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Pierre Jacob

01/03/1999

La philosophie, le journalisme, Sokal et Bricmont

En 1996, paraissait dans la revue d’études littéraires américaines, Social Text, sous la plume du physicien américain Alan Sokal, un article au titre énigmatique : ” Transgresser les frontières : vers une herméneutique transformative de la gravitation quantique “. Cet article offrait des interprétations complètement fantaisistes de certains résultats de la logique, des mathématiques et de la physique placées sous l’autorité de plusieurs auteurs français célèbres dans le monde des sciences humaines et de la philosophie. Je n’en donnerai que deux exemples succincts. Il y est affirmé, par exemple, que ” le p d’Euclide et le G de Newton, qu’on croyait jadis constants et universels, sont maintenant perçus dans leur inéluctable historicité “. Dans une note, jouant sur les multiples sens des mots ” égalité ” et ” choix “, il est reproché aux mathématiciens dits ” libéraux ” de se satisfaire de la théorie des ensembles de Zermelo-Fraenkel qui admet deux axiomes réputés ” refléter ses origines libérales ” (au sens politique du mot) : l’axiome d'” égalité ” et l’axiome du ” choix “. Par ” axiome d’égalité “, il faut vraisemblablement entendre l’axiome d'” extensionnalité “. En théorie des ensembles, l’axiome d’extensionnalité affirme simplement que si deux ensembles sont composés des mêmes éléments, ils sont égaux. L’axiome du choix affirme qu’étant donné une collection d’ensembles mutuellement exclusifs, il existe toujours un ensemble composé d’exactement un élément appartenant à chacun des ensembles de la collection.

Deux mois plus tard, Sokal révélait, dans la revue Lingua Franca, que l’article paru dans Social Text était un canular concocté dans le but de démontrer l’irresponsabilité intellectuelle qui prévaut dans les revues de sciences humaines. Comme l’a dit le philosophe Paul Boghossian (” What the Sokal Hoax Ought to Teach Us ” dans le Times Literary Supplement du 13 décembre 1996), la publication de la parodie écrite par Sokal démontre de la part des responsables de la revue ” une sublime indifférence au contenu, à la vérité, à la plausibilité […] et à l’intelligibilité ” des productions qui leur sont soumises.

En septembre 1997 est paru à Paris sous la plume de A. Sokal et du physicien belge Jean Bricmont un ouvrage intitulé Impostures intellectuelles * (Odile Jacob) qui a fait couler beaucoup d’encre dans la presse française depuis un an et demi.

 Les deux objectifs de Sokal et Bricmont

Dans cet ouvrage fort médiatisé, A. Sokal et J. Bricmont poursuivent deux buts distincts : ils dévoilent les ressorts de la tentation ” scientiste ” des littéraires et ils critiquent le relativisme épistémologique (qu’ils nomment le ” relativisme cognitif en philosophie des sciences “), c’est-à-dire l’interprétation relativiste des théories scientifiques. La démystification de la tentation ” scientiste ” des littéraires me paraît très salutaire et je partage l’antipathie de Sokal et Bricmont pour le relativisme épistémologique.

D’une part, ils tournent efficacement en dérision la tentation à laquelle certains auteurs français d’ouvrages de sciences humaines n’ont pas su résister : la tentation ” scientiste ” qui menace les littéraires. Le ” scientisme ” est quelque chose comme le culte, la religion ou la vénération de la science et des mathématiques. Ce que je nomme ” la tentation “scientiste” des littéraires ” a elle-même deux faces : elle consiste d’abord à croire qu’en les exprimant dans un vocabulaire emprunté à des résultats de la logique, des mathématiques ou de la physique auxquels il ne comprend lui-même pas grand-chose, un littéraire peut conférer à ses propres idées un surcroît de profondeur ou de dignité intellectuelle. Elle s’accompagne ensuite de la présomption qui consiste à croire qu’en les transposant dans son domaine de prédilection, le littéraire confère aux théorèmes logiques et mathématiques ou aux théories physiques leur signification authentique et un prestige qui leur faisait défaut auparavant.

