Hélène Langevin-Joliot

Présidente de l’Union  rationaliste, pour le bureau de l’UR

6 octobre 2010

L’Union rationaliste et le principe de précaution

Nous savons que le progrès scientifique n’entraîne pas automatiquement celui de la société, mais nous affirmons qu’il en est plus que jamais une condition nécessaire. On ne saurait agir efficacement face aux problèmes d’environnement sans des efforts à long terme pour mieux comprendre notre monde.

Ce n’est pas selon nous dans un refus dogmatique de technologies disponibles et moins encore dans les entraves au développement de technologies nouvelles que l’on trouvera le moyen de répondre à de tels problèmes. Ce n’est pas non plus dans la fuite en avant, mais dans une maîtrise collective raisonnée des choix démocratiques à effectuer. C’est dans cet esprit que nous souhaitons aborder les problèmes liés à l’application du principe de précaution.

Le principe de précaution n’est pas le fruit d’une philosophie rétrograde, ennemie du progrès, comme on le présente trop souvent. Il est encadré par des critères définis, aussi bien dans la Constitution française que dans les textes de l’Union européenne (Qu’est ce que le principe de précaution ?). Ces critères, centrés sur les effets concernant l’environnement plus que sur la santé sont cependant relativement subtils et complexes et ils ne sont pas partout formulés dans les mêmes termes. Plus important, le Principe de précaution pose, selon la remarque de Dominique Lecourt, la délicate question de la maîtrise intellectuelle collective des risques à prendre ou à ne pas prendre. Une question qui met visiblement à l’épreuve les formes actuelles de la démocratie.

L’utilisation du Principe de précaution pour la prise de décision n’est donc pas triviale, sauf dans le cas de situations très simples. Les lois et décrets chargés de le mettre en œuvre dans des situations plus complexes peuvent en réduire ou en amplifier la portée. L’approche rationnelle nécessite en effet non seulement d’évaluer les conséquences néfastes possibles et les coûts réels d’une action envisagée, mais aussi d’évaluer les conséquences néfastes et les coûts induits par une décision de ne pas agir. La mise en pratique de cette approche prend appui sur les connaissances scientifiques du moment et fait appel au-delà, autant que nécessaire, au développement de nouvelles recherches sur les processus ou les technologies en jeu. Une approche rationnelle ne se limite pas aux débats scientifiques visant à établir des faits. L’objectivité et l’efficacité exige aussi qu’elle imprègne les débats démocratiques engagés pour préparer des décisions.

Le Principe de précaution est contrôlé par les tribunaux tant dans son usage par les autorités que quand les citoyens l’utilisent à l’appui de leurs causes. Il est vrai cependant que la méconnaissance des données scientifiques, l’appel à des experts parfois décevants et l’influence d’une opinion publique mal informée par des média friands des emplois métaphoriques de la précaution, peuvent conduire à des jugements incertains.

Le rôle de l’Union rationaliste est de combattre sur tous les plans la confusion entretenue entre l’évaluation scientifique d’un risque, au regard du Principe de précaution, et le débat ou la négociation sur sa gestion éventuelle. Cette confusion est une source majeure d’incompréhension entre les scientifiques et les citoyens et selon nous d’inefficacité : Nous regrettons qu’elle se soit déployée sur plusieurs points importants à l’ occasion du processus de Grenelle. Les débats devraient avoir pour effet de faire avancer la réflexion sur les décisions à prendre, ce qu’ils parviennent rarement à faire. Notre rôle est alors à la fois de lutter contre des fantasmes irrationnels, mais aussi d’exiger toute la transparence sur les informations nécessaires à l’examen des conséquences des travaux des chercheurs et surtout de ce qui est mis en œuvre par les industriels.

Nous apprécions qu’au regard des questions complexes et nouvelles portées par le principe de précaution, chaque situation est un cas d’espèce qui requiert une analyse spécifique des types de problèmes abordés. Nous souhaiterions nourrir par étapes le dossier sur le Principe de précaution avec de telles analyses, en particulier sur les sujets les plus emblématiques et les plus controversés. Les réflexions ainsi engagées pourraient éventuellement déboucher sur la préparation d’un colloque, dans une étape ultérieure.

 Pour le bureau de l’Union rationaliste

 La présidente Hélène Langevin-Joliot 

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