3 novembre 2020
La loi de programmation de la recherche - Avis de l’Union rationaliste
L’Union rationaliste a de tout temps considéré la science et la recherche comme l’une des bases fondamentales de son action militante. Fondée à l’initiative de grands savants comme Paul Langevin en 1930, cette association a joué un rôle essentiel lors de la création du Comité national de la recherche scientifique (CNRS) en 1939 sous l’impulsion de son père fondateur Jean Perrin. Aujourd’hui, alors que se met en place une nouvelle loi sur la programmation de la recherche (LPR) pour les sept années à venir, l’Union rationaliste tient à faire connaître son avis sur cette loi et ses amendements en cours d’examen par les parlementaires. L’Union rationaliste ne peut qu’approuver les objectifs ambitieux de la loi LPR, reflétant un choix politique d’importance majeure et formulés en ces termes par la Ministre : « …replacer la science et la rationalité scientifique au cœur du pacte social et du développement économique du pays ». L’Union rationaliste a largement partagé les diagnostics établis par les groupes de travail préfigurant la loi. Ceci étant, elle s’interroge sur les mesures adoptées, ainsi que sur les budgets qui seront consacrés à la mise en place des réformes. L’Union rationaliste se déclare solidaire des réserves émanant de l’ensemble de la communauté scientifique, toutes disciplines confondues, telles que formulées dans le communiqué adressé au Sénat le 20 octobre 2020 par les présidents des 46 sections du CNRS, les présidents des dix conseils scientifiques des instituts du CNRS et la présidente du conseil scientifique du CNRS.
Tout particulièrement préoccupante nous semble la diminution constante des postes statutaires dans les grands établissements de recherche et leur stagnation dans les universités, alors que le nombre des étudiants est en forte hausse. L’Union rationaliste est particulièrement interpellée par l’offre insuffisante offerte dans la recherche en France aux jeunes diplômés scientifiques. Ceux-ci sont remarquablement formés par nos institutions nationales, mais ils n’ont parfois d’autres choix que de s’exiler, souvent sans retour, dans des pays leur offrant des perspectives attrayantes tant en ce qui concerne les conditions de travail que les salaires. La loi telle qu’elle est formulée ne permettra pas de combler ce déficit.
L’Union rationaliste reconnaît l’importance de l’Agence nationale de la recherche (ANR) et insiste sur la nécessité d’augmenter fortement sa dotation pour porter le taux de sélection des projets à un niveau raisonnable. Toutefois elle souligne que la recherche ne peut pas fonctionner uniquement sur des contrats aux objectifs ciblés. En effet, depuis plusieurs décennies, les gouvernements successifs tentent de faire évoluer les recherches pour qu’elles correspondent aux besoins à court ou moyen terme de certains acteurs économiques, ou satisfassent aux engagements de l’État. La recherche sur fonds publics se présente ainsi en termes de défis scientifiques à relever. Le recours aux appels à projets ne serait pas un vrai obstacle à la liberté de la recherche si, dans le même temps, les dotations récurrentes et structurantes des organismes et des universités demeuraient à un niveau raisonnable par rapport aux contrats. Il y a donc urgence à augmenter les financements de base pour des laboratoires où s’effectuent des recherches de qualité.
En résumé, c’est l’ensemble du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche qui est globalement très insuffisant.
Enfin nous avons pris connaissance des trois amendements votés par le Sénat le 29 octobre, sans concertation préalable. L’un d’entre eux prévoit la suppression de la qualification aux fonctions d’enseignant-chercheur par le Conseil national des universités (CNU). L’Union rationaliste s’associe aux protestations vigoureuses des sociétés savantes contre cet amendement, contraire à l’existence d’un statut national d’enseignant-chercheur, indispensable à la garantie d’un service public d’enseignement supérieur d’égale qualité sur l’ensemble du territoire.