D’autre part, Sokal et Bricmont s’inquiètent non sans raison du succès grandissant du relativisme épistémologique ou de l’interprétation relativiste des théories scientifiques dans la sociologie des sciences. Selon l’un des slogans les plus répandus dans les ” études sociales des sciences ” (ou Science Studies), dont Bruno Latour est un bon représentant français (cf. La Science en action, La Découverte, 1989), les faits scientifiques sont des ” constructions sociales ” et les preuves scientifiques sont le fruit d’une ” négociation sociale “. Un tenant du relativisme épistémologique affirme tantôt qu’en science, la vérité n’existe pas ; tantôt qu’elle est relative à un groupe, une culture ou une communauté ; tantôt qu’il y a autant de vérités scientifiques que de mondes différents.

Celui qui affirme qu’en science, la vérité n’existe pas s’expose évidemment à la question de savoir s’il croit lui-même que ce qu’il dit est vrai. S’il ne le croit pas, pourquoi le prendrait-on au sérieux ? S’il le croit, il suppose donc qu’il existe des vérités. Dans ce cas, en vertu de quelle infirmité, les sciences devraient-elles être par nature privées du pouvoir de dévoiler la moindre vérité ?

Celui qui maintient que toute vérité est relative à une perspective ou à un groupe particulier suppose que si je tiens une proposition pour vraie et si vous la tenez pour fausse et si nous appartenons à deux groupes différents ou si nos perspectives sont différentes, alors il n’y a pas réellement de conflit entre nous. Ce que vous croyez ne contredit pas réellement ce que je crois. Celui qui maintient que toute vérité est relative à une perspective doit reconnaître qu’il existe une perspective dans laquelle sa propre conception n’est pas vraie ou dans laquelle la négation de sa conception est vraie. Autrement dit, il ne peut pas prétendre avoir réellement raison.

Quant à la théorie selon laquelle il y a autant de vérités scientifiques que de mondes qui leur correspondent, elle a été popularisée par Kuhn (La Structure des Révolutions Scientifiques, Flammarion, 1972) et Feyerabend (Contre la méthode, Le Seuil, 1979) sous le nom d’incommensurabilité entre théories séparées par un ” changement de paradigme ” &emdash; changement incarné, par exemple, par la transition entre le géocentrisme et l’héliocentrisme en cosmologie. Dans la cosmologie géocentriste, la Terre est immobile au centre de l’univers et le Soleil tourne autour de la Terre. Dans la cosmologie héliocentriste, la Terre tourne autour du Soleil. Réputer ces deux théories ” incommensurables “, c’est affirmer qu’elles sont intraduisibles l’une dans l’autre. Kuhn compare le passage du géocentrisme à l’héliocentrisme au changement perceptuel de gestalt grâce auquel, dans une même figure ambiguë, un individu peut tantôt voir deux faces noires de profil qui se regardent sur un fond blanc, tantôt un vase blanc sur un fond noir. Mais, selon Kuhn, à la différence d’un changement perceptuel de gestalt, le passage d’un paradigme scientifique à l’autre est irréversible : une fois que vous êtes devenu héliocentriste, vous ne pouvez plus comprendre le géocentrisme. C’est évidemment une thèse trop forte : vous ne pouvez certes pas tenir conjointement pour vraies deux descriptions cosmologiques du système solaire mutuellement incompatibles entre elles, comme l’héliocentrisme et le géocentrisme. Mais quiconque souscrit à une description héliocentriste du système solaire peut certainement comprendre une description géocentriste du système solaire. A la thèse de l'” incommensurabilité ” entre la mécanique newtonienne et la mécanique relativiste, il a été objecté que la mécanique newtonienne est une bonne approximation de la mécanique relativiste et que la première est déductible de la seconde, moyennant certaines hypothèses auxiliaires. En réponse à cette objection, Kuhn affirme que la mécanique newtonienne avant l’apparition de la mécanique relativiste et la mécanique newtonienne après l’apparition de la mécanique relativiste sont deux théories distinctes parce qu’avant, on ne savait pas qu’elle était déductible de la mécanique relativiste dans certaines conditions, et après on le sait. Mais comme l’a fait remarquer le physicien théoricien Steve Weinberg (” The Revolution That Didn’t Happen “, New York Review of Books du 8 octobre 1998), cela revient à dire : ” Le steak que je mange n’est pas le steak que j’ai acheté parce que je sais que le steak que je mange est trop cuit et je ne le savais pas lorsque je l’ai acheté “.

