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Hélène Langevin-Joliot

Union rationaliste

14/09/2008

Rassemblement laïque international

Les attaques contre la laïcité ne proviennent pas seulement aujourd’hui de représentants directs de telle ou telle religion, Elles sont relayées et souvent initiées par les pouvoirs politiques eux-mêmes. La Commission européenne prête une grande attention aux recommandations de la Conférence des évêques, le Parlement européen et l’assemblée générale du Conseil de l’Europe invitent le Pape à s’exprimer devant eux.

      La France, où les traditions laïques sont particulièrement ancrées, est un enjeu d’importance : il est grave que l’activisme du Président de la République en faveur des religions, la religion catholique en tout premier lieu, n’ait rien à envier à celui du Pape. 

      Le non financement public de la visite du Pape devrait aller de soi, conformément à la loi de 1905 car cette visite ne concerne que les catholiques. Nous voyons bien malheureusement qu’elle a été préparée et se déroule comme un évènement d’Etat, dans des conditions qui engagent nécessairement l’argent public. Le Président de la République en recevant Benoît XVI en a profité pour prôner à nouveau une laïcité soi-disant positive. La révérence avec laquelle le chef de l’Eglise catholique est reçu, trop de publicité complaisante dans les médias, constituent un pas de plus dans un processus de cléricalisation que nous ne pouvons accepter.

      La séparation des Eglises et de l’Etat est pourtant l’objet d’un consensus très général dans la société française. Il n’en résulte pas que ses conséquences, telles que nous les entendons conformément aux traditions républicaines, le soient. Les ambiguïtés et les hypocrisies déployées au fil du siècle dernier pour contourner la loi ont débouché, entre autres, sur le financement public de l’enseignement privé, au motif de l’égalité des enfants et des convictions des parents. Les exigences de neutralité qui limitent actuellement le prosélytisme dans les établissements privés, à 90% catholiques, pourraient bien être remises en cause, au prétexte du « caractère propre » des établissements et par référence à des pratiques courantes dans d’autres pays européens. L’emprise des religions sur la vie publique est, en effet, favorisée partout par une volonté de désengagement des États vis-à-vis des charges d’éducation et de solidarité sociale.

      Elle l’est aussi  par la complaisance envers les communautarismes. Le respect des droits de l’homme et le principe de non-discrimination ne nécessitent nullement, bien au contraire, d’abattre le rempart que représente la laïcité contre une structuration dangereuse de la société. Les communautarismes correspondent trop souvent, par delà les aspirations légitimes  à la diversité culturelle, à un enfermement dans  des traditions qui ne respectent pas les droits de l’homme et surtout des femmes. Les conséquences sont lourdes de danger pour l’individu, qui  se voit dénier le libre choix de sa religion ou de son absence de religion, de ses liens personnels et de sa morale. Elles sont lourdes de danger pour la vie sociale.

      Tous ne sont pas conscients, en France et plus encore en Europe, de l’importance de la laïcité pour leur avenir. Il ne suffira pas, pour important que soit cet objectif, de s’opposer en France à tout aménagement de la loi de 1905. Il ne suffira pas de réclamer la suppression de la référence au rôle spécial des Eglises dans les traités et accords européens. 

      La laïcité doit être replacée au centre d’un ensemble de préoccupations très larges, allant de la liberté de pensée et d’expression à la solidarité et au combat contre les discriminations, en passant par la défense de la culture, de l’enseignement et de la recherche.

      En 2008, le pouvoir d’achat des Français, des Européens aussi, est en effet insuffisant pour que les couches de la population les plus modestes puissent faire face à la hausse des prix de l’alimentation, du logement ou des transports.

     Trop peu de nos concitoyens s’interrogent, face à cette situation, sur les rapports entre l’accent mis sur la religion et l’espoir des gouvernants de rendre plus supportable les dégâts d’une pseudo rationalité économique qui sélectionne les individus « méritants » et en laisse beaucoup d’autres sur le bord du chemin. Que les religions servent de substituts à la solidarité sociale qui relève de la responsabilité des Etats démocratiques, les citoyens français et européens, s’ils en prennent conscience, ne seront probablement pas prêts à l’accepter.

      Comme on sait les objectifs de l’Union rationaliste se regroupent autour de deux axes majeurs : la défense du rationalisme, de la démarche scientifique et du rôle de la raison dans l’aventure humaine, la défense de la laïcité qui en séparant l’Etat et les religions permet à la société civile d’exercer ses choix hors des pressions idéologiques que celles-ci voudraient imposer.

      Ces deux axes majeurs sont plus que jamais liés.  

      Les attaques contre la laïcité s’effectuent, en effet, dans un contexte d’interrogations sur les conséquences des avancées scientifiques et techniques. Le fait qu’il n’y ait pas de relation linéaire entre progrès scientifique et progrès de la société sert de prétexte à certains pour attribuer à l’apport des Lumières et au rôle donné à la raison les désastres du siècle passé et ceux qui nous menacent aujourd’hui, tel le changement climatique. Ils oublient que la science a rendu possible, malgré d’insupportables inégalités, l’allongement de l’espérance de vie et l’amélioration du niveau de vie. Le « Grenelle de l’environnement », a donné un exemple de telles incompréhensions, en tenant à l’écart les communautés scientifiques en tant que telles.

      La laïcité s’est imposée au début du siècle dernier parallèlement à la reconnaissance de l’importance du progrès scientifique et des espoirs qu’il ouvrait pour répondre aux attentes de la société. La laïcité a besoin aujourd’hui, d’une refondation des rapports de la science et de la société. 

      Les réformes imposées aux grands organismes de recherches et aux universités, marquées par le recul de la démocratie, ne peuvent  laisser les défenseurs de la laïcité indifférents. Les enjeux sont, entre autres, la conception de la formation des étudiants, entre professionnalisation à trop court terme et formation culturelle, la place de la recherche fondamentale.

      Les enjeux des réformes dans l’enseignement primaire et secondaire ne sont pas moins considérables.

      Le socle commun de connaissances et de compétences qui définit les objectifs de la scolarité obligatoire juxtapose culture scientifique et culture humaniste. Cette dernière comprend l’enseignement du fait religieux, la connaissance d’extraits de la Bible et du Coran, mais pas la critique des religions, l’apport des Lumières, le caractère émancipateur du développement des connaissances.

      La culture scientifique, réduite à sa fonction pratique, dépouillée de son aspect formateur à l’esprit critique et au libre examen, laisse la place libre non seulement à l’ignorance se parant du nom de « sciences parallèles », mais aux religions. Dans cette répartition des rôles, il revient à la science de fournir les compétences techniques nécessaires au développement économique, il revient aux religions d’apporter le supplément d’âme nécessaire à l’individu et la morale nécessaire à la vie en société. 

       Une bataille particulière mérite d’être menée sur le rôle du progrès des connaissances dans l’évolution des modes de pensée et des exigences éthiques. Mettre en rapport l’histoire des idées et les progrès de la science, c’est prémunir la société contre les tentations obscurantistes, c’est battre en brèche le concept d’une morale révélée, supérieure à toute morale d’essence humaine, produit de l’histoire.

      On évoque beaucoup l’espérance. Nous mettons la nôtre dans une culture humaniste pour tous, intégrant la culture scientifique et les valeurs de la laïcité.

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