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Michèle Leduc

Responsable du site Web de l’Union rationaliste avec le groupe Transition écologique et rationalité de l’UR

16/09/2023

L’été des catastrophes climatiques :
non au déni de la science

L’été 2023 a été celui de toutes les catastrophes climatiques sur l’ensemble de la planète : bulle de haute pression et envolée des températures sur l’Atlantique Nord, asséchements des sols, immenses feux de forêts au Canada et incendies meurtriers à Hawaï et en Grèce, gigantesques inondations en Libye, fonte accélérée des glaces aux deux pôles…En France, la population a bien souffert de la canicule et du manque d’eau dans une large partie du pays.

Certains de ces événements extrêmes excèdent même les prévisions statistiques du plus pessimiste des scénarios du GIEC. Ils laissent présager d’énormes tensions dans les sociétés pendant les décennies à venir : des conflits violents dans les pays en développement, des pénuries dans les pays développés et de vastes déplacements contraints de population.

Réagir pour minimiser les désastres est encore possible, mais les clés sont évidemment dans les mains des politiques. Les engagements non contraignants de la COP21 de Paris n’ont pas été suivis d’effets, bien au contraire : cinq ans plus tard le réchauffement moyen a parfois dépassé les limites prévues pour l’horizon 2050…La construction de centrales à énergie fossile progresse en l’absence d’enfouissement du CO2, les compagnies aériennes prévoient l’augmentation de leur trafic dans la décennie à venir, les grandes entreprises adoptent une attitude pseudo vertueuse de « verdissement » sans réduire significativement leurs émissions de gaz à effet de serre…

Le découragement pourrait bien naître en France après le refus par le pouvoir exécutif de suivre la plupart des recommandations de la Convention citoyenne pour le climat. Certes, les personnes sensées ne peuvent pas réfuter l’évidence du changement climatique aujourd’hui. Mais combien n’admettent pas que la contribution humaine soit déterminante (un tiers des Français selon les sondages) ? Et combien d‘entre nous adhèrent à la totalité du message sans appel du GIEC ? Le déni de cette nouvelle réalité, pourtant scientifiquement établie, n’est pas lié à des faits ou des preuves, mais peut-être à un désir irrationnel de continuer à vivre « comme avant » le plus longtemps possible…

Chacun d’entre nous se demande : mais que faire à mon niveau face à ce défi mondial ? Prendre l’avion le moins possible ? Manger moins de viande ? Réduire le bilan carbone dans mes activités professionnelles (ce que font les chercheurs avec le mouvement « labo 1point5 ») ? Réorienter mes activités dans une voie favorable à l’écologie ? Rejoindre des formes nouvelles de mobilisation, comme les Soulèvements de la Terre, qui osent attirer l’attention du public sur les dégradations de l’environnement par des actions spectaculaires ? Tout est nécessaire mais pas suffisant.

L’Union rationaliste appelle à ne pas perdre de vue l’aspect très politique et international de la question. Il est inquiétant que la présidente du parlement européen invite la Commission européenne à revenir sur le « pacte vert ». En France, c’est à droite et à l’extrême droite que se manifeste l’opposition la plus ferme à toute forme de lutte pour le sauvetage de la planète taxé d’« écoterrorisme ». Cette opposition a des racines plus idéologiques que simplement économiques. Elle met en balance une « écologie punitive », qui serait la marque de la gauche, et une « écologie du bon sens », promue par le RN qui, de façon démagogique, « entend dénoncer tout ce qui menace de perturber le mode de vie et de consommation des Français et pousse ainsi au rejet des éoliennes, du zéro artificialisation des sols, à la défense de la voiture individuelle, des pavillons et de l’agriculture productiviste au nom de l’« enracinement », etc. »[1].

Avec ce dramatique déni du danger climatique, confortable et rassurant pour beaucoup de nos concitoyens, il y a un risque majeur qu’il faudra prendre en compte au cours des affrontements politiques à venir. L’Union rationaliste rappelle que la « punition » est celle des catastrophes climatiques qui retomberont sur toutes les populations, en commençant par les plus vulnérables. Plus les politiques, en France comme dans le monde, tarderont à agir à grande échelle, plus le remède sera douloureux et coûteux.

Michèle LEDUC, pour le bureau de l’UR

[1] Le Monde Editorial du 14 août 2023

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4 réflexions sur “L’été des catastrophes climatiques :”

