile déposées dans l’UE, c’est-à-dire pas plus que notre part du PIB.  Il faut donc rétablir les faits et clarifier le débat public à l’aune de la raison.

La situation présente en rappelle quelques autres de triste mémoire. Par exemple l’Action Française inspirée par des intellectuels de droite comme Charles Maurras approuva sans fard les premières mesures contre les juifs adoptées par Hitler.  L’Action Française a produit une idéologie de nature fascisante et suscita un mouvement de masse qui survécut à sa dissolution par le Front Populaire. Pour Maurras, le régime de Vichy fut l’aboutissement d’un long combat  dont l’idéologie s’est  partiellement réincarnée dans la France de Vichy. En Allemagne comme en Italie, l’arrivée des dictatures a été préparée par un mouvement raciste et ethno nationaliste installé dès les années 1920, usant progressivement de méthodes d’intimidation de plus en plus violentes.

L’Union rationaliste, née dans l’opposition à l’extrême droite, attire l’attention sur les dangers que représente la montée à bas bruit mais de moins en moins masquée de la droite-extrême en France, comme d’ailleurs dans beaucoup de pays d’Europe[2]. Il faut réaliser l’inhumanité, l’absurdité et l’irréalisme des théories « anti-immigration » qui sous-tendent son projet politique, et inciter tous les citoyens, quelles que soient leurs opinions, à ne pas baisser la garde quand il en est encore temps.

Michèle Leduc, pour le bureau de l’UR

[1] “Immigrés et descendants d ’immigrés en France”, Insee Références, 2023, p. 75. Voir aussi François Héran “le grand déni, Le seuil 2023”
[2] On peut rappeler que déjà le 1er juillet 1993 un appel à la vigilance a été signé par quarante figures de la vie intellectuelle française et européenne pour alerter sur la banalisation des discours d’extrême droite, cité dans le livre de Edwy Plenel « L’appel à la vigilance, Face à l’extrême droite », Eds La découverte, 2023. 

Vous pouvez voir les commentaires et laisser le vôtre en bas de la page sur  :
https://union-rationaliste.org/faire-barrage-a-lextreme-droite-et-a-la-haine-de-lautre-la-vocation-des-rationalistes/

 

L’universalisme en procès

Alain Policar, L’universalisme en procès. Le Bord de l’eau éditions, 2021, 163 pages L’universalisme est d’un côté revendiqué par ceux qui adhèrent au républicanisme en France, au péril d’une confusion entre l’universel et l’uniforme, de l’autre contesté au vu des ...

lire la suite ...

Carte blanche à Anne-Cécile Mailfert et Michelle Perrot

« LE FÉMINISME EN ACTE AUJOURD’HUI »Anne-Cécile Mailfert (porte parole et présidente de Osez le féminisme puis présidente fondatrice de la Fondation des femmes, chroniqueuse sur France Inter), avec Michelle Perrot (historienne, professeure émérite d’histoire contemporaine à l'université Paris-Diderot et ...

lire la suite ...

Articles les plus lus

Débat sur la géo-ingénierie

> DOCUMENT <

Deux grandes familles de projets de géo-ingénierie : les émissions négatives de CO2 et l’amoindrissement de l’effet de serre.
Les accords de Paris ont pour objectif de limiter l’augmentation de
température moyenne de l’atmosphère due au réchauffement climatique sous le seuil de 2°C de plus que sa valeur préindustrielle (moyenne entre 1850 et 1900). Depuis 2018, le rapport spécial du GIEC commandé par les
« petits pays » a abaissé ce seuil à 1,5°C, démontrant qu’un réchauffement de 2°C mettrait particulièrement en danger les zones intertropicales et polaires. Dans les deux cas, mais encore plus dans le second puisqu’il s’agit d’une réduction plus drastique, remplir les objectifs fixés impose des « émissions négatives » c’est-à-dire de piéger (ou d’éliminer) du CO2 de l’atmosphère …

Lire la suite »

La question de l’eau dans le monde : faut-il s’angoisser ?