Les partisans de l'” incommensurabilité ” entre théories séparées par un changement de paradigme vont donc jusqu’à soutenir que des ” ontologies ” ou des ” mondes ” différents correspondent au géocentrisme et à l’héliocentrisme. Si c’était le cas, l’héliocentrisme et le géocentrisme ne seraient pas réellement deux conceptions cosmologiques rivales et mutuellement incompatibles, puisque deux théories ne sont incompatibles que si elles attribuent aux mêmes entités des propriétés qu’elles ne peuvent pas exemplifier simultanément. Or, la doctrine de la pluralité des mondes a été inventée pour résoudre sinon un faux problème du moins un problème qui ne se pose pas vraiment : elle a été inventée pour expliquer pourquoi, en science, il existe des controverses entre des chercheurs qui, confrontés à certaines données d’observation ou à certaines preuves expérimentales, souscrivent à des théories incompatibles entre elles. Incidemment, les sociologues des sciences croient que, faute d’invoquer des ” négociations sociales “, la résolution des controverses scientifiques deviendrait inexplicable. Mais l’existence des controverses scientifiques s’explique tout naturellement par le fait qu’en science, les théories ne découlent pas déductivement des données d’observation ou des preuves expérimentales ; les théories sont largement ” sous-déterminées ” par les données ou les preuves ; les inférences qui conduisent des données ou des preuves aux théories sont toujours soumises à un risque parce qu’elles sont inductives et non pas déductives. Pour expliquer l’existence des controverses scientifiques, il n’est pas nécessaire de postuler une ” pluralité de mondes “. Et, à moins de supposer que seules les inférences déductives sont probantes, il n’est pas non plus nécessaire d’invoquer des ” négociations sociales ” pour expliquer la résolution des controverses scientifiques. En revanche, ce qui mérite une explication, c’est la prépondérance des convergences scientifiques. Compte tenu de la ” sous-détermination ” des théories scientifiques par les preuves ou les données favorables, la question fondamentale soulevée par l’histoire des sciences mûres est de comprendre comment les spécialistes scientifiques finissent par s’accorder pour décider quelles observations sont susceptibles de départager des théories scientifiques rivales et pour déterminer quelles théories doivent être éliminées.

Sokal et Bricmont qualifient de ” post-moderne ” quiconque succombe à la tentation ” scientiste ” des littéraires et souscrit de surcroît au relativisme épistémologique. Autrement dit, ils confèrent à la notion de ” post-modernisme ” la tâche délicate d’établir un pont entre leurs deux objectifs : la démystification de la tentation ” scientiste ” des littéraires et la dénonciation des méfaits du relativisme épistémologique. Malgré ma sympathie pour chacun des deux objectifs de Sokal et Bricmont pris séparément, je ne suis pas convaincu qu’ils parviennent efficacement à les relier, ni que les auteurs qu’ils tournent en dérision souscrivent au relativisme épistémologique : il est peu plausible que quelqu’un qui croit que la légitimité d’une œuvre en sciences humaines sera accrue si elle se pare des magies du vocabulaire scientifique souscrive conjointement au relativisme épistémologique. Quoi qu’il en soit, mon but ici n’est pas de critiquer Sokal et Bricmont. J’ai constaté avec surprise que, depuis la parution d’Impostures intellectuelles (op. cit.) à l’automne 1997, la démystification de ce que Sokal et Bricmont nomment à tort ou à raison ” le post-modernisme ” a suscité dans les pages culturelles du journal Le Monde, directement ou indirectement, nombre de sottises de la part des chroniqueurs et des auteurs de comptes rendus des livres de philosophie. En voici quelques exemples.

