Daniel Lincot
Physico-chimiste, directeur de recherches de classe exceptionnelle émérite au CNRS
02/05/2022
En quatre minutes, des chercheuses et chercheurs nous font partager leur enthousiasme et leur détermination à s’aventurer dans l’inconnu, où la rigueur sert de
lampe et la raison de boussole. Les Histoires courtes proposées ici sont autant de témoignages de la science en train de se faire et son consultables sur llx.fr . Les explorations les plus récentes dans les champs les plus variés sont ainsi contées. Quant aux photos qui accompagnent le texte, leur rôle est d’ouvrir la porte au rêve, indispensable ferment de l’intuition créatrice. L’Union rationaliste voit chaque jour confortée sa confiance dans les progrès sociétaux qu’apporte la recherche dans tous les domaines de la connaissance. Au fil des semaines, elle vous invite à découvrir ces contes…
LE SOLEIL BRILLE POUR TOUT LE MONDE
Sol lucet omnibus (Pétrone)
Physico-chimiste, directeur de recherches de classe exceptionnelle émérite au CNRS, médaille d’argent du CNRS, Grand Prix Pierre Süe de la Société chimique de France, Prix Ivan Peyches de l’Académie des sciences, Daniel Lincot est un spécialiste de l’énergie solaire et du photovoltaïque. Après avoir été directeur scientifique de l’Institut du Photovoltaïque d’Île de France (IPVF), il est le titulaire de la chaire annuelle 2022 de la Fondation Liliane Bettencourt de l’innovation technologique du Collège de France.
Tapuscrit
Daniel Lincot – Nous sommes au Jardin des Plantes, tout près du Muséum national d’histoire naturelle, et en se promenant on voit qu’il y a une allée Becquerel, avec les quatre physiciens de père en fils. Et il y en a un en particulier, c’est Edmond Becquerel, le découvreur de l’effet photovoltaïque, en 1839, il a découvert ici cet effet, en éclairant des piles de Volta par de la lumière, en se rendant compte qu’il produisait de l’électricité.
Il y a une perception presque naturelle, physique, animale de l’énergie solaire, c’est quelque chose qui pour moi s’est avéré être une sorte d’évidence et donc je me suis dit, il faut qu’on trouve les moyens de la transformer. C’était une période, les débuts des années 70, où il y avait les débats sur l’énergie, le premier choc pétrolier, et donc ça m’est apparu évident que c’est un domaine sur lequel l’humanité devait réfléchir ! On consomme les ressources de la planète, néanmoins y a une donnée de l’équation qui échappe à la finitude terrestre. Le soleil, c’est une énergie d’origine extra-terrestre ! Un immense réacteur de fusion nucléaire, qui nous envoie une énergie qui est illimitée, qui change complètement le paradigme de la vision énergétique du monde de demain.
Le deuxième point, c’est le fait d’être capable de la convertir, avec des cellules silicium, les cellules silicium, finalement, c’est une pierre un peu magique, qui produit de l’électricité ! 99,9,9, le cœur de la cellule, le moteur, si vous voulez, c’est du silicium, qui est le deuxième élément de la croûte terrestre. On marche sur du silicium la plupart du temps, vous allez à la plage, le sable c’est de la silice. Et la Nature utilise bien sûr des éléments abondants, mais regardez les métalloprotéines, regardez le rôle du fer, en fait la Nature elle-même ne fabrique pas un humain ou un arbre avec simplement des choses abondantes, elle ajoute ce qu’on appelle des oligoéléments, le zinc, etc., et l’industrie humaine, elle fait la même chose ! Quand on prend une cellule silicium, on prend du silicium et on rajoute un fifrelin de bore d’un côté et un fifrelin de phosphore de l’autre côté.
Et le photovoltaïque, c’est une découverte majeure qui a, qui est en train de changer le monde… Et qui l’a d’ailleurs changé ! Parce que le photovoltaïque est à la base de la photosynthèse. La Nature avait inventé le photovoltaïque depuis bien plus longtemps que Becquerel, hein, Becquerel c’est un petit joueur, à côté, hein ! Il est arrivé il y a 200 ans, la Nature, ça fait quelques milliards d’années qu’elle fait des essais-erreurs dans son labo, pour mettre au point les cyanobactéries, la chlorophylle, etc., et aujourd’hui par exemple, quand vous voyez une feuille d’arbre, le climat actuel il est issu de la photosynthèse, d’une certaine mesure du photovoltaïque ! Mais du photovoltaïque naturel !
Dans les années qui viennent, au niveau de la recherche, les cellules solaires qui aujourd’hui avoisinent dans le marché les 20 %, en laboratoire elles sont déjà, pour les plus élevées, à plus de 40 %, mais bon, c’est en labo, hein, mais le travail des chercheurs, c’est un travail qui est de poursuivre l’augmentation des rendements, à l’IPVF c’est un peu notre mantra, c’est de dire, en 2030, des modules solaires à 30 % de rendement, à 30 centimes d’euro ! 30 %, ça veut dire que vous mettez un panneau solaire, il sort 300 watts par mètre carré ! Il faut voir qu’un moteur à explosion, le rendement du moteur de voiture, c’est, c’est 33 % ! Donc vous voyez, 30 %, ça veut dire qu’on est capable de faire, sans aucune pièce tournante, rien qu’en mettant au soleil, on est capable de faire l’énergie mécanique qu’on ferait avec un moteur à explosion… On ne se rend pas compte, parce qu’il n’y a pas de choses qui tournent, ça chauffe pas, on pose les mains dessus, on se brûle pas, la particularité de cette transformation énergétique c’est qu’elle se fait avec des processus physiques fondamentaux, qui se passent au cœur de la matière, sans qu’on les voie, on voit pas les électrons qui sortent, on voit pas les photons…
Cette énergie se développe à toute vitesse, rien que sur les toitures, l’équivalent de la production ou de la consommation électrique en France par an, c’est autour de 500 térawatts/heure, eh bien ça, ça pourrait être produit en recouvrant simplement une partie de nos toitures par des toitures photovoltaïques. Vous imaginez, les surfaces artificialisées en France, c’est environ 9 % du territoire, 50 000 km2. Eh bien pour produire l’équivalent de toute la production électrique en France, c’est environ 5 000 km2… Une toiture, c’est pas simplement protéger contre la pluie, mais c’est aussi produire en même temps de l’énergie ! Et en fait on voit que se transforme peu à peu dans la mentalité des agriculteurs, qui ont des hangars, qu’ils ont des terres, qui se disent, mais finalement je vais peut-être demain devenir un énergiculteur ! Et je fournirai au pays non seulement du blé ou de la betterave, je leur fournirai aussi de l’énergie !
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Et oui! Et les chiffres par an tiennent compte du fait qu’il n’y a pas toujours du soleil. Ce serait bête de ne pas en profiter un peu…
Bien sûr, il faut en stocker une partie, à courte ou plus longue durée, mais on sait déjà le faire (en remontant de l’eau; avec des batteries; et surtout par électrolyse de l’eau et pile à combustible, à échelle petite, moyenne ou grande)