Raison présente n° 232
19,00 €
Quatrième trimestre 2024
FAIBLESSES ET RESISTANCES DE L’ÉTAT DE DROIT
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> Avant-propos (PDF)
Disponible en version numérique sur Cairn.info : https://www.cairn.info/revue-raison-presente.htm
Avant Propos
Par Jean-Michel Besnier & Emmanuelle Huisman-Perrin
La démocratie est un régime politique risqué. Platon la redoutait car elle expose toujours à virer dans son contraire : la tyrannie. Tocqueville y diagnostiquait les prémisses d’un « despotisme mou ». Claude Lefort la décrivait comme « le régime historique
par excellence », voué à une indétermination et à un processus permanent d’institutionnalisation auquel les totalitarismes entendent mettre un terme. Un récent rapport produit par l’Institut Varieties of Democracy révèle les « progrès » accomplis dans le monde par l’autocratie au sein des démocraties, notamment avec le recul de la liberté d’expression ainsi que de la confiance dans les élections libres… Ce sont les aspects multiples, et en partie structurels, de l’instabilité démocratique que ce numéro de Raison Présente voudrait interroger. Non pas pour surenchérir sur un déclinisme récurrent mais pour exercer ce devoir de critique que le rationalisme ne doit pas cesser de dicter. La démocratie est un régime politique risqué. Platon la redoutait car elle expose toujours à virer dans son contraire : la tyrannie. Tocqueville y diagnostiquait les prémisses d’un « despotisme
mo ». Claude Lefort la décrivait comme « le régime excellence », voué à une indétermination et à un processus permanent d’institutionnalisation auquel les totalitarismes entendent mettre un terme. Un récent rapport produit par l’Institut Varieties
of Democracy révèle les « progrès » accomplis dans le monde par l’autocratie au sein des démocraties, notamment avec le recul de la liberté d’expression ainsi que de la confiance dans les élections libres… Ce sont les aspects multiples, et en partie structurels, de
l’instabilité démocratique que ce numéro de Raison Présente voudrait interroger. Non pas pour surenchérir sur un déclinisme récurrent mais pour exercer ce devoir de critique que le rationalisme ne doit pas cesser de dicter.
Conjoncturels ou repérables de longue date, les signaux d’alerte sont nombreux : parmi les premiers, le pouvoir vertical d’Emmanuel Macron et l’apparition d’une société de vigilance appelée à devenir de plus en plus liberticide (F. Dosse) ; parmi les seconds,
la question de savoir comment demeurer universalistes après la décolonisation et préserver la tolérance pour accueillir la différence(A. Policar). Entre les deux, des signaux intermittents non moins inquiétants : les attaques contre l’État de droit par des discours anti droits, anti-juges et anti-européens (L. Burgorgue-Larsen), l’usurpation de ce même droit par la police, perceptible dans le consentement à un délit de faciès ou le recours à des armes dont les munitions sontconsidérées par la réglementation internationale comme des armes de guerre (F. Jobard), la montée de l’extrême droite, aux thèses xénophobes et racistes exacerbant les polarités et empoisonnant le débat public (N. Mayer et F. Faury), la résurgence à peine travestie du fascisme et les indices de son acceptabilité par des esprits oublieux du passé ou parasités (E. Huisman-Perrin). La novlangue d’Orwell est à juste titre invoquée pour identifier les dévoiements sémantiques qui banalisent des représentations mentales jadis associées à l’intolérable : l’usage impondéré de termes sollicités à dire la haine quand ils voulaient seulement décrire le droit, participe de ce dévoiement mais avec moins d’intensité dramatique, peut-être, il arrive aussi que des mots doivent être arrachés à la confiscation qu’en font des idéologies réactionnaires ou extrémistes est de ceux-là (C. Ruby).
Le dossier que nous proposons aux lecteurs de Raison Présente a vocation à instruire la discussion autour de la fragilité et de la résistance d’un régime politique qui reste le seul gage du courage de la liberté dont le synonyme n’est autre que « démocratie ».
1 La préparation de ce dossier a bénéficié de suggestions de la part de François Héran. Qu’il en soit ici vivement remercié.