Scientisme et métaphore

Dans Le Monde du 30 septembre 1997 (p. 27), deux chroniqueurs prêtaient à Sokal et Bricmont des doctrines que rien ne permet de leur attribuer. Marion Van Renterghem accusait Sokal et Bricmont de mener une ” opération scientiste de dévaluation intellectuelle ” dont ” la vraie victime ” ne serait rien moins que ” la pensée “. Certes, Sokal et Bricmont contribuent à discréditer les auteurs d’ouvrages de sciences humaines qui ont succombé à la tentation ” scientiste ” des littéraires. Mais à mon sens, le scientisme ne consiste pas tant à tourner en dérision ceux qui cherchent à se parer du prestige de certains résultats logiques, mathématiques ou physiques sans se donner la peine de les comprendre qu’à succomber à cette tentation elle-même.

Dans un article intitulé ” Au risque du “scientifiquement correct” “, publié sur la même page, Roger-Pol Droit attribuait à Sokal et Bricmont une ” conception de la pensée ” selon laquelle serait réputé ” dénué de sens ” ” tout ce qui n’est pas énoncé mathématiquement ou vérifié expérimentalement “. En réalité, Sokal et Bricmont ne cherchent nullement à encourager les spécialistes des sciences humaines à exploiter les ressources ésotériques des mathématiques ou de la physique. Au contraire : ils les en dissuaderaient plutôt puisqu’ils exigent d’auteurs dont le sujet n’est ni la logique, ni les mathématiques, ni la physique, mais l’art poétique, la fiction, les troubles mentaux ou les systèmes politiques, qu’ils justifient leurs emprunts au jargon de la logique, des mathématiques ou de la physique. Ce sont plutôt ceux que Sokal et Bricmont tournent en dérision qui sont enclins à supposer que, faute d’être composé de termes appartenant à une terminologie mathématique, un énoncé ne saurait exprimer une proposition douée de sens. Quant à la thèse selon laquelle à moins d’avoir été vérifié expérimentalement, un énoncé non mathématique serait dénué de sens, elle est absurde et rien ne permet de penser que Sokal et Bricmont y souscrivent. Sans doute Roger-Pol Droit voulait-il attribuer à Sokal et Bricmont la thèse selon laquelle tout énoncé qui ne se prête pas à un test expérimental ou n’est pas vérifiable expérimentalement n’exprime aucune proposition douée de sens. Mais comme leur livre l’atteste amplement, Sokal et Bricmont connaissent les objections auxquelles s’expose cette thèse, qui fut, à une époque, défendue par les partisans du positivisme logique avant qu’ils y renoncent notamment sous le coup des critiques de Popper et qui est connue sous le nom de ” critère vérificationniste de la signification cognitive “. Rien ne permet de penser que Sokal et Bricmont souscrivent à ce critère. Incidemment, ils ne défendent pas davantage le critère poppérien de ” démarcation ” entre les propositions scientifiques et les propositions non scientifiques, à savoir la thèse poppérienne selon laquelle ce qui distingue une proposition scientifique d’une proposition non scientifique, c’est que la première, à la différence de la seconde, est réfutable par un contre-exemple.

Sokal et Bricmont ont voulu démontrer qu’un certain nombre d’auteurs en sciences humaines font allusion à divers résultats logiques, mathématiques ou physiques qu’ils ne comprenaient pas. Cette démonstration soulève trois questions. Est-elle convaincante ? Si elle l’est, doit-on en conclure à l’inanité de la contribution des auteurs visés à la philosophie et aux sciences humaines ? Enfin, comment expliquer la tentation ” scientiste ” des littéraires ?

Dans Le Monde du 30.09.1997 et dans celui du 02.10.1998, Roger-Pol Droit donne une réponse positive à la première question et une réponse négative à la deuxième question. Est-ce cohérent ? Chacun jugera. Si l’on en croit ce qu’en rapporte Marion Van Renterghem dans Le Monde du 30.09.1997, Julia Kristeva suggère une réponse à la troisième question : la tentation (à laquelle elle a elle-même succombé) répondrait au besoin de métaphores dans les sciences humaines. Dans le Nouvel Observateur du 25.09.1997, elle écrit que, dans les sciences humaines, ” la réflexion est plus proche de la métaphore poétique que de la modélisation “.

