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Groupe laïcité de l’Union rationaliste 

01/07/2005

La laïcité dans l'enseignement

La laïcité de l’école est au cœur de la défense de la laïcité.

Car c’est à l’école que les enfants apprennent à penser librement, à confronter leurs opinions issues de leur milieu familial, à apprendre la tolérance et le respect envers ceux qui pensent ou croient différemment sans exclure le débat.

L’instauration d’un enseignement primaire laïque, gratuit et obligatoire est dû aux lois Jules Ferry [1]

 

” Nommé ministre de l’Instruction publique du 4 février 1879 au 23 septembre 1880 dans le cabinet Waddington, il attache son nom aux lois scolaires. Premières mesures : collation des grades universitaires retirée à l’enseignement privé (12/03/1880) dispersion des congrégations religieuses non autorisées (29/03/1880). Président du Conseil du 23 septembre 1880 au 10 novembre 1881, il poursuit la mise en place des lois sur l’enseignement : gratuité de l’enseignement primaire (16/06/1881) extension aux jeunes filles du bénéfice de l’enseignement secondaire d’État (21/12/1881). De nouveau ministre de l’Instruction du 31 janvier au 29 juillet 1882 (Ministère Freycinet), il continue son œuvre scolaire : loi relative à l’obligation et à la laïcité de l’enseignement (28/03/1882) création d’une École Normale féminine à Sèvres et d’une agrégation féminine (13/07/1882) ” Biographie de Jules Ferry sur le site Wikipédia.

lois dont la principale est celle du 28 mars 1882 [2]

 

” La loi du 28 mars 1882 (Jules FERRY) porte principalement sur l’obligation de l’instruction primaire – et non sur l’obligation scolaire – pour les garçons et les filles âgés de 6 à 13 ans. Néanmoins les premiers articles en font aussi une loi de laïcisation :
o Article 1 : L’instruction morale et civique remplace l’instruction religieuse en tête des matières à enseigner .
o Article 2 : ” Les écoles primaires publiques vaqueront un jour par semaine, en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s’ils le désirent, à leurs enfants, l’instruction religieuse en dehors des édifices scolaires. L’enseignement religieux est facultatif dans les écoles privées. “
o Article 3 : Les dispositions des articles 18 et 44, ainsi que le § 2 de l’article 31 de la loi du 14 mars 1850 (prérogatives du clergé concédées par la loi Falloux) sont abrogées. “
M Naud Le service public et l’école dite libre (sur le site).

complétées par la loi Goblet de 1886 sur l’organisation générale de l’école primaire qui n’admet qu’un personnel enseignant laïque dans les écoles publiques primaires, disposition que l’arrêt Bouteyre du Conseil d’Etat, en 1912, étendra à l’enseignement secondaire.
L’esprit de compromis de la loi de 1905 se retrouve dans la prudence avec laquelle furent rédigées la plupart des lois sur l’enseignement, y compris la loi Debré qui organise l’enseignement scolaire sous la Ve République [3].

 

Loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l’Etat et les établissements d’enseignement privés ” Loi Debré “. L’objet de cette loi est de permettre un financement public de l’enseignement privé, en contrepartie de quoi l’Etat se réserve le droit d’exercer son contrôle sur ces institutions.
Le contrôle des pouvoirs publics s’effectue de manière différente selon le niveau du financement par l’Etat de l’établissement. Le fait que le ” caractère propre ” de l’institution soit d’ordre confessionnel ou non n’entre pas en ligne de compte. Si un établissement privé ne sollicite aucun financement public, l’établissement est dit ” hors contrat “. Le régime juridique le plus courant est cependant celui de l’école privée sous contrat.
La loi prévoit deux types de contrats : ” le contrat simple ” et ” le contrat d’association “.
Etablissements ” hors contrat “. Si un établissement privé ne sollicite aucun financement public (établissement ” hors contrat “), l’enseignement qu’il dispense est libre. Le contrôle de l’Etat y est donc ” léger ” : ” Le contrôle de l’Etat sur les établissements d’enseignement privés qui ne sont pas liés à l’Etat par contrat se limite aux titres exigés des directeurs et des maîtres, à l’obligation scolaire, à l’instruction obligatoire, au respect de l’ordre public et des bonnes mœurs, à la prévention sanitaire et sociale. ” (article 2 devenu l’article L. 442-2 du code de l’Education nationale)
Etablissements ” sous contrat “. Les établissements sous contrat doivent préparer les élèves aux diplômes et examens selon les programmes nationaux. Les maîtres y sont rémunérés par l’Etat à raison des diplômes qu’ils possèdent.
En cas de contrat simple, l’établissement conserve une certaine autonomie dans l’organisation de l’enseignement et la répartition horaire des matières enseignées.
Le contrat d’association entraîne l’obligation d’aligner son enseignement sur celui dispensé dans les écoles publiques, et l’Etat assure alors l’ensemble des dépenses de fonctionnement sur les mêmes bases que pour les établissements publics.
La loi impose le respect de la liberté de conscience : ” Dans les établissements privés qui ont passé un des contrats prévus (…) l’établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d’origine, d’opinions ou de croyance, y ont accès. ” et elle ignore les réseaux communautaires : la loi Debré ne connaît que des établissements isolés, chacun tributaire de son ” caractère propre “. Aucune disposition ne laisse place à la constitution d’un réseau qu’il soit confessionnel (par exemple l’enseignement catholique) ou autre (par exemple les écoles Diwan).
M Naud. Le service public et l’école dite libre (sur le site).

Les deux dernières tentatives de rompre les équilibres atteints, qu’il se soit agi du projet Savary en 1982 prônant ” l’insertion du secteur privé au sein du service public d’enseignement ” [4][5], ou celui de Devaquet en 1986 tendant à une sorte de privatisation de l’enseignement supérieur, ont échoué sous la pression de la rue et les projets proposés ont dû être retirés.

 

Le projet Savary restera un projet controversé. Prônant ” l’insertion du secteur privé au sein du service public d’enseignement “, à partir de la transformation des écoles libres en EIP (établissements d’intérêt public), se faisant le relais de la revendication d’une fraction du camp laïque d’un ” grand service public unifié de l’éducation “, le projet Savary signera une césure majeure au sein du camp laïque qui sera celle de la ” laïcité ouverte “. Les observateurs extérieurs l’auront noté : ” la gauche abandonne la doctrine qu’elle avait toujours soutenue depuis 1879 : ” à école publique, fonds publics ; à école privée, fonds privés. ” ” Source : Quid 2000 La rue se mobilise. Le Comité national d’action laïque (CNAL) réunit 600 000 personnes dans la rue (moins de 100 000 d’après la police). Le Comité National de l’enseignement catholique en réunit 1 800 000 (1 000 000 d’après la police) Le projet est retiré.
M Naud Le service public et l’école dite libre (sur le site).

20 décembre 1982 : Alain Savary présente des propositions visant à intégrer l’enseignement privé dans un service public de l’enseignement. 4 mars 1984 : une manifestation pour la défense de l’enseignement privé rassemble à Versailles plusieurs centaines de milliers de personnes. 24 juin : une manifestation en faveur de l’enseignement privé rassemble à Paris plus d’un million de personnes. 1984 12 juillet : dans une allocution radiotélévisée, François Mitterrand indique que le projet de loi sur l’enseignement privé est retiré de l’ordre du jour de la session parlementaire extraordinaire. 17 juillet : Pierre Mauroy démissionne. [www.litt-and-co.org/bio_chrono_biblio/miterrand_chro_44-95.htm]

