Michèle Leduc

Responsable du site Web de l’Union rationaliste

16/06/2022

La formation des enseignants à reconstruire
Un enjeu majeur pour l’école publique

Le métier d’enseignant ne fait plus recette[1] : les concours de recrutement ne permettent même plus de remplir les postes statutaires parcimonieusement dispensés par l’État pour le primaire et le secondaire après les concours. Les rectorats en viennent à lancer des dispositifs de « job dating » pour recruter des enseignants contractuels.

Comment est-on arrivé à un tel échec pour l’école publique, atout majeur de mobilité sociale et d’émancipation ? De telles difficultés révèlent celles de l’institution scolaire, déconsidérée et précarisée comme le soulignait Laurence de Cock au colloque de l’Union rationaliste du 10 février 2022.

La crise des vocations vient de loin. Le manque d’attractivité résulte d’abord des salaires qui sont parmi les plus bas d’Europe pour la profession (2000€ – en brut- par mois pour un professeur des écoles débutant) à l’issue d’études pourtant longues (le master est requis, ce qui selon les cursus implique au moins au moins cinq années après le Bac). La revalorisation salariale de la profession est d’une évidente nécessité. 

Soulignons aussi une crise durable et profonde installée par le ministère pour le recrutement et la formation des personnels de l’éducation nationale. La formation initiale à l’université a subi des réformes successives déstabilisantes. Un grand flou a régné sur la chronologie de l’obtention du master, qui assure l’acquisition des connaissances scientifiques, et l’apprentissage des didactiques des disciplines enseignées.  Une mesure récente désastreuse vient de repousser le concours de recrutement à cinq ans après le Bac. Et il n’est pas rare qu’un nouvel embauché n’ait jamais mis les pieds dans une classe avant de faire face à ses premiers élèves !

Il est critique de ne pas vider les viviers d’étudiants qui pourraient choisir l’enseignement mais ne peuvent pas financer de trop longues études. A l’inverse il faudrait fidéliser un contingent de fonctionnaires–stagiaires décemment rémunérés dès les années de licence, formés en alternance à la pratique du métier d’enseignant et mis progressivement en responsabilité devant une classe.  On reviendrait ainsi à un système proche de celui des IPES[2] qui avaient permis, il y a plusieurs décennies, d’embaucher des jeunes enseignants issus des milieux moins favorisés.  On maîtriserait mieux aussi la concurrence déloyale avec le secteur privé.

Le plan de formation universitaire doit se penser comme continué après le recrutement. Pour les premières années d’exercice, un meilleur accompagnement, si possible personnalisé, est indispensable pour une adaptation progressive aux difficultés du métier. S’agissant du premier degré, un complément de connaissances devrait être fourni dans les disciplines de sciences exactes, car les nouveaux recrutés ont le plus souvent un cursus universitaire en science humaines et sociales ou en STAPS[3], mais doivent enseigner toutes les matières et en particulier les maths et les sciences.  De plus, tout au long de la carrière pour tous les enseignants déjà en poste, la formation continue à laquelle ils ont droit en principe devrait se poursuivre, et ce sur le temps de travail : or l’offre n’est pas là. Pourtant les contenus disciplinaires évoluent avec les avancées de la recherche, la compréhension des grands défis sociétaux progresse et les comportements de la jeunesse changent. 

Il est grand temps que le métier d’enseignant attire de nouveau des étudiants issus de tous les milieux sociaux, motivés et de haut niveau, bénéficiant d’une formation initiale et continuée de qualité sur tous les plans. Leur utilité collective revêt une importance majeure[4]

L’Union rationaliste appelle fermement les nouveaux responsables de l’Éducation nationale à réorienter rationnellement la formation de ses personnels enseignants, leur assurant une autonomie tant intellectuelle que matérielle. C’est un enjeu majeur de la démocratie à reconstruire.  

Michèle LEDUC, pour le bureau de l’UR

[1] Voir l’analyse thématique de RogueESR du 10 février 2021
[2] Institut de Préparation aux Enseignements de Second Degré (1957-1979). Le concours des IPES se passait en première année universitaire et était ouvert à tous les étudiants.
[3] STAPS : Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives
[4] On peut voir aussi le communiqué du collectif FPE (Formation Des Enseignants) a discuté au congrès du Snesup de juin 2022.

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