Qu’est-ce qu’une métaphore ? Une métaphore est une figure de rhétorique qui consiste à énoncer une phrase qu’on sait être littéralement fausse. La fausseté littérale d’un énoncé métaphorique consiste en ceci qu’on attribue sciemment à une entité une propriété qu’elle ne peut pas avoir. On peut se servir d’une métaphore dans un but poétique comme en témoignent les deux premiers vers du célèbre sonnet de Baudelaire intitulé ” Correspondances ” : ” La Nature est un temple où de vivants piliers laissent parfois sortir de confuses paroles “. On peut aussi se servir d’une métaphore dans un but pragmatique : pour faciliter la compréhension d’une série de pensées complexes qui, faute d’être communiquées indirectement grâce à l’emploi d’une métaphore, ne pourraient être communiquées directement que par un énoncé dont la complexité solliciterait de la part de l’auditeur un effort de compréhension très coûteux. Supposons qu’un parent dise à un enfant : ” Ta chambre est une porcherie “. Une porcherie est un lieu habité par un porc. Ce que le locuteur a dit explicitement de la chambre de son enfant est donc littéralement faux. Mais si l’enfant sait qu’une porcherie est un lieu caractérisé par la saleté qui y règne, grâce à cette proposition littéralement fausse, l’enfant comprendra que l’adulte a eu l’intention de lui signifier indirectement que sa chambre était sale. Une métaphore ne peut jouer son rôle poétique ou pragmatique que si le locuteur (ou l’auteur) et son destinataire savent que ce qu’elle sert à exprimer directement est littéralement faux. Lorsqu’une mère dit à son enfant ” Ta chambre est une porcherie “, elle ne s’attend ni à trouver un porc dans le lit de son enfant, ni à ce que l’enfant exhibe un porc dans son lit.

Tout énoncé métaphorique exprime-t il toujours une proposition littéralement fausse ? C’est ce dont on pourrait douter en considérant un énoncé métaphorique négatif comme ” Jules n’est pas un aigle “. Sans doute un tel énoncé exprime-t-il une proposition littéralement vraie. Cependant, on peut supposer qu’en énonçant une telle proposition, le locuteur ne veut pas simplement exprimer un truisme. Il veut faire comprendre indirectement à son destinataire que, selon lui, la personne nommée ” Jules ” n’est pas d’une grande intelligence. Or, pour comprendre indirectement ce qu’a voulu signifier le locuteur, le destinataire doit savoir qu’on peut communiquer indirectement la pensée qu’une personne est d’une intelligence exceptionnelle en énonçant une proposition littéralement fausse (consistant à attribuer à la personne la propriété d’être un aigle). Il doit enfin comprendre que c’est cette pensée que nie le locuteur. Donc, pour déterminer quelle proposition le locuteur veut nier, le destinataire doit former une pensée littéralement fausse.

La démarche scientifique peut-elle se passer de métaphores ? La question est difficile. Sans Doute les comparaisons et les analogies conjecturales jouent-elles un rôle central dans la démarche scientifique, comme l’attestent les comparaisons suivantes : au XVIIe siècle, les physiciens mécanistes comparèrent l’univers à une horloge ; plus près de nous, Niels Bohr compara les orbites des électrons autour de leur noyau atomique à la structure du système solaire ; les psychologues contemporains comparent volontiers le cerveau humain à un ordinateur digital. Une comparaison ou une analogie peut être tenue pour littéralement vraie sous certains aspects et fausse sous d’autres aspects. De même que les planètes du système solaire gravitent autour du Soleil, les électrons d’un atome gravitent autour du noyau. Mais, contrairement au Soleil, le noyau d’un atome d’hydrogène n’émet pas de photons. Ce qui limite le rôle des métaphores proprement dites en science, c’est que celui qui énonce une métaphore sait que ce qu’il dit est littéralement faux. Or, dans les sciences &emdash; y compris dans les sciences humaines &emdash;, il est rare qu’on exprime délibérément une proposition qu’on sait être fausse.