L’Etat laïque a renoncé à réclamer le monopole de l’éducation auquel il aurait pu prétendre, le principe d’égalité s’opposant à ce que les élèves de l’école publique soient les seuls à bénéficier de la laïcité des programmes et des maîtres, au profit d’une attitude de type ‘concordataire’ échangeant des subventions contre un contrôle par le jeu des contrats avec les établissements scolaires privés. C’est aussi avoir fait le choix d’une sous-traitance conventionnée préférée à une nationalisation franche de l’enseignement privé. La grande injonction ” A école publique, fonds publics ! A école privée, fonds privés ! ” n’en reste pas moins une constante de la revendication laïque et l’Union rationaliste lui demeure très attachée.
La loi de 1905 a établi la laïcité de l’Etat sur des bases assez solides pour qu’elle ait traversé sans encombre un siècle agité, l’intermède vichyssois excepté. Cependant, sous l’effet du progrès technique et de la mondialisation, des changements sont survenus qui ont marqué profondément l’école républicaine au point de modifier l’esprit de cette laïcité [6].

 

Dans l’école rurale des années précédant la guerre de 1914, fréquentée par des élèves venant de familles chrétiennes ou ex-chrétiennes seulement, que l’on quittait à 13 ans après avoir appris la lecture, l’écriture, l’orthographe, le calcul, la liste des départements et une histoire très nationaliste dont Jeanne d’Arc n’était pas exclue, il était relativement facile d’imposer une séparation complète de la religion et de l’école. L’école n’était pourtant pas neutre car refuser de parler religion à l’école signifiait que la religion était facteur de division, qu’elle n’était pas le fondement de la morale ni de la conduite civique, et que son enseignement, qu’il s’agisse de l’histoire sainte, de ses vues philosophiques ou de sa conception de la création et de l’évolution du monde, n’avait rien de scientifique. Il est encore beaucoup de contrées (l’Inde, certains États arabes, et même certains comtés des USA) où au contraire la doctrine de la religion dominante en matière d’histoire, de biologie ou de géologie est considérée comme au moins aussi digne d’enseignement que celle de la science contemporaine. Ne pas parler religion dans l’école de la République était en fait une façon de détacher les esprits de son emprise.
La situation a profondément changé depuis 1914. La quasi-totalité des enfants est scolarisée jusqu’à 18 ans et plus. Certains élèves sont majeurs. Ils ont le droit de voter, de se marier, de faire des enfants, de s’engager dans l’armée et de s’y faire tuer. Comment leur interdire de parler politique ou religion, ce qui pour beaucoup d’entre eux (d’entre nous) revient souvent au même ? Les bruits du monde ne parvenaient dans la campagne française des années 1900 et même 1930 que par les journaux, pour qui le monde se limitait à la politique extérieure des alliés ou des ennemis de la France. Tous les élèves, quel que soit leur âge, voient maintenant au journal télévisé de 20 heures ceux qu’on leur présente toujours comme des juifs et des musulmans s’entretuer au Moyen-Orient. Ils voient les massacres de Bali et du Pakistan, le tchadri des femmes afghanes et le tchador des Iraniennes et des chiites irakiennes. Ils savent qu’au Nigeria une femme déclarée adultère a été condamnée à mourir par lapidation. Ils savent aussi qu’aux Philippines les évêques dictent leur loi et que le Pape refuse les mesures de prévention du SIDA les plus efficaces. Et l’on voudrait qu’ils ne parlent pas de cela dans leur établissement d’enseignement, là où ils passent l’essentiel de leur vie ? Seraient-ils schizophrènes au point de laisser ces sujets à la porte du lycée que le programme les leur rappellerait. Quel professeur peut leur parler du Cid sans évoquer la conquête musulmane et la Reconquête, de Polyeuct sans esquiver le problème du fondamentalisme, de Pascal sans prononcer le mot ” religion ” ?
G Fussman. Laïcité et rationalisme (sur le site).

  1. Biographie de Jules Ferry sur le site Wikipédia[↑]
  2. Michel Naud: “Le service public et l’école dite libre” (sur le site).[↑]
  3. Ibid. [↑]
  4. Ibid.[↑]
  5. Projet Savary[↑]
  6. Une laïcité pour l’avenir, Actes du Colloque UR 2004, Raison Présente N° 149-150, 2005[↑]

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