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Jean-Philippe Échard

Chimiste de formation et conservateur au Musée de la musique de Paris où il est en charge de la lutherie

12 Oct. 2019

En quatre minutes, des chercheuses et chercheurs nous font partager leur enthousiasme et leur détermination à s’aventurer dans l’inconnu, où la rigueur sert de lampe et la raison de boussole. Les Histoires courtes proposées ici sont autant de témoignages de la science en train de se faire et son consultables sur llx.fr . Les explorations les plus récentes dans les champs les plus variés sont ainsi contées. Quant aux photos qui accompagnent le texte, leur rôle est d’ouvrir la porte au rêve, indispensable ferment de l’intuition créatrice. L’Union rationaliste voit chaque jour confortée sa confiance dans les progrès sociétaux qu’apporte la recherche dans tous les domaines de la connaissance. Au fil des semaines, elle vous invite à découvrir ces contes…

LES VOILES DU TEMPS

Un violon, ça change énormément

Chimiste de formation (École nationale supérieure de chimie de Paris puis Muséum national d’histoire naturelle) et conservateur au Musée de la musique de Paris où il est en charge de la lutherie, c’est-à-dire des instruments à cordes frottées et pincées, Jean-Philippe Échard n’en finit pas de rêver sur un mystère : qu’est-ce qui fait que, malgré ses multiples transformations au cours des siècles, un Stradivarius reste un Stradivarius ?

Tapuscrit

Jean-Philippe Échard – Quand j’étais au collège, en quatrième et troisième,à Dijon, mon prof de latin et de grec voulait que je fasse l’École des chartes ! Je ne savais même pas ce que c’était à l’époque, et les aléas de l’orientation et du parcours au collège puis au lycée m’ont en fait orienté vers un bac C, un bac de maths et de physique. En fait je suis passé d’une formation de chimiste, d’ingénieur chimiste puis de docteur en chimie, à une activité, conservateur d’instruments de musique dans une collection nationale, plus spécifiquement je m’occupe de la lutherie, et c’est aujourd’hui, trente ans après ce long parcours qui m’a fait passer de chimiste à conservateur au musée de la Musique, que je reviens finalement à l’étude des textes anciens, que je me souviens de l’intuition de ce prof de latin et de grec d’alors…

Tous les violons anciens ont été modifiés, un peu, beaucoup, afin d’être adaptés aux évolutions des techniques de jeu souhaitées par les musiciens, par les compositeurs, et aussi des puissances sonores, des capacités des violons à être entendus dans des salles de concert de plus en plus grandes. Il y a eu de nombreuses modifications, du manche, de certaines pièces de la structure interne de la caisse, etc., mais également des cordes. Et on ne joue pas aujourd’hui un violon fait par exemple par Stradivari, il y a plus de trois siècles, on ne le joue pas avec les mêmes cordes que à l’époque. À l’époque, il était monté avec des cordes principalement en boyaux, et notamment la chanterelle, la corde aiguë, était en boyau, maintenant le même violon qui continue à être joué a une corde aiguë en métal.
Quand je prends en main un instrument de la collection, j’ai l’impression de recevoir deux choses relativement distinctes : d’une part les intentions de la personne qui l’a travaillé, mis en forme, assemblé, sculpté, conçu. Et j’y lis également, les traces du temps, les voiles du temps, c ’est-à-dire qu’il y a en quelque sorte un instrument, on va dire neuf, d’il y a trois ou quatre siècles, et qui est recouvert de voiles, qui seraient l’effet du temps sur les matériaux, les vernis jaunissent et s’assombrissent, par exemple, naturellement, mais
également des voiles des actions des hommes successifs, que ce soient des musiciens qui laissent tomber lors d’un démanché un peu énergique leurs doigts et laissent une trace d’ongle sur la table à proximité de la touche, les gestes également des restaurateurs et luthiers, qui ont maintenu en état de jeu cet instrument et qui sont intervenus pour changer des pièces, compléter des lacunes, recoller des fractures, etc. Tout violon ancien qui est encore en usage aujourd’hui reste un objet manufacturé, qui a bénéficié de soins successifs et d’une volonté de le garder utile pour de multiples générations. Un instrument de trois ou quatre siècles aujourd’hui, qui a eu son manche modifié, ses cordes modifiées, sa touche modifiée, mais qui a connu un usage régulier au cours de toute l’histoire de la musique pour violon et de la musique en général, bien entendu beaucoup de ses pièces d’origine ont disparu, très certainement le son qu’il émet n’est pas le même, et pourtant on l’appelle encore par exemple un Stradivarius de 1724 ! Et c’est tout ce qui constitue le sel de mes recherches, la curiosité, peut-être, pour cet objet, le violon historique, le violon ancien, qui est finalement assez exemplaire dans ce rapport à l’authenticité et à ce que l’on cherche comme expérience du passé.

04 min 05 s

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