Dans La Recherche n° 299 (juin 1997) et n° 304 (décembre 1997), le physicien Jean-Marc Lévy-Leblond s’est fait l’avocat d’une version radicale du dualisme méthodologique entre la physique et les sciences humaines. Incidemment, il retourne aux physiciens le reproche de ” désinvolture épistémologique ” : selon lui, les physiciens n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes si les littéraires se méprennent sur le sens de termes comme ” big-bang “, ” trous noirs ” ou ” particules charmées ” que les physiciens empruntent sans vergogne au langage ordinaire. A la simplicité des problèmes abordés en physique et à la banalité de sa démarche expérimentale, il oppose la complexité ” sans commune mesure ” des sciences humaines. En conséquence, la ” textualité ” des sciences humaines serait d’une ” autre nature ” que celle de la physique. Aux chercheurs en sciences humaines qui sont privés des ressources de la méthode expérimentale, Lévy-Leblond conseille de travailler ” au cœur de la langue “, de ” mobiliser toutes les ressources de l’imaginaire, toutes les références de la culture, pour tenter de faire émerger des effets de sens bien plus subtils ” que ” le plat accord ” entre l’expérimentation et la théorie. Selon lui, Sokal et Bricmont sous-estiment gravement ces difficultés et ” se méprennent totalement sur le statut du discours dans l’élaboration du savoir “. Passons sur le mépris affiché par Jean-Marc Lévy-Leblond à l’égard de l’expérimentation là où elle est possible. Il a l’air de croire qu’on peut conjointement souscrire au dualisme méthodologique radical entre les sciences humaines et les sciences expérimentales et assigner pour but aux sciences humaines l'” élaboration d’un savoir “. Savoir, c’est avoir de solides raisons de croire vraie une proposition (ou un ensemble de propositions). Jean-Marc Lévy-Leblond recommande qu’en sciences humaines soient ” mobilisées toutes les références de la culture “. Toutes ? Quelles sont les limites de ce qu’il nomme ” la culture ” ? Croit-il vraiment qu’en mobilisant les ressources de l’astrologie, les chercheurs en sciences humaines contribueront à élaborer un savoir ? Je doute que l’astrologie contribue à l’élaboration d’un savoir en sciences humaines et je doute que Jean-Marc Lévy-Leblond croit que l’astrologie contribue à l’élaboration d’un savoir en sciences humaines.

La ” mauvaise foi ” de Bouveresse

Je prendrai à présent pour exemple le compte rendu du livre de Jacques Bouveresse et Jean-Jacques Rosat, Le Philosophe et le réel (Hachette, 1998), paru dans Le Monde des livres du 18 décembre 1998, p. 9, sous la plume de Roland Jaccard. Dans ce compte rendu que j’ai lu non sans répugnance, il est beaucoup question de la personne de Wittgenstein, mais rien n’y est dit de ses idées. Ensuite, les assertions gratuites et dénuées de la moindre justification le disputent aux insinuations personnelles et au cynisme. Or, par certains aspects, ce compte rendu n’est pas sans évoquer un paragraphe de la chronique consacrée par Roger-Pol Droit à Sokal et Bricmont dans Le Monde des livres du 2 octobre 1998, p. 6.

Je commencerai par les assertions gratuites. R. Jaccard se dit ” troublé “. Voyons ce qui le trouble. Dans le livre dont il rend compte, J. Bouveresse, qui a consacré une partie importante de ses écrits à l’exégèse de l’œuvre de Wittgenstein, fait état de sa défiance à l’égard des risques que la séduction fait courir à la philosophie. Or, cette méfiance serait démentie par Wittgenstein lui-même qui, affirme Jaccard, ” sut jouer de l’art de la séduction mieux que quiconque “. Sans doute peut-on opposer le style aphoristique de l’œuvre de Wittgenstein au style plus explicitement argumentatif d’autres philosophes de ce siècle. Mais le style aphoristique de l’œuvre de Wittgenstein ne saurait suffire à justifier cette phrase. De surcroît, Jaccard reproche à Bouveresse de ne pas avoir accordé aux œuvres cinématographiques de Welles, Hawks ou Kurosawa toute l’importance qu’elles méritent, alors que le cinéma ” exerça ” [sic] une véritable ” passion ” sur Wittgenstein. On croit rêver : quel aspect fondamental de l’œuvre philosophique de Wittgenstein (mort, il faut le rappeler, en 1951) devrait, selon Jaccard, être éclairé par son goût avéré pour les westerns ? Quelles idées philosophiques de Wittgenstein sont demeurées incompréhensibles à Bouveresse en raison de son indifférence alléguée à l’œuvre des cinéastes précités ? Si Jaccard se donnait la peine de considérer ces deux questions, je crois que son trouble se dissiperait.