> DOCUMENT <

Il y a deux fois plus d’eau superficielle et souterraine que de terres émergées sur la planète qui porte donc un nom usurpé. Une quantité infime est disponible pour les usages dont l’accroissement est encore plus rapide que celui de la démographie. Le stress hydrique (quotient entre des ressources économiquement disponibles et le nombre d’habitants) est facteur d’angoisse …

Lire la suite »

Les terres rares et la transition écologique

> DOCUMENT <

Comment s’engager dans la transition écologique ? Le débat est ouvert et, malheureusement, au vu de la complexité du sujet, les arguments avancés manquent souvent de rigueur. Le problème sera abordé sous l’angle des terres rares, qui semblent indispensables à la réussite de la transition écologique. Certains affirment que le développement des énergies renouvelables sera empêché à cause de la pénurie inéluctable des terres rares. D’autres affirment que les progrès technologiques nous permettront de ne plus faire appel à celles-ci. Qu’en est-il vraiment ?…

Lire la suite »

L’hydrogène : un matériau d’avenir pour stocker et transporter de l’énergie ?

> DOCUMENT <

• L’intérêt de l’hydrogène (H2) dans le domaine de l’énergie tient d’abord au fait que 1 kg d’hydrogène permet de stocker autant d’énergie que ~ 4 litres d’essence (ou 3kg). Il réagit facilement avec le dioxygène pour donner de l’énergie thermique (combustion) ou électrique (pile à combustible).
• Il peut être utilisé pour stocker ou transporter de l’énergie et, dans certaines conditions, il concurrencera l’électricité. Mais 1 kg de H2 gazeux occupe un volume environ 2 800 fois plus grand que 4 l d’essence dans les conditions ordinaires de pression et de température. Pratiquement, qu’il s’agisse de stockage ou de transport, le gaz est souvent comprimé dans des bouteilles en acier à une pression pouvant atteindre 700 fois la pression atmosphérique (à cette pression, en prenant en compte la masse du réservoir, la densité d’énergie par kg est réduite d’un facteur ~15). On développe aussi des procédés de stockage de H2 dans des matériaux solides, avec des densités d’énergie comparables à celle assurée par une compression à 700 bars.
• H2 peut s’enflammer avec l’air et/ou exploser en cas de fuite. Comme c’est le cas pour de nombreux produits inflammables, son utilisation demande donc des précautions particulières.
• Aujourd’hui, plus de 90% de H2 est obtenu à partir d’hydrocarbures, mais il peut aussi être produit par électrolyse de l’eau, c’est-à-dire à partir d’électricité et d’eau, avec un rendement énergétique qui peut atteindre, voire dépasser 80%. La production par électrolyse ne génère aucune pollution.
• On peut aussi produire H2 par des procédés biologiques, à partir de la biomasse ou de certains déchets. Cette production est concurrencée par celle de méthane.
• La façon la plus prometteuse d’utiliser l’énergie chimique de H2 est de mettre en œuvre une pile à combustible. De l’énergie électrique est alors directement obtenue de H2 et O2 avec un rendement de 50% à 60% aujourd’hui (plus de 90% bientôt) et un moteur peut convertir cette énergie électrique en énergie mécanique avec un rendement proche de 1. Cet usage de H2 produit de l’eau et n’est accompagné d’aucune pollution.
• Il existe aujourd’hui des voitures et des autobus électriques utilisant le H2, bientôt des trains et même des « vélos ». Un kg de H2 permet à une voiture « ordinaire » de parcourir une soixantaine de km. Mais ce qui manque encore, c’est un réseau dense de distribution de ce gaz.
• H2 est susceptible d’être très largement utilisé pour stocker et transporter de l’énergie. En particulier, il pourrait être fait largement appel à ce gaz pour le stockage de l’électricité des sources intermittentes dans les périodes de surproduction…

Lire la suite »

L’électricité dans la transition énergétique

> DOCUMENT <

L’électricité tient une place à part dans le mix énergétique : ce n’est pas une énergie directement disponible dans la nature. Sa production est le résultat d’un processus industriel où une énergie primaire (pétrole ou charbon, vent ou énergie solaire, énergie potentielle d’une chute d’eau) est convertie en électricité.

