Hélène Langevin-Joliot

Présidente de l’Union  rationaliste, pour le bureau de l’UR

3 mars 2010

La laïcité, les traditions et l’émancipation des femmes

La discussion ouverte par la commission de l’Assemblée nationale sur le port de la Burqa a suscité de multiples réactions. L’Union rationaliste n’a pas voulu s’impliquer dans ce débat qui lui paraît piégé entre racisme avéré ou sournois d’une part, et attitude politiquement correcte de l’autre. De toute façon, les récentes remarques du Conseil d’Etat semblent avoir rendu caduque la réflexion sur l’opportunité d’ajouter une loi aux dispositions existantes. Nous ne saurions ignorer la situation détestable créée par la persistance de la discrimination qui pèse sur nombre d’émigrés et leurs descendants. Cela ne nous empêche pas de nous exprimer, pas seulement à propos de la burqa, sur des questions de fond qui touchent au rôle de la laïcité, à celui des traditions et des religions, à celui des droits de l’homme et surtout des femmes.

La burqa choque la grande majorité de nos concitoyens. Cette observation n’est pas suffisante en elle-même pour en faire un problème, même si la dissimulation du visage pose des questions pratiques dans la vie quotidienne. On se rapportera à l’article de Gérard Fussman dans le n° 602 des Cahiers rationalistes de septembre 2009, dans lequel est analysée l’origine d’une tradition qui s’est transmise ou perpétuée en particulier dans les pays de confession majoritairement musulmane, de façon plus ou moins marquée selon les pays et les époques. Apparue dans les pays occidentaux et notamment en France il y a quelques années, la burqa se veut une simple forme publique d’affirmation religieuse, quoique plus extrême que le voile ou le foulard. Certaines femmes, jeunes ou moins jeunes, qui portent burqa, voile ou foulard, le font sous la contrainte du milieu familial ; d’autres, et semble-t-il plutôt parmi les nouvelles converties ou au sein de la dernière génération, le font par choix. Aux premières nous conseillons de contacter des associations pour qu’elles les aident. Aux secondes nous disons clairement : la burqa, plus encore que le voile et le foulard, symbolise la soumission de la femme, le statut inférieur qui est le sien dans tous les pays où la charia est reconnue comme loi suprême, et malheureusement dans quelques autres aussi. Les symboles sont des armes redoutables qui contribuent à bloquer des évolutions nécessaires. Ils peuvent même servir de point d’ancrage à des processus régressifs. Votre choix personnel est utilisé contre les femmes qui aspirent à se libérer.

Il faut sortir de la confusion entretenue dans les débats autour de l’islam en France. Chaque personne est également respectable, quelles que soient sa culture et sa religion, ou son absence de religion. Il ne s’ensuit pas que les idées de chacun ou de chacune, que toutes les traditions, toutes les règles imposées par les différentes religions, dès lors qu’elles interfèrent avec la vie collective et font obstacle à la liberté et aux droits de tous, soient respectables : bon nombre d’entre elles doivent être combattues sans complexes, mais aussi avec réalisme. L’histoire du recul de l’emprise de l’Eglise catholique sur les comportements en France montre bien le rôle essentiel d’une affirmation claire et combative des principes… et de celui du temps, nécessaire aux évolutions collectives.

La laïcité garantit la liberté d’expression, le droit de croire et de ne pas croire. En veillant à la non-ingérence des religions dans les affaires publiques, la laïcité offre le meilleur cadre pour développer le « vivre ensemble ». Après la burqa, qui exclut la femme de la vie collective, voici l’exclusivité en faveur de la viande halal mise en œuvre par l’enseigne Quick à Roubaix. Des bouchers proposant de la viande halal ou casher, auxquels les familles ont recours pour se ravitailler, existent depuis longtemps. Le développement de restaurants excluant la viande classique pose un problème réel. Le repas pris à l’extérieur de chez soi ouvre un moment de convivialité possible : faut-il désormais réserver celui-ci aux seuls membres d’une même communauté ? La solution du rationaliste consiste évidemment à offrir dans un même lieu une large palette de choix, dût-on pour cela accepter un peu de souplesse dans la définition du halal… ou du casher. On sait que l’Eglise catholique prescrivait naguère pour le Carême quarante jours d’abstinence, de jeûne et de prières. Depuis combien d’années ne le fait-elle plus ? Le Ramadan est sans doute plus joyeux, mais il n’empêche que la répartition obligée des repas défie toutes les recommandations médicales ; aujourd’hui son respect excessif par certains jeunes va même au-delà des recommandations de la plupart des imams.

S’il faut célébrer la diversité des cultures, c’est pour l’extraordinaire potentiel de renouvellement qu’ouvrent les échanges entre elles, pas pour l’addition de leurs interdits.

Pour le bureau, la présidente Hélène Langevin-Joliot

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