Aux affirmations gratuites sur Wittgenstein, Jaccard ajoute une insinuation à laquelle il confère une dignité parfaitement superflue en la qualifiant d'” hypothèse ” : ce qui aurait ” manqué ” à Bouveresse, c’est ” la catégorie du plaisir ” ! En communiquant implicitement au lecteur sa propre antipathie pour le puritanisme, Jaccard fait preuve d’une attitude répandue chez les chroniqueurs du Monde. En effet, dans sa chronique du 2 octobre 1998, revenant sur l’affaire Sokal, Roger-Pol Droit a trouvé éclairant de faire un rapprochement entre le rapport du procureur américain Kenneth Starr sur les frasques de Bill Clinton et l’ouvrage de Sokal et Bricmont : ” Entre le rapport Starr et l’acharnement Sokal ” [sic], écrivait Roger-Pol Droit, on ” trouverait deux visages du purisme rigoriste, deux manières d’entretenir un certain visage de la haine “.

” Pour devenir Wittgenstein “, écrit ensuite R. Jaccard, ” il faut prendre des risques existentiels “. Soit. Mais dans le livre d’entretiens dont il rend compte, Bouveresse ne laisse planer aucun doute : à aucun moment, il ne se prend pour Wittgenstein. Le compte rendu de Jaccard culmine dans le cynisme (au sens ordinaire du mot et non au sens de l’école des Cyniques de l’Antiquité) lorsqu’il ne trouve rien de mieux à reprocher à Bouveresse que son manque de mauvaise foi. Roland Jaccard peut se targuer d’avoir inventé un nouveau style polémique. Jusqu’à lui, il était de bonne guerre de reprocher à un auteur d’être de mauvaise foi. Désormais &emdash; et grâce à Roland Jaccard &emdash;, on pourra reprocher à un philosophe de manquer de mauvaise foi !

 Derrida, Rorty et le réalisme métaphysique

Je prendrai pour dernier exemple un compte rendu de bonne qualité, que j’ai lu avec plaisir dans Le Monde des livres du 27 novembre 1998 (p. 11) : le compte rendu par Christian Delacampagne de la traduction française du livre de John Searle, La Construction de la réalité sociale (Gallimard, 1998). Jusqu’à l’avant-dernier paragraphe, Christian Delacampagne rend compte avec clarté de l’ouvrage de John Searle. L’avant-dernier paragraphe de ce compte rendu contient, cependant, certaines assertions surprenantes.

Ma première surprise a été d’apprendre que, pour Christian Delacampagne, ” on ne peut qu’approuver Searle, lorsqu’il affirme l’existence d’une réalité indépendante de notre conscience, ou bien lorsqu’il défend la conception classique selon laquelle la vérité résulterait de l’adéquation de nos représentations au monde “. La thèse métaphysique de l’indépendance de la réalité non mentale par rapport à l’esprit humain et la conception de la vérité-correspondance sont, comme le laisse entendre Christian Delacampagne, deux thèses réalistes solidaires l’une de l’autre. Et Searle souscrit incontestablement à ces deux conceptions. Mais comme le montre amplement la littérature philosophique contemporaine, c’est une erreur de laisser entendre que ces doctrines s’appuient sur des arguments et des justifications tellement irrésistibles qu’aucun philosophe digne de ce nom n’est prêt à les répudier. Quiconque éprouve de la sympathie pour le réalisme métaphysique reconnaîtra aisément que ses adversaires sont nombreux et qu’ils ne sont pas dépourvus de ressources.

