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Jean-Paul Laumond

Roboticien, directeur de recherche émérite au CNRS , membre de l’Académie des sciences et de l’Académie des technologies

6-9-2021

En quatre minutes, des chercheuses et chercheurs nous font partager leur enthousiasme et leur détermination à s’aventurer dans l’inconnu, où la rigueur sert de lampe et la raison de boussole. Les Histoires courtes proposées ici sont autant de témoignages de la science en train de se faire et son consultables sur llx.fr . Les explorations les plus récentes dans les champs les plus variés sont ainsi contées. Quant aux photos qui accompagnent le texte, leur rôle est d’ouvrir la porte au rêve, indispensable ferment de l’intuition créatrice. L’Union rationaliste voit chaque jour confortée sa confiance dans les progrès sociétaux qu’apporte la recherche dans tous les domaines de la connaissance. Au fil des semaines, elle vous invite à découvrir ces contes…

L’homme qui roule

Et pourtant, il tourne…

Jean-Paul Laumond est roboticien, directeur de recherche émérite au CNRS (CNRS-INRIA-ENS UMR 8548). Il est membre de l’Académie des sciences et de l’Académie des technologies. Il a consacré une grande partie de sa recherche à l’étude de la robotique humanoïde.

Tapuscrit

Jean-Paul Laumond – Pourquoi je m’intéresse à la robotique humanoïde ? J’ai toujours une réponse en deux temps, le premier temps c’est ce que j’appelle le syndrome Fukushima, où on a été saisis par le fait qu’aucune machine ne pouvait intervenir suite à la catastrophe dans la centrale nucléaire, pour aller fermer des vannes ou faire des opérations, ce sont des hommes qui ont dû y aller, dans des zones extrêmement dangereuses. Et comment fabriquer une machine qui serait capable de faire ça, ça serait une machine qui devrait être capable de marcher sur des gravats, de grimper à une échelle, d’enfoncer des portes, et quand on réfléchit à la forme que devrait prendre cette machine, on voit bien que si on lui met des roues, elle ne peut pas évoluer sur des gravats, si on lui met des chenilles elle ne peut pas grimper à une échelle, donc la forme anthropomorphe surgit assez naturellement. La deuxième réponse, c’est que se poser la question de comment faire marcher un robot pose la question de, mais au fait, comment, nous, marchons-nous ? C’est qu’en fait l’homme ne marche pas. Il roule…
Mais il faut revenir à un peu plus de cinq millénaires en arrière. C’est l’invention de la roue. La roue… Le rondin était utilisé pour transporter des charges lourdes, mais le rondin avait un inconvénient fondamental, c’est que la charge qu’il transporte se déplace deux fois plus vite que le rondin. Mais moins – 3500 à peu près, hein, on ne sait pas très bien où, c’est l’invention de l’axe ! On met un axe sur le rondin, et la charge se déplace à la même vitesse que le rondin. Et alors là, c’est la grande découverte, et la roue c’est un objet technique, qui n’existe pas dans la Nature, c’est une invention de l’homme. Donc cette roue, elle a la propriété fondamentale, son usage, c’est de transformer une rotation en translation.
Marcher, c’est se déplacer, c’est faire une translation, les translations on les mesure en mètres, ou en kilomètres, vous vous êtes déplacé d’un kilomètre ! C’est faux, ça. Vous ne marchez pas un kilomètre, vous marchez exactement 171 360 degrés ! Comment vous marchez ? En mettant un pied devant l’autre, en bougeant votre jambe, comment votre jambe bouge ? Elle bouge en rotation autour du col du fémur ! Donc vous avez un mouvement de balancement, un mouvement en rotation, qui fait que vous mettez la jambe devant l’autre ! Ce que je viens de faire, c’est de traduire le kilomètre en nombre de tours de fémur, le nombre de tours de fémur, je l’ai calculé, il est de 476 tours de fémur pour faire un kilomètre.
Mais on a poussé le bouchon un petit peu plus loin, et on a observé des marcheurs, qu’on a enregistrés avec des systèmes de capture de mouvement, et à partir de ces informations on a pu déduire la position de notre centre de gravité. Et la question qu’on s’est posée, c’est, quelle est, lorsque nous marchons, quelle est la trajectoire suivie par le centre de gravité ? Eh bien on a observé que la trajectoire suivie par le centre de gravité était une trochoïde. Une trochoïde c’est de la famille des cycloïdes ! Les cycloïdes c’est les trajectoires d’un point qui est entraîné par un disque, en clair une trochoïde, qu’est-ce que c’est ? C’est le mouvement de la valve de votre roue de bicyclette. Alors là c’est complètement fou, parce que toute la complexité de la marche humaine, c’est-à-dire la coordination de tous les muscles, des bras, des jambes, le balancement, la tête qui oscille, etc., tout se concentre dans un mouvement d’une extrême simplicité pour le centre de gravité, c’est le mouvement d’une trochoïde. Voilà pourquoi j’ai dit au départ qu’on ne marchait pas, mais qu’on roulait.
04 min 29 s

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