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Cahier rationaliste n°677

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SOMMAIRE
Mars – avril 2022 – n° 677

Éditorial
• À bas la guerre, à bas toutes les guerres / Gérard Fussman

Hommage
• Hommage à Marcel Conche. Pour son intense vie de philosophe / Jean-Philippe Catonné

Actualités
• La querelle de l’universalisme : Lumières versus gauche identitaire / Patrice Decormeille
• Réflexion sur l’architecture des êtres vivants / Georges Chapouthier

Dossier / Transition écologique
• Il faut changer nos rêves et ceux de nos enfants / Guillaume Blanc
• Commentaire sur les rêves / Jean-Pierre Foirry
• Note en réponse à Jean-Pierre Foirry / Guillaume Blanc

Figure
• Wittgenstein. Quelques éclaircissements sur le Tractatus / Alain Chauve

Dossier / Transition écologique
• Faut-il encore investir dans le pétrole ? / Jacques Haïssinski
• Climato-scepticisme et variations de la température de la Terre dans le passé / Roland Borghi et Jacques Haïssinski

Radio
• Guerre et environnement avec Emmanuelle Huisman-Perrin et Stéphane Foucart
• Casser, casseurs, cassures avec Emmanuelle Huisman-Perrin et Marc André

Lectures
• La Pensée n° 408, Octobre-Novembre- Décembre 2021, lu par Michel Henry
• Rationalité. Ce qu’est la pensée rationnelle et pourquoi nous en avons plus que jamais besoin de Steven Pinker, lu par Denis Meuret
• Reçus en hommage des auteurs ou des éditeurs

Tribune
• La liberté d’expression / Alain Billecoq

Éditorial
Gérard Fussman

À bas la guerre,
à bas toutes les guerres


L’Union
rationaliste est endeuillée par la mort de Gérard Fussman, survenue le 14 mai 2022 à Strasbourg. Gérard Fussman était membre de longue date du comité de rédaction des Cahiers Rationalistes. Il nous laisse ses nombreux articles et éditoriaux publiés dans les Cahiers. Sa disparition est une perte immense pour tous les défenseurs de la pensée rationaliste.

Trente ans après les sanglants conflits qui ont accompagné la dissolution de la Yougoslavie, la guerre, la sale guerre est revenue en Europe. Toutes les guerres sont sales, très sales. Les pseudo-frappes chirurgicales tuent souvent plus de civils que de combattants, eux-mêmes pas toujours volontaires. Un mort à la guerre, civil ou militaire, c’est toujours un mort de trop. En Ukraine on les compte déjà par dizaines de milliers, Russes qui ne savaient pas toujours pourquoi ils étaient là et Ukrainiens mêlés. Les civils errent à travers les décombres à la recherche de pain et d’eau. Les épisodes les plus terribles sont ceux des guerres de siège où, depuis l’antiquité, l’assiégeant cherche à affamer et terroriser la population et la garnison pour les forcer à se rendre. L’époque moderne y a jouté les bombardements, plus ou moins ciblés.

Il n’y a pas non plus de guerre sans massacre, politiquement programmés (Srebrenica, Sabra et Chatila) ou vengeances de troupes battant en retraite (Oradour sur Glane, Tulle). La volonté de se venger de l’échec et des pertes ou retards subis ne laisse de place ni à la raison ni à l’humanité.

C’est ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine. On se demande par quelle aberration V. Poutine et l’appareil gouvernemental russe se sont risqués à déclencher cette sale guerre massive dont ils ne pouvaient ignorer les conséquences pour l’Ukraine, pour l’armée et la population russes, pour l’Europe. Paranoïa ou poussée d’un très archaïque et dévastateur nationalisme du pouvoir russe ?

La propagande, la diffusion de fausses nouvelles, font partie des armes de guerre. On ne nous montre pas grand-chose de la propagande russe : images de tanks, meetings de foules rassemblées on ne sait comment, arrestations d’opposants, rien qui permette de vraiment juger de l’état d’esprit de la population dont les fils se font tuer en terre étrangère. Du côté ukrainien, les choses sont plus sophistiquées. Il y a une véritable guerre des images,    et un fort secret militaire. La première semaine, ce furent des images d’une mobilisation générale, civils âgés patrouillant ou apprenant le maniement de la kalachnikov. L’insistance était sur les réfugiées et leurs enfants, les hommes restant pour se battre. Les reportages insistaient sur la volonté de tout le peuple ukrainien, russophones y compris, de se battre jusqu’au dernier contre un ennemi suréquipé, exaltant le patriotisme ukrainien et un sentiment antirusse que personne ne peut mettre en doute pas plus que les images   de destructions. Pas une image de l’armée ukrainienne, secret militaire sans doute, de ses fortifications et de ses armements modernes. C’était le combat d’un David ukrainien contre un Goliath russe surarmé.

