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Alain Boudet, Michel Caboche, Michel Delseny, Rolland Douce, Christian Dumas et Georges Pelletier

Biologistes et membres de l’Académie des sciences

Le Monde - Publié le 30 janvier 2008

OGM : une responsabilité envers les générations futures

Nourrir 9 milliards d’humains en 2050 rend le recours aux biotechnologies végétales indispensable.

Les plantes cultivées par l’homme, comme le blé, le riz, le maïs, ou la pomme de terre, qui représentent plus de 70 % de l’alimentation humaine, ont une longue histoire de domestication. Les travaux menés au cours du XXe siècle ont été effectués en particulier pour protéger ces plantes contre les maladies et pour améliorer leur capacité de production.

De ce fait, une espèce comme la tomate comporte, dans son génome, de l’ordre de 10 % de gènes provenant d’autres espèces, introduits par croisements successifs pour la rendre résistante à divers pathogènes. De même, entre l’ancêtre botanique du maïs, le téosinte, et les maïs modernes, environ 2 % des gènes ont été modifiés, soit environ 1 200 gènes. Ce travail est sans cesse à poursuivre, de nouvelles maladies apparaissant, souvent transportées accidentellement depuis des pays éloignés. Aujourd’hui encore, au niveau mondial, le tiers des récoltes est perdu du fait de ces fléaux.

Les résultats spectaculaires de la biologie moléculaire des plantes obtenus au cours des trente dernières années, en particulier en France, permettent désormais l’introduction des gènes par des méthodes plus rapides, plus efficaces et plus précises que les techniques d’hybridation utilisées auparavant. Deux traits ont été ciblés jusqu’ici par ces nouvelles méthodes, dites transgéniques, qui sont la résistance à des chenilles herbivores (dites phytophages) et à certains herbicides.

Sur le plan mondial, ces méthodes ont été adoptées, comme l’illustre le fait que, en 2006, plus de 100 millions d’hectares de terrains agricoles furent consacrés à des cultures transgéniques. Ce chiffre est en augmentation rapide. Il est remarquable que cet accroissement de production, ainsi que la dispersion locale de pollen et de graines qui en résulte, n’a entraîné aucun effet négatif significatif sur l’environnement ni aucune conséquence dommageable pour la santé humaine ou animale.

Notre propos vise l’avenir de la transgenèse des plantes, bien au-delà des seules résistances (utiles par ailleurs) aux insectes ou aux herbicides. De nombreux laboratoires publics et privés travaillent en effet en ce moment sur l’adaptation des plantes aux contraintes de l’environnement. Contrairement à un animal, une plante ne peut se déplacer pour échapper au manque d’eau ou à une température excessive. Les travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur les changements climatiques prédisent une accentuation des phénomènes de désertification, compromettant en particulier les cultures d’espèces faiblement tolérantes à des déficits hydriques.

RARÉFACTION DES RESSOURCES

L’agriculture doit et devra utiliser l’eau de façon parcimonieuse. Les technologies des organismes génétiquement modifiés (OGM) sont maintenant mises en œuvre pour rendre les espèces cultivées plus résistantes à divers types de contraintes environnementales (déficit hydrique, température accrue, salinité et toxicité des sols, carences en éléments nutritifs, etc.). Grâce aux technologies OGM, un large éventail de possibilités s’ouvre pour contrer les effets néfastes des changements climatiques et de la raréfaction des ressources sur la production agricole. Ceci vaudra, en particulier, pour les pays en voie de développement qui sont exposés à ces dangers et aux fléaux cités.

Notre planète héberge actuellement 6,5 milliards d’êtres humains, et les Nations unies prévoient que nous serons 9 milliards en 2050. Sans progrès spectaculaire en agronomie, il ne sera pas possible de faire face aux besoins nutritionnels d’une telle population. En plus, l’accroissement des besoins en aliments se traduit aujourd’hui par une envolée des prix mondiaux des céréales, occasionnée par le désir d’un mieux-être alimentaire des pays émergents et la désertification de zones cultivées, en Australie en particulier.

Dans le même temps, 5 % des surfaces cultivées sont éliminées tous les dix ans par la croissance des villes et des infrastructures de transport. Les phénomènes de salinisation des terres irriguées s’y ajoutent. L’autonomie alimentaire de la planète est un enjeu majeur, qui ne sera pas résolu de façon simpliste. Il faut nous y préparer, et encourager les recherches et les mises au point d’OGM permettant d’apporter une partie des réponses à ces questions cruciales. Qui plus est, les projets les plus avancés dans plusieurs pays ne sont plus basés sur le transfert de gènes d’une bactérie à une plante, ou d’une espèce sauvage de plante à sa cousine cultivée, mais sur la stimulation, dans la plante elle-même, de ses propres gènes de résistance aux stress.

Plusieurs grands pays développent en ce moment, avec un succès remarquable, ces recherches et leurs applications. La France, malgré une situation de quasi-blocage dans ce domaine, possède des atouts formidables dans ses laboratoires universitaires et dans ceux du CNRS, de l’INRA (agronomie), du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), ainsi que dans le secteur semencier. Notre pays se doit à lui-même, et doit à ses futures générations de chercheurs scientifiques et aux populations menacées par la faim dans les décennies à venir, de reprendre un rôle de leader dans le domaine des biotechnologies végétales.

Alain Boudet, Michel Caboche, Michel Delseny, Rolland Douce, Christian Dumas et Georges Pelletier, biologistes et membres de l’Académie des sciences.
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