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Lluis Mir

Biologiste, directeur de recherche émérite au CNRS

09/02/2024

En quatre minutes, des chercheuses et chercheurs nous font partager leur enthousiasme et leur détermination à s’aventurer dans l’inconnu, où la rigueur sert de lampe et la raison de boussole. Les Histoires courtes proposées ici sont autant de témoignages de la science en train de se faire et son consultables sur llx.fr . Les explorations les plus récentes dans les champs les plus variés sont ainsi contées. Quant aux photos qui accompagnent le texte, leur rôle est d’ouvrir la porte au rêve, indispensable ferment de l’intuition créatrice. L’Union rationaliste voit chaque jour confortée sa confiance dans les progrès sociétaux qu’apporte la recherche dans tous les domaines de la connaissance. Au fil des semaines, elle vous invite à découvrir ces contes…

LA PORTE DE LA CELLULE

La Clef Électricité

Biologiste de formation à l’ENS, directeur de recherche émérite au CNRS, le professeur Lluis M. Mir a notamment mis au point et développé à Gustave Roussy une méthode de traitement de certains cancers qui se situe au carrefour de plusieurs disciplines : l’électrochimiothérapie.

Merci au Laboratoire METSY : Aspects métaboliques et systématiques de l’oncogenèse pour de nouvelles approches thérapeutiques (UMR 9018 CNRS, Université Paris-Saclay et Gustave Roussy) ; et merci à Adrian Travis pour la traduction.

Tapuscrit

Lluis Mir – Une cellule tumorale n’a qu’une seule envie dans la vie, hein… C’est se diviser. Sinon, elle n’est pas tumorale ! L’électro-chimiothérapie, c’est une méthode de vectorisation d’un médicament. C’est ouvrir la porte de la cellule à ce médicament. Ce n’est pas une méthode ablative, parce que toutes les autres approches physiques, que ce soient les rayons X, radiothérapie, le froid, le chaud, les ultrasons, c’est ces effets physiques qui tuent ! Et à ce moment-là, ils ne peuvent pas discriminer entre la cellule tumorale et la cellule normale.

Quelqu’un m’a passé un article, en utilisant des impulsions électriques, ça laissait la cellule perméable un certain temps et des choses pouvaient rentrer. Du coup, j’ai essayé d’optimiser, avec un premier étudiant, pratiquement toutes les cellules survivaient aux impulsions électriques et étaient perméabilisées, et avec un autre étudiant, nous avons fait des tas de tests, et il ne restait plus qu’une seule molécule à tester, la bléomycine, qui est un anticancéreux qui n’est pas terrible, parce qu’il n’est pas très efficace. Il fait sa manip, toutes les cellules soumises aux impulsions électriques, tuées par cet agent ! Bon, on recommence, on vérifie, et effectivement, dix mille fois plus actif si on perméabilise la cellule que si on ne la perméabilise pas.

Voilà, c’est une histoire qui s’est développée dans le temps, mes dix dernières années c’était d’essayer de comprendre ce que ces impulsions électriques font réellement dans la membrane des cellules, parce qu’elles n’affectent pratiquement que la membrane. Le milieu interne de la cellule est conducteur, le milieu externe est conducteur, la membrane est un isolant. Donc avec l’impulsion électrique, on charge la membrane. Et au-delà d’une certaine valeur, l’eau commence à pénétrer dans la membrane, parce que les dipôles de l’eau s’orientent, les lipides de la membrane commencent à s’oxyder, et la membrane devient perméable, et avec des impulsions ultracourtes ! En clinique, c’est 8 impulsions de 100 microsecondes, durée totale du traitement inférieure à 1 milliseconde, pourtant les cellules restent ouvertes pendant plus de 5 minutes…

La base, c’est, en gros, on injecte cette bléomycine dans l’organisme par voie systémique. Elle va être partout, mais comme elle n’est pas efficace, résultat d’une injection d’une faible dose, il n’y a pas d’effets secondaires. Là où on applique les impulsions électriques, les cellules normales et tumorales vont être perméabilisées, la bléomycine va rentrer dans les deux types de cellules, certes, mais après, cette bléomycine fait quelques coupures sur l’ADN des cellules, de façon aléatoire et pas beaucoup, donc c’est pour ça que la cellule normale va pouvoir continuer à vivre, parce qu’aucun de ses gènes ne va être altéré. Aucun de ses gènes indispensables. Et seules les cellules qui veulent se diviser vont mourir, parce que leurs chromosomes sont cassés. Et donc on ne peut pas les séparer convenablement, et donc la cellule rentre dans un processus de mort, parce qu’elle n’arrive pas à faire deux cellules filles, c’est ce qu’on appelle la mort mitotique. Donc à partir de là, on s’est dit, ben, c’est extraordinaire, si on perméabilise on va tuer avec cet agent.

Passage dans un centre anticancéreux comme Gustave Roussy à des modèles de souris avec des tumeurs, dès la première manip, des souris guéries par la combinaison de la bléomycine et des impulsions électriques, donc j’ai appelé ce traitement électro-chimio-thérapie, et quelque temps après, passage par le comité d’éthique maison, etc., essais chez l’homme, le premier patient on n’avait le droit de lui traiter que un nodule, il en avait cinq, autour du cou, son nodule traité a disparu au bout d’une semaine et c’est lui qui nous a demandé de traiter les autres !

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