Puis il est apparu que l’Ukraine et ses alliés occidentaux s’étaient préparés à cette guerre, que l’armée ukrainienne disposait d’armes anti-tanks et anti- aériennes très efficaces et qu’elle savait s’en servir. Goliath reculait et devait limiter ses ambitions à la conquête de la partie orientale de l’Ukraine. S’il      y réussit, il créera une nouvelle Alsace-Lorraine que le patriotisme exalté   du peuple ukrainien n’acceptera pas. La guerre sera longue et au moindre incident reprendra de plus belle. La haine anti-russe des Ukrainiens risque d’être aussi intense que notre haine anti-allemande de 1870 à 1970, à supposer que celle-ci ait déjà totalement disparu.

Arrêter la guerre suppose désormais, ou aura pour conséquence, ou l’effondrement militaire et politique de l’Ukraine, ou celui  du  pouvoir  russe. Le risque d’élargissement du conflit est réel. Si Poutine et le cercle de dirigeants russes qui l’entoure voient venir l’échec, ils peuvent être tentés de couper les voies d’approvisionnement en armes de l’Ukraine, c’est-à-dire frapper un pays de l’OTAN. Si l’Ukraine s’effondre, l’OTAN peut être tenté d’intervenir massivement, ce à quoi le Président ukrainien et les faucons américains appellent depuis le début des hostilités. Nous sommes membres de l’OTAN.

Pour l’instant l’Union Européenne, sous pression des USA que ces sanctions ne gênent en rien puisqu’ils sont exportateurs de ces matières premières que nous importons de Russie, s’en tient à des mesures économiques et financières. Personne ne sait si elles sont capables d’arrêter rapidement la guerre, mais nous en portons déjà le poids. La baisse du niveau de  vie  en France est visible et très mal supportée. Qu’en sera-t-il si on va  plus loin ?         Et comment se nourriront les populations du Proche-Orient importatrices de  blé russe et ukrainien ? S’il faut, et il le faut, ajouter à cela des mesures pour ralentir le réchauffement climatique, on risque l’émeute.

La seule chose positive, c’est l’émotion et la  générosité  suscitées  par  la vue des réfugiées ukrainiennes et de leurs enfants. La solidarité est le contraire de la haine, c’est une des meilleures qualités de l’homme. Mais l’émotion n’a qu’un temps. On oublie vite. Les Syriens évacués d’Alep, les réfugiés afghans    en savent quelque chose. Quant aux migrants noirs qui  ont  survécu  au  passage de la Méditerranée… N’empêche, il y a eu un élan d’humanité dans cette guerre. L’homme n’est pas tout à fait mauvais. Il y a même des raisons d’espérer dans la manière dont ce conflit se déroule si  on  le  compare  aux deux guerres mondiales et aux  guerres  coloniales  :  pas  de  bombardement  en tapis, pas de napalm, il y a des échanges  de  prisonniers,  qui  semblent  avoir été bien traités. Les dirigeants des deux pays se parlent au téléphone        et envisagent de se rencontrer. Leurs diplomates négocient ouvertement un arrêt des hostilités. On ne parle presque plus de menace nucléaire. Des voix s’élèvent contre  ceux  qui  veulent  couper  tout  lien  avec  la  Russie,  rétablir  le rideau de fer de triste mémoire, interdire tout contact avec la culture, les athlètes, les artistes, les scientifiques russes. Le rétablissement de ce rideau     de fer isolerait encore plus les opposants russes de Poutine, qu’il ferait tout pour museler, et ne chagrinerait pas Poutine lui-même et ses complices : les dictateurs n’aiment pas la confrontation avec la démocratie.

Il reste un peu d’espoir. La raison des États, qui n’a rien à voir avec la raison que nous défendons, n’a pas entièrement gagné. À nous de travailler pour qu’elle ne triomphe jamais. Il ne faut jamais désespérer. C’est pour cela que nous militons à l’Union Rationaliste. Que beaucoup nous y rejoignent !

Le 13 avril 2022

n°687

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• Novembre-décembre 2023

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