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Fabrice Bartolomei

Neurophysiologiste

14/12/2023

En quatre minutes, des chercheuses et chercheurs nous font partager leur enthousiasme et leur détermination à s’aventurer dans l’inconnu, où la rigueur sert de lampe et la raison de boussole. Les Histoires courtes proposées ici sont autant de témoignages de la science en train de se faire et son consultables sur llx.fr . Les explorations les plus récentes dans les champs les plus variés sont ainsi contées. Quant aux photos qui accompagnent le texte, leur rôle est d’ouvrir la porte au rêve, indispensable ferment de l’intuition créatrice. L’Union rationaliste voit chaque jour confortée sa confiance dans les progrès sociétaux qu’apporte la recherche dans tous les domaines de la connaissance. Au fil des semaines, elle vous invite à découvrir ces contes…

FACE À LA CRISE

Au cœur des tempêtes du cerveau

Neurophysiologiste, spécialiste du traitement des épilepsies et de l’analyse des enregistrements stéréo – ÉEG, Fabrice Bartolomei est professeur à l’AMU (Aix-Marseille Université) ; il dirige le service de neurophysiologie clinique à l’hôpital de La Timone à Marseille (APHM) et fait partie de l’unité de recherche Institut de neurosciences des systèmes INSERM-AMU.

Tapuscrit

Fabrice Bartolomei – L’épilepsie, c’est probablement la maladie neuro­logique la plus anciennement décrite. On en trouve dans des écrits babyloniens qui datent depuis trois mille ans av. JC. Une crise d’épilepsie, c’est une perturbation transitoire de rythme électrique dans le cerveau, et selon les modalités de mise en jeu des régions cérébrales, on peut avoir des modifications extrêmement importantes du comportement des personnes, avec des modifi­cations émotionnelles, par exemple, intenses, peuvent aller jusqu’à l’extase. Et les crises extatiques, c’est un exemple probablement de phénomènes qui ont changé la face du monde… Par exemple Saint Paul, Saint Paul sur le chemin de Damas qui change quasiment de perspective religieuse après probablement ce qui a été une crise d’épilepsie extatique. Un autre exemple que j’ai beaucoup étudié, c’est l’impression de déjà-vu. On s’est rendu compte que quand on avait un sentiment de déjà-vu, il y avait un dialogue qui se passait entre le cortex entorhinal et l’hippocampe, qui est notre région du cerveau qui sert à la mémoire, et donc on remettait en jeu transitoirement ce circuit de mémoire.

Une grande partie de ma recherche, au sein de l’unité INSERM, c’est de voir comment ça s’organise dans le cerveau et comment on peut lutter, désorganiser cette super-organisation qu’est une crise. En fait une crise d’épilepsie, c’est pas quelque chose d’anarchique, hein, souvent on pense que c’est une espèce de feu d’artifice de rythmes électriques dans le cerveau, non, c’est très, très construit, une crise d’épilepsie, c’est une modification rythmique dans une zone cérébrale, corticale en général, et qui va, selon les voies de propagation de la région où elle naît, atteindre d’autres structures. Et en s’étendant dans le cerveau selon un ordre très stéréotypé, très répété, elle donne lieu aux signes cliniques. Moi je prends souvent le parallèle avec le cœur, un cœur, c’est un organe bioélectrique, qui pompe. Et vous avez des personnes qui ont des troubles du rythme cardiaque. Le cerveau, c’est aussi un organe bioélectrique, qui produit des rythmes électriques, mais qui eux servent à la coordination des régions cérébrales entre elles, dans une fonction particulière. Si vous voulez attraper un objet, eh bien les rythmes cérébraux du lobe pariétal, du lobe frontal, vont se synchroniser, vont se coordonner pour donner cette fonction. Donc c’est un organe où il y a des rythmes et ces rythmes, comme dans le cœur, peuvent devenir anormaux. Si c’est par exemple dans la région motrice, eh bien vous allez avoir des signes moteurs, si c’est dans la région visuelle, vous allez avoir une hallucination visuelle au début, si c’est dans des régions émotionnelles, comme le système limbique temporal, vous allez avoir une émotion en début de crise, souvent c’est une grande peur ou une sensation d’anxiété qui monte, parfois une sensation de déjà-vu, voilà toutes sortes de gammes de phénomènes liés au changement de ces rythmes. Il y a beaucoup de recherches là-dessus et quand les médicaments ne marchent pas, comment on peut essayer d’arrêter ces rythmes-là, anormaux. C’est pour ça que je prends le cœur comme exemple, hein, vous avez les pacemakers, des systèmes qui détectent les rythmes anormaux et qui vont stimuler le cœur. Dans le cerveau, il y a aujourd’hui des tentatives pour faire la même chose, c’est-à-dire repérer la zone qui génère la crise, détecter ça par un microprocesseur et aller restimuler cette zone. Nous ce qu’on fait, c’est plutôt que d’aller mettre un système dans le cerveau qui va stimuler localement, on va appliquer des stimulations électriques externes, sur le crâne, des petites stimulations, donc une partie du courant va diffuser jusqu’à la zone épileptique, dans le cerveau, et inhiber, diminuer l’activité électrique de cette zone. Donc c’est ce qu’on appelle la stimulation électrique transcrânienne.

À Marseille, on a développé, avec les chercheurs de l’équipe, une modalité de stimulation particulière, le neurofeedback : le cerveau produit des activités élec­triques, qu’on peut enregistrer, c’est l’électro­encéphalogramme, on peut analyser une partie de cet électroencéphalogramme, le faire apparaître sur un écran et on demande au patient de réguler cette activité électrique anormale qui est détectée. Quand une crise arrive, eh ben on perd la conscience, on perd contrôle, on perd une partie de ses capacités neurologiques, etc. Et donc arriver à renforcer cette capacité de contrôle, c’est remettre de la confiance dans les personnes. On demande au sujet de, ben, vous voyez, vous avez une courbe, vous essayez de l’augmenter, par exemple. Et là, y a tout un apprentissage propre à chaque sujet, ça peut être une pensée particulière, pour essayer de moduler cette activité électrique du cerveau. Et on s’est rendu compte, chez les gens qui arrivaient à faire ça, s’ils mettaient en jeu cette stratégie-là au moment des crises, quand ils sentent venir leur crise, eh bien, la moitié des personnes arrive à diminuer l’intensité de la crise, voire la faire arrêter.

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