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le bureau de l’Union Rationaliste

13 novembre 2009

Informations et débats :
Les rationalistes contre la confusion

Les occasions de débats sur des questions impliquant sciences et technologies ne manquent pas ces temps-ci. Certains durent depuis des années et reviennent au premier plan à l’occasion d’un évènement particulier. C’est le cas de l’utilisation de l’énergie nucléaire ou des OGM. D’autres, tels que les débats portant sur les risques des radiofréquences ou celui autour des nanotechnologies, pour être plus récents, donnent cependant une impression de déjà vu : ces controverses ne sont pas près de s’éteindre. Plus atypique, le débat sur la nécessité ou non de la vaccination contre la grippe A (H1-N1) est sous les feux de l’actualité. Pourquoi et comment débattre des questions de société impliquant la science et la technologie ? Il est nécessaire selon nous d’articuler sans les confondre débats scientifiques et débats démocratiques. Il est nécessaire aussi de ne pas perdre de vue que ces débats doivent permettre de clarifier les enjeux de manière à permettre aux élus de prendre les décisions les mieux fondées possible. Il s’en faut de beaucoup que ce soit le cas. Une lecture de la presse sur ces sujets interroge les rationalistes que nous sommes.

La campagne de vaccination contre la grippe A, réservée dans un premier temps au personnel hospitalier, a débuté il y a une dizaine de jours. Elle doit s’étendre progressivement au reste de la population, sur la base du volontariat. Cette campagne, curieusement, déchaîne les passions. La grippe en question est pourtant une pandémie mondiale, et chacun aurait été scandalisé si les pouvoirs publics n’avaient pas pris de mesures pour mettre un vaccin à la disposition de la population. Le doute s’est cependant installé sur la nécessité de se faire vacciner, accompagné parfois de rumeurs sur le danger qu’il y aurait à le faire… alors même que les journaux faisaient état de files d’attente aux Etats-Unis suite à des retards de livraison du vaccin. Le fait que cette grippe très contagieuse soit généralement bénigne, et que les morts soient heureusement peu nombreux y a contribué. Le risque, abondamment évoqué avant l’été, d’une mutation possible de ce virus auquel on laisse le champ libre est apparemment oublié. Mais il y a plus : les recommandations des autorités sanitaires qui ont mis au point le programme de vaccination ne suffisent pas à faire taire les critiques : le vaccin aurait été mis au point dans l’urgence, pour les uns il contiendrait des adjuvants dangereux, pour d’autres il n’a pas eu le temps de faire la preuve de son efficacité. La situation est-elle très différente dans le cas du vaccin modifié chaque année pour la grippe saisonnière ? C’est aux spécialistes de répondre, en explicitant leurs arguments, plutôt que leurs opinions. Au cours des derniers jours, enfin, la controverse a changé de terrain pour mettre en cause le rôle des laboratoires pharmaceutiques dans le choix d’une vaccination de masse. Les 94 millions de doses commandées (nombre estimé dans l’hypothèse où deux injections seraient nécessaires) représente pour l’Etat une dépense conséquente, pour les firmes une importante source de profit. « La grippe A frappe à toute allure », titre un journal, alors qu’un autre propose une « Enquête sur les vrais pouvoirs des labos ». Ordres et contrordres se succèdent au ministère de la Santé jusqu’à ce que les clauses principales des contrats de commande du vaccin soient consultables. Entre l’affichage et la réalité de la transparence, il y a encore du chemin à faire. Il y en a aussi pour clarifier les déclarations de conflits d’intérêt des médecins experts, sans oublier que de très nombreux médecins travaillent dans des structures financées par des laboratoires pharmaceutiques, même si on doit regretter que ce soit parfois faute de moyens publics suffisants. Une méfiance systématique envers les firmes pharmaceutiques ne saurait tenir lieu d’argument pour invalider un avis médical. Au-delà du cas particulier de la grippe A, ne doit on pas s’inquiéter de l’affaiblissement du statut de la vaccination comme réponse collective de la société à la maladie ?

Le rapprochement des pages « Planète » du Monde des 16 et 17 octobre est intéressant quant à la lecture qui peut être faite du rapport de l’Afsset sur les effets biologiques des radiofréquences, spécifiquement des antennes relais et des téléphones mobiles. Le titre du 16 octobre – « La nocivité des radiofréquences n’est pas démontrée » – résume la conclusion émise par l’Afsset sur la base d’une l’analyse de la qualité méthodologique des études concluant ou non à des effets biologiques : « Les données issues de la recherche expérimentale disponibles n’indiquent pas d’effet à court terme ni à long terme de l’exposition aux radiofréquences ». L’article lui-même permet de découvrir, à travers de courtes citations, quelques conclusions importantes du rapport : « Les niveaux d’exposition de la population sont actuellement conformes aux normes ou même souvent très en dessous, mais l’évolution rapide des technologies et des usages nécessite d’adapter progressivement ces normes et les protocoles de mesure ». Ou encore : « Le téléphone mobile reste très largement le principal mode d’exposition aux champs de radiofréquences, en comparaison notamment à l’exposition générée par les antennes relais […] abaisser le seuil de celle-ci à 0,6 volts par mètre (comme demandé par les associations) ne repose sur aucune justification scientifique […] il faudrait peser avec soin les conséquences d’une telle réduction […] ». L’agence recommande de faire effectuer d’autres études et ajoute que « dans ce contexte incertain, dès lors qu’une exposition environnementale peut être réduite, cette réduction doit être envisagée ».

Le 16 octobre, l’article « Le Grenelle des ondes va s’attacher à réduire le niveau de l’exposition » est d’une toute autre tonalité : il s’agit de « lire » le rapport de l’Afsset, qualifié de mi-chèvre, mi-chou. Si l’absence de preuve de nocivité est censée satisfaire les opérateurs de téléphonie mobile, l’appel à la réduction des expositions, quant à lui, conforte les associations : chacune y va de sa lecture. Pour l’une, le rapport fournit « des signaux d’alerte », ce qu’il ne fait pas ; pour une autre, il initie une réflexion, il ne donne pas de conclusion ; pour une troisième, enfin, le rapport est « en retard sur les compagnies d’assurances ». Nous voilà donc en pleine confusion. L’absence de preuves de la nocivité des radiofréquences est un résultat scientifique que des reportages émus, comme celui présenté récemment sur le manque de sommeil des prêtres d’une paroisse, ne sont pas fondés à modifier. Comment gérer au mieux une situation où des troubles de santé sont signalés ici ou là à proximité d’antennes relais et où les usages et la technologie sont en évolution rapide ? C’est une autre question à laquelle l’Afsset s’efforce de répondre. Pour les compagnies d’assurances, c’est bien plus simple : que la peur diffuse qui se propage dans une partie de la population soit justifiée ou non, elles ne veulent pas risquer leur argent dans des procès à l’issue toujours hasardeuse.

La confusion entretenue entre l’évaluation scientifique d’un risque et sa gestion est une source majeure d’incompréhension entre les scientifiques et les citoyens que la communication médiatique peut accroître encore quand elle se montre plus occupée de sensationnel que de relation objective des faits. L’évaluation d’un risque doit souvent être prolongée par de nouvelles recherches. Seule la gestion peut être objet de négociation.

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