  1. Jean-Sébastien Pierre

    Chers amis,
    Je suis un peu choqué par votre éditorial traitant de “déni de la science” toute contestation des prédictions du GIEC qui, je me permets de le rappeler, n’est nullement une institution scientifique mais une institution que l’on peut qualifier de géopolitique. Si vous pensez que toute mise en cause de leurs déclarations est un déni de la science, pouvez-vous m’éclairer sur deux points :
    – Le premier, comment les “modèles du GIEC” (en fait les modèles de CMIPS6) sont-ils validés pour appuyer un réchauffement de l’ordre de 3.6°C au moins à l’échelle 2100 comme il est affirmé dans le tableau SPM-1 du résumé pour les décideurs sous les scenarios SSP-7 SPP-8.5. Je me suis reporté attentivement au chapitre 4 du groupe WGI sans y trouver de réponse claire, d’autant que les travaux de modélisation de CMIPS6 divergent monumentalement les uns des autres de près de 5°C au total. Dans un travail de Nicola Scafetta de 2021 qui conclut à une surchauffe généralisée des prévisions choisies par le GIEC basés sur une sensibilité climatique exagérée. A aucun moment dans ce chapitre il n’est précisé de validation par rapport aux températures observées de 1850 à 2022.
    – Le second : d’où sort la nouvelle “courbe en crosse de hockey” que l’on trouve dans SPM (le résumé à l’intention des décideurs) pour tenter de prouver que jamais dans l’histoire humaine on n’a connu un réchauffement aussi rapide. (page 6, §A1.8, figure SPM1. N’êtes-vous pas choqués qu’elle apparaisse sans aucune référence de publication scientifique ? Là encore, pour en avoir le coeur net je me suis plongé dans le chapitre 4 d’AR6-WG1 où j’en ai trouvé… une autre page 61 du “résumé technique” curieusement coupée par une interruption de 100 ans, avec une anomalie estimée encore plus comprimée que pour la précédente (0.25°C au lieu de 0.5°C) et… toujours sans aucune référence bibliographique. J’imagine que vous gardez le souvenir de l’effondrement de la courbe de Mann et du climategate des années 2010.
    Quant aux événements extrêmes qui “dépassent les prévisons du GIEC” comme, en ce qui concerne ces “extrêmes” leurs prévisions sont diverses et contradictoires, attendons la fin 2023 pour savoir s’ils sortent de l’épure statistique. Pour l’instant et jusqu’en 2022 inclus, la fréquence de ces événements extrêmes n’a augmenté dans aucune série chronologique publiée.
    Je suis membre de l’UR, très attaché à celle ci et défenseur de la science. Encore faut-il s’assurer que la science est bien là avant de hurler avec les loups contre les dénialistes. Quant à l’amalgame avec l’extrême droite, c’est un argument misérable et non scientifique, permettez-moi de vous le dire.
    Fraternelles salutations
    J.S. Pierre, Professeur émérite à l’Université de Rennes 1

    1. Question de Jean-Sébastien Pierre : ” d’où sort la nouvelle “courbe en crosse de hockey” que l’on trouve dans SPM (le résumé à l’intention des décideurs) pour tenter de prouver que jamais dans l’histoire humaine on n’a connu un réchauffement aussi rapide. (page 6, §A1.8, figure SPM).[…]
      Réponse de Gerhard Krinner : “les SPM des rapports du GIEC réfèrent toujours à la fin du paragraphe à la source dans le rapport complet. Tout est accessible depuis la page du rapport, à savoir https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/
      Pour plus de détails : https://union-rationaliste.org/lete-des-catastrophes-climatiques-debat/
      Gerhard Krinner, directeur de recherche à l’IGE (Institut des Géosciences et de l’Environnement ) du CNRS à Grenoble

  2. Merci à l’UR pour cet édito qui situe bien les problèmes climatiques dans une perspective politique. Toutefois il aurait mieux valu ne pas écrire qu’un extrême climatique actuel dépasse les prévisions du GIEC. En effet, un scénario du GIEC, c ‘est un narratif sur la démographie, l’économie, la technologie, les relations internationales, etc. pour justifier une des trajectoires d’émissions de GES (les fameux SSP) et un forçage radiatif, que le GIEC demande aux équipes de climatologues numériciens de simuler sur leurs ordinateurs. Donc, un scénario ne comporte aucune donnée climatique, ni extrême ni moyenne. Ce sont les simulations climatiques sur ordinateurs qui en proposent. En outre, faire quelques simulations ne permet pas d’explorer tous les extrêmes possibles d’un climat (si sa fréquence est d’une sur 1000 ans, il faut faire au moins 1000 simulations pour la simuler une fois ou deux). Voir mon livre “Le GIEC urgence climat” page 79

  3. Jean-Louis Dufresne

    En réponse au premier commentaire de Jean-Sébastien Pierre sur le sensibilité exagérée au réchauffement par le GIEC : Les estimations du réchauffement pour différents scénarios regroupées dans le tableau SPM-1 du résumé pour les décideurs ne sont pas calculés directement à partir des résultats bruts des modèles CMIP6. En effet, dans le dernier rapport du GIEC, l’AR6, le choix a été fait de contraindre l’amplitude du réchauffement en utilisant le plus d’informations possible : réchauffement récent (derniers 150 ans), connaissances théoriques des phénomènes, résultats de modèles, données paléoclimatiques. Cela a été réalisé via l’utilisation d’un émulateur basé sur une modélisation simplifiée de la température et du bilan d’énergie de la Terre. Ceci est expliqué dans le chapitre 7, et dans le supplément de ce chapitre.
    En ce qui concerne l’article de Nicolas Scafetta de 2022, sa validité a récemment été remise en cause dans un article de Schmidt et al. 2023 (https://doi.org/10.1029/2022GL102530)
    Si la critique de la surestimation du réchauffement simulé par les modèles climatiques, ou estimé par les différents rapports du GIEC, est récurrente, la figure 1.9 du chapitre 1 de l’AR6 montre au contraire que les estimations faites depuis les années 1980 (dont celles de S. Manabe, prix Nobel de physique 2021) sont cohérentes avec le réchauffement qui a été ensuite observé:
    https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/chapter/chapter-1/#figure-1-9

    Jean-Louis Dufresne, directeur de recherche au CNRS, laboratoire de météorologie dynamique (LMD) à l’Institut Pierre-Simon Laplace

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