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Gérard Arnold

Apidologue, directeur de recherche émérite au CNRS au laboratoire EGCE (Évolution, Génome, Comportement, Écologie) de Gif-sur-Yvette

29/07/2018

En quatre minutes, des chercheuses et chercheurs nous font partager leur enthousiasme et leur détermination à s’aventurer dans l’inconnu, où la rigueur sert de
lampe et la raison de boussole. Les Histoires courtes proposées ici sont autant de témoignages de la science en train de se faire et son consultables sur llx.fr . Les explorations les plus récentes dans les champs les plus variés sont ainsi contées. Quant aux photos qui accompagnent le texte, leur rôle est d’ouvrir la porte au rêve, indispensable ferment de l’intuition créatrice. L’Union rationaliste voit chaque jour confortée sa confiance dans les progrès sociétaux qu’apporte la recherche dans tous les domaines de la connaissance. Au fil des semaines, elle vous invite à découvrir ces contes…

VINGT-QUATRE ANS

Les abeilles ne peuvent plus attendre.

Apidologue, directeur de recherche émérite au CNRS au laboratoire EGCE (Évolution, Génome, Comportement, Écologie) de Gif-sur-Yvette, Gérard Arnold est de longue date un spécialiste des comportements et de la neurobiologie de l’abeille domestique. Après des années de recherche sur certains aspects de la biologie de cet insecte, il s’est intéressé à la question des importantes mortalités anormales d’abeilles et à leurs causes. Il a fait partie de plusieurs groupes d’experts en France (ANSES) et en Europe (EFSA), dont les rapports ont eu un fort impact sur la question de l’autorisation des pesticides en général, et de la famille des néonicotinoïdes, en particulier.

Tapuscrit

Gérard Arnold – Donc j’ai commencé à m’intéresser aux abeilles il y a fort longtemps, et puis ensuite est arrivée vers l’an 2000 à peu près la question des pesticides, où j’ai souhaité m’impliquer en tant que chercheur, avec des connaissances sur la biologie de l’abeille et les comportements de l’abeille, et les mettre au service de cette question : est-ce que tel ou tel insecticide ou pesticide a des effets sur les abeilles et si oui, pourquoi ? Comme neurobiologiste je m’étais intéressé aux lobes antennaires de l’abeille, au système olfactif de cet insecte, et finalement le neuromédiateur ou la molécule importante pour le fonctionnement du système nerveux, c’est l’acétylcholine. Or les molécules insecticides, néonicotinoïdes, ont comme cible les récepteurs d’acétylcholine. Donc après, il était aisé de pouvoir démontrer pourquoi une molécule aussi toxique pouvait avoir des effets sur le cerveau de l’abeille et finalement sur ses comportements. Parmi les comportements nerveux affectés, il y a le sens de l’orientation, ça a été montré maintenant depuis quelques années, que l’exposition à des neurotoxiques, en particulier les néonicotinoïdes, provoquait des troubles de la reconnaissance de l’espace, de l’orientation, et donc l’abeille qui a butiné des plantes et qui a récolté du nectar sur ces plantes, ne retrouve pas facilement son chemin à la ruche. Et du coup, ben elle meurt dans la nature au bout de quelques heures ou quelques jours.

Il y a beaucoup de chercheurs, qui ont pu montrer que des doses très faibles de ces molécules affectaient la survie des abeilles, en particulier par ingestion répétée de très petites quantités, donc ça c’est un travail pur de recherche, avec des lots-témoins, des contrôles, des statistiques, etc. Alors il ne faut pas incriminer uniquement les pesticides, ça n’aurait pas de sens, il y a aussi par exemple un acarien parasite qui s’appelle varroa, qui fait des dégâts dans les ruches, il peut y avoir également des effets climatiques sur les floraisons, mais parmi tous ces facteurs les pesticides jouent un rôle spécial, en particulier en zones de grande culture, et non seulement un pesticide en particulier ou une famille de pesticides, mais en général les abeilles sont exposées à des mélanges de produits ! Et c’est ces mélanges qui sont probablement plus toxiques encore qu’un seul produit ou qu’une seule famille de produits. Et c’est cette question maintenant, qui est une vraie question de recherche, qu’il faut analyser, qu’il faut étudier, les effets des mélanges et des différentes doses de ces composés dans les mélanges, pour essayer de mieux comprendre et de mieux préserver les abeilles. Alors, une abeille sociale, apis mellifera, ça vit en été pendant trois semaines dans la ruche, et puis ensuite elles sortent pour une huitaine de jours à l’extérieur pour butiner. Et la durée de vie de ces butineuses est importante, et s’il y a moins de butineuses par suite, par exemple, d’intoxications, ça a des effets très rapides sur la colonie, puisque les abeilles plus jeunes, en âge d’être nourrices, doivent devenir butineuses plus rapidement, donc les nourrices sont moins abondantes et le couvain, les larves, en pâtissent.

Les travaux de l’EFSA en particulier, ont démontré que les pesticides actuellement sur le marché en Europe n’ont pas été évalués correctement. C’est un travail de 2012, qui a d’ailleurs conduit la Commission européenne à suspendre certaines molécules, et dans l’avenir il faut absolument qu’avant leur mise sur le marché les pesticides soient bien évalués, de manière à ce qu’il n’y ait pas ensuite de catastrophes sanitaires, et aussi par le fait qu’il est très difficile de retirer un produit qui a été homologué. On l’a vu dans le cas des néonicotinoïdes et en particulier de l’imidacloprid, depuis les premières alertes des apiculteurs vers les années 1995 jusqu’aux annulations récentes en 2018, ça fait à peu près vingt-quatre ans ! Donc il a fallu vingt-quatre ans pour retirer sur le marché, en France, l’ensemble des néonicotinoïdes, et trois d’entre eux seulement en Europe. Donc c’est une durée trop longue, beaucoup trop longue, et qui pendant ce temps-là a causé des pertes dans les cheptels apicoles et peut-être dans d’autres organismes.
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