L’affaire Sokal
Évry Schatzman : Vous avez écrit, dans le Monde, un remarquable article sur l’affaire Sokal, à l’occasion de la publication par Sokal dans Social Text d’un texte très provoquant. Pouvez-vous nous résumer l’origine de cette affaire ?
Jean-Jacques Salomon : L’origine, elle, est très simple. Sokal, physicien, propose un article à la revue américaine Social Text, une revue de sociologie qui s’intéresse en particulier à la sociologie de la science. Ce texte est présenté comme une analyse de ce qui peut être un renouvellement épistémologique de la théorie des quanta, un texte d’une vingtaine de pages et que très honnêtement, le moindre lecteur cultivé français aurait immédiatement identifié comme une vaste plaisanterie, un canular comme on dirait en français, car dès la deuxième page, le texte prétendait renouveler la théorie des quanta sur la base de citations nombreuses venant d’auteurs français, les uns philosophes, les autres sociologues et qui, effectivement abusaient d’un usage fort peu légitime et surtout peu sérieux, de concepts scientifiques circulant dans les sciences de la nature. Le texte a été accepté par la revue, probablement parce qu’il était signé d’un physicien, ce qui lui donnait une autorité, une ” légitimité scientifique ” entre guillemets…