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Le bureau de l’Union rationaliste

10/06/2024

Pour la Palestine et contre l'antisémitisme

Devant le désastre de la situation en Palestine et les terribles affrontements qu’elle suscite, tant en France que dans le monde, l’UR tient à affirmer qu’elle se range aux côtés de ceux qui appellent à la reconnaissance de l’Etat palestinien et l’acceptation des deux états. Elle partage largement l’approche du texte ci dessous ” Pour la Palestine et contre l’antisémitisme ” rédigé par notre adhérent le politiste Alain Policar, notamment son appel final : “les mouvements étudiants contre les massacres à Gaza, pour le cessez-le-feu en Palestine et le retour des prisonniers palestiniens doivent inclure dans leur horizon la condamnation des massacres du 7 octobre par le Hamas et le retour des otages israéliens”.
        Le Bureau de l’Union rationaliste
 
Pour la Palestine et contre l’antisémitisme
 

La logique coloniale en jeu dans les territoires occupés en Cisjordanie et le massacre par l’armée israélienne de dizaine de milliers de civils à Gaza et à Rafah doivent être condamnés. Tout comme la large complaisance occidentale vis-à-vis d’un gouvernement qui ignore les règles du droit international depuis tant d’années et du droit international humanitaire en particulier. Les massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre sont inacceptables, mais ils ne justifient aucunement la boucherie de Gaza. C’est pourquoi on ne peut que soutenir les mouvements internationaux de protestation étudiante qui demandent un cessez-le-feu, l’arrêt des livraisons d’armes à Israël, le respect des droits humains les plus fondamentaux. On ne peut que saluer les citoyens israéliens mobilisés contre les dérives autoritaires de leur gouvernement et qui font de la libération des otages une priorité. On ne peut que condamner la répression qui s’exerce contre ces mobilisations, ici ou là-bas.

Mais il faut aller au-delà malgré la grande difficulté de la tâche. Une position progressiste se heurte en effet à la puissance de l’extrême droite. Celle-ci a un triple visage : l’extrême droite pro-israélienne, en soutien inconditionnel des exactions ordonnées par le gouvernement Netanyahou ou couvertes par lui ; l’extrême droite traditionnelle française, le Rassemblement national, avec ses groupes radicalisés qui réoccupent la rue et son organisation banalisée aux portes du pouvoir ; et il y a la violence islamo-conservatrice, qui a tué, lors d’attentats en Europe, et qui a assassiné en Israël le 7 octobre, en ciblant notamment des militants de gauche. Toutes s’opposent radicalement à l’égalité des droits et des conditions sociales, aux libertés élémentaires et défendent des formes diverses de xénophobie, aussi bien contre les musulmans que contre les juifs.

A gauche aussi, il y a de l’encombrement. Même si l’héritage des luttes anticoloniales constitue un leitmotiv mobilisateur, idéologiquement, c’est autre chose : comment défendre l’indépendance des peuples en faisant l’impasse sur leurs révoltes face à l’évolution de régimes vers l’autoritarisme politique et la corruption ? Dès lors, il n’est plus possible de soutenir les acteurs de l’indépendance aveuglément, sans tenir compte des politiques qu’ils promeuvent. Le Hamas est un mouvement historiquement ambivalent, entre composante du mouvement palestinien de lutte nationale et islamo-conservatisme autoritaire, sexiste, homophobe et antisémite, qui a choisi, le 7 octobre, d’afficher au grand jour une violence totalitaire digne de Daech.

Une approche intersectionnelle permet d’apporter ici un éclairage utile. Si nombre d’étudiants et de militants s’en revendiquent, y compris dans les mobilisations de soutien à Gaza, la pluralité des logiques oppressives et leurs imbrications complexes passent à la trappe. L’oppression coloniale se confond volontiers avec le postcolonial qui en découle, les courants islamo-conservateurs sont comme innocentés, dans leurs versions légalistes autoritaires ou djihadistes meurtrières, l’antisémitisme minoré sinon ignoré.

Pourtant, une même personne peut être discriminée sous un certain angle ou privilégiée sous un autre. On ne peut pas établir de frontière intangible entre une catégorie homogène de « dominants » et une catégorie homogène de « dominés ». C’est ce qu’a commencé à comprendre courageusement le procureur général de la Cour pénale internationale, en proposant d’inculper trois dirigeants du Hamas ainsi que le Premier ministre et le ministre de la Défense israéliens, sans stricte équivalence entre les actes des uns et des autres, mais en prenant au sérieux le croisement d’une pluralité de logiques criminelles. Le gouvernement américain a malheureusement choisi de combattre cette initiative.

C’est dans un cadre renouvelé qu’il faudra inventer des solutions dans nos relations solidaires avec la Palestine, sans négliger la situation de profonde angoisse politique que traversent les Israéliens, a fortiori lorsqu’ils sont favorables à une solution pacifique au conflit. La souffrance des Palestiniens l’exige, notre indignité face à cette souffrance aussi. Beaucoup dépendra de l’émergence de nouvelles solidarités entre les peuples israélien et palestinien, même si l’effort pour réparer l’injustice historique faite aux Palestiniens devrait être une priorité au sein du débat public israélien. A quand un manifeste des 121, comme pour l’indépendance en Algérie, mais incluant une condamnation du Hamas ?

Dans cette perspective, les mouvements étudiants contre les massacres à Gaza, pour le cessez-le-feu en Palestine et le retour des prisonniers palestiniens doivent inclure dans leur horizon la condamnation des massacres du 7 octobre par le Hamas et le retour des otages israéliens. Par ailleurs, il ne doit y avoir aucune tolérance vis-à-vis de propos antisémites. Il s’agit de promouvoir une nouvelle solidarité internationale, dans un monde toujours plus interdépendant.

Cet éditorial est la reproduction partielle de la tribune publiée par Le Monde le 5 juin 2024, signée de Philippe Corcuff, Philippe Mesnard, Marion Paoletti, Alain Policar, Ivan Sainsaulieu, Haoues Seniguer et Sophie Wahnich.

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