Physicien théoricien
02/01/2025
En quatre minutes, des chercheuses et chercheurs nous font partager leur enthousiasme et leur détermination à s’aventurer dans l’inconnu, où la rigueur sert de lampe et la raison de boussole. Les Histoires courtes proposées ici sont autant de témoignages de la science en train de se faire et son consultables sur llx.fr . Les explorations les plus récentes dans les champs les plus variés sont ainsi contées. Quant aux photos qui accompagnent le texte, leur rôle est d’ouvrir la porte au rêve, indispensable ferment de l’intuition créatrice. L’Union rationaliste voit chaque jour confortée sa confiance dans les progrès sociétaux qu’apporte la recherche dans tous les domaines de la connaissance. Au fil des semaines, elle vous invite à découvrir ces contes…
SCIENCE ET TOURS DE CARTES
Recherche et prestidigitation, différences et points communs.
Physicien théoricien, professeur au département de la matière condensée de l’université de Genève, spécialiste des interactions dans les systèmes quantiques unidimensionnels, Thierry Giamarchi est aussi un prestidigitateur de niveau quasi-professionnel. C’est la fascination pour le mystère puis la découverte de son explication qui expliquent sa prédilection pour deux domaines si éloignés en apparence.
Tapuscrit
Thierry Giamarchi – Alors moi, j’aime bien faire de la science et j’aime beaucoup faire de la prestidigitation, les deux ont l’air assez différent, en fait quand on regarde les deux communautés, elles sont assez proches, d’abord les deux sont complètement magiques, c’est-à-dire que la science fait des tours de magie absolument extraordinaires, on voit des, des supraconducteurs qui lévitent sur des champs magnétiques, et souvent des tours qui sont bien plus spectaculaires que ce que les magiciens peuvent faire, je crois que les gens se rendent pas compte, quand ils ont un équipement électronique comme un téléphone portable ou un objet comme ça dans les mains, quelle magie y a derrière ce matériel, et puis le deuxième aspect, c’est effectivement le côté comprendre ce qui se passe, c’est la même chose en science et en prestidigitation, d’abord on est émerveillé par le tour, on est émerveillé par un phénomène physique, et puis après on veut savoir comment ça se passe, et alors là, la démarche d’un scientifique, eh ben c’est celle d’un spectateur qui a le droit de voir le tour de magie mais qui a pas le droit de savoir comment le tour se passe, donc il a le droit de revoir, revoir, revoir le tour de magie, de se pencher un peu à droite, de se pencher un peu à gauche, de s’asseoir derrière le magicien, des fois, mais y a des limites, y a des choses qu’on peut faire et des choses qu’on peut pas faire, comme dans les expériences qu’on fait en physique, y a des choses qu’on peut faire et des choses qu’on peut pas faire, on peut développer des instruments, on peut avoir une paire de jumelles pour voir un petit peu de plus près comme dans un spectacle de magie, ça peut aider à comprendre, des fois ça peut ne pas aider…
Donc si on veut savoir par exemple ce qui se passe à l’intérieur de la matière, ben y faut développer l’instrument pour aller voir, et c’est pas forcément facile ! Alors on fait avec ce qu’on a… Pareil, quand on fait une expérience, en matière condensée, on peut refroidir jusqu’à un certain point, mais des fois on aimerait bien refroidir dix fois plus, mais on peut pas ! Donc c’est un peu comme dans un tour de magie, on aimerait bien aller mettre les mains sur la boîte qui est sur scène, mais on peut pas, on n’a pas de droit… Donc y faut essayer de comprendre sans franchir ces limites… En magie, évidemment, les limites sont clairement imposées par le magicien, en général… En science, ben, souvent, les limites sont technologiques, ou simplement sa propre peur de faire, de faire la bonne expérience… Ou le manque d’imagination pour faire la bonne expérience… Une autre différence, c’est qu’évidemment, en magie, le magicien essaie de tromper, entre guillemets, le public, ou plutôt, souvent, de détourner l’attention du public, pour qu’on ne voie pas l’effet important. En science, a priori, on pourrait penser qu’on a tout sous les yeux, mais évidemment y a tellement de phénomènes qui se passent en même temps que souvent on est distrait par l’un et un se rend pas compte que c’est le petit truc qui se passe derrière qui est en fait la partie importante. Et ça c’est une des difficultés, c’est d’arriver à trier ce qui est vraiment important dans un effet physique, de ce qui est juste un rideau de fumée que la Nature nous met devant pour pas qu’on se rende compte du vrai mécanisme qui est derrière… En presti, c’est un peu l’effet inverse, on est du côté de la Nature, on va dire, c’est-à-dire que le prestidigitateur joue un peu le rôle que la Nature joue dans la science et donc c’est amusant d’être des deux côtés de la barrière à la fois… Et en plus, c’est, c’est beau, et c’est facile à emmener avec soi, peut-être plus facile qu’un instrument de musique… Donc j’aime bien avoir les deux avec moi…
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