La production mondiale d’énergie dite primaire représente, en 2017, 14 milliards de tonnes d’équivalent pétrole (TEP). Les énergies fossiles classiques atteignent 81 % du total et l’électricité « directe » (nucléaire, hydraulique, EnR et un peu de biomasse) 10 % du total.

Lire la suite »

Carte blanche à Jean-François Delfraissy

Science, politique et société : l’exemple de la covid 19

Le 19 avril 2022:
Conférence de Jean-François Delfraissy (médecin et professeur de médecine) à 19 h 30 dans l’Amphithéâtre Henri Mineur de l’Institut d’Astrophysique de Paris, 98-bis Boulevard Arago, 75104 Paris.

La science, en particulier la médecine, a dû faire face au Covid 19 dont le mode d’action était complètement inconnu. Le monde scientifique a réussi toutefois à proposer un vaccin dans un laps de temps particulièrement rapide, en moins d’un an. Trop rapide aux yeux de certains. Expliquer, convaincre, s’ajuster en fonction des mutations permanentes d’un virus, avouer ses doutes tout en devant rassurer relève d’une gageure qu’il fallait relever coûte que coûte. li en va de la cohésion d’une société tout entière, de la crédibilité de l’action politique et de la parole de l’expert. L’exemple de la Covid 19 est un cas d’école qui continue à nourrir nos actions et nos réflexions…

Lire la suite »

Irène Frachon ou le courage de la raison

Irène Frachon, est ce médecin pneumologue qui s’est opposée au deuxième laboratoire pharmaceutique français. Elle est parvenue à établir la dangerosité du Mediator et s’est battue pour obtenir son interdiction. Elle vient de recevoir le Prix de l’Union rationaliste…

Lire la suite »

Covid et vaccination : redonner du sens aux chiffres

Au XVIIIe siècle la variole faisait en France 50 à 80 milliers de morts par an. L’inoculation de cellules malades, ancêtre de la vaccination, représentait un risque important (un mort pour 1200 inoculations) mais fut acceptée par les paysans comme par les familles royales et défendue par les philosophes des Lumières, face aux réticences religieuses et conservatrices. Grâce à la vaccination, l’épidémie fut enrayée, puis totalement éradiquée en 1980…

Lire la suite »

L’Université gangrenée ?

Pour faire écho au débat suscité par le terme d’islamo-gauchisme, le bureau de l’UR a demandé à Alain Policar de s’exprimer sur le sujet. Le texte qu’il nous propose éclaire sans parti-pris et avec pédagogie des notions floues qui sous-tendent des débats très actuels.
Alain Policar est politologue et philosophe, professeur au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Dernier livre paru : L’inquiétante familiarité de la race. Décolonialisme, intersectionnalité et universalisme, Le Bord de l’eau, 2020.

Lire la suite »

Le rationalisme par gros temps

Ce numéro double des Cahiers porte l’expression de la pensée rationaliste en temps de crise. Les questions d’actualité y sont rapportées aux principaux axes de réflexion de l’Union rationaliste : la promotion des démarches rationnelles, la science dans son rapport à la société, la transition énergétique et écologique, la défense de la laïcité. Ainsi, la situation actuelle où nous nous trouvons confrontés à une crise sanitaire mondiale fait apparaître d’autant plus urgent l’exercice de la raison ; il s’agit de trouver les lumières nécessaires pour éclairer l’action collective conduisant au « monde d’après » …

Lire la suite »

RECHERCHE PAR THÈME

n°683

Les Cahiers Rationalistes

• mars – avril 2023

n°225

Raison Présente

• Mars 2023

Podcast

RECHERCHE PAR THÈME