La vérité est la propriété exprimée par le mot français ” vrai “. A quel genre de choses attribue-t-on la vérité ? A des propositions, des pensées, des croyances, des théories ou des énoncés qui les expriment. La vérité a-t-elle, comme l’électricité ou l’hérédité, une structure profonde, mystérieuse et cachée que révélera un jour l’investigation scientifique ? Toutes les propositions vraies sont-elles vraies en vertu du fait qu’elles exemplifient toutes une seule et même propriété sous-jacente plus fondamentale ? Certains philosophes répondent résolument ” Non ” à cette question. Comme Willard Van Orman Quine et Paul Horwich, ils souscrivent à une conception de la vérité qu’ils qualifient de ” minimaliste ” ou ” déflationniste “. Pour eux, la vérité est un pur et simple ” instrument d’ascension ” (ou de généralisation) sémantique qui permet d’énoncer commodément les lois logiques. Au lieu d’énoncer une liste infinie de disjonctions comme ” Le ciel est bleu ou le ciel n’est pas bleu “, ” La neige est blanche ou la neige n’est pas blanche “, etc., on peut formuler le principe du tiers-exclu en disant : ” Toute proposition est vraie ou fausse “. Par contraste, les ” inflationnistes ” supposent que toutes les propositions vraies sont comme les êtres vivants. Aussi différents soient-ils de forme ou d’apparence &emdash; qu’ils soient végétaux ou animaux &emdash;, tous les êtres vivants sont vivants parce qu’ils sont composés de cellules dont les noyaux contiennent des molécules d’ADN (acide désoxyribonucléique). Être composé d’ADN est donc une propriété sous-jacente fondamentale qui explique pourquoi un être vivant quelconque est vivant. Pour un philosophe ” inflationniste “, toute proposition vraie tire sa vérité du fait qu’elle exemplifie une propriété sous-jacente plus fondamentale. Les uns &emdash; les ” vérificationnistes ” (dont le philosophe britannique Michael Dummett est un brillant représentant) &emdash; supposent que ce qui rend vraie une proposition, c’est qu’elle est vérifiable ou qu’elle est compatible avec d’autres propositions. Les autres &emdash; les réalistes &emdash; supposent (comme le dit Christian Delacampagne) que ce qui rend vraie une proposition, c’est qu’elle correspond à un état de choses. Contrairement à ce que suggère Christian Delacampagne, les possibilités de discorde ne manquent donc pas en matière de théorie de la vérité.

Après avoir lu cette première assertion, j’ai été encore plus surpris de lire sous la plume de Christian Delacampagne que ce serait une erreur d’attribuer ” des thèses diamétralement opposées à Jacques Derrida ou à Richard Rorty &emdash; qui n’ont jamais rien soutenu de tel “. En toute rigueur, Christian Delacampagne n’affirme pas explicitement que Jacques Derrida et Richard Rorty souscrivent au réalisme métaphysique et à la conception de la vérité-correspondance. Mais comme il vient d’écrire qu'” on ne peut […] qu’approuver ” ces deux doctrines défendues par John Searle, en niant que Jacques Derrida et Richard Rorty s’y opposent, il laisse incontestablement entendre qu’ils y souscrivent. Je doute qu’il ait raison.

Faute d’avoir suffisamment ” visité ” ses écrits, pour reprendre le mot de Jacques Derrida lui-même dans Le Monde du 20.11.97, p. 17, je ne sais pas si Jacques Derrida souscrit à la thèse métaphysique de l’indépendance de la réalité par rapport à l’esprit humain et à la conception de la vérité-correspondance. Mais, je le répète, j’en doute. Dans cet article du Monde, (op. cit.), intitulé ” Sokal et Bricmont ne sont pas sérieux “, Jacques Derrida mettait en garde ceux ” qui n’ont pas lu ce qu’il eût fallu lire pour prendre la mesure des […] difficultés ” recelées par son œuvre. Je me demande si Christian Delacampagne n’a pas sous-estimé ces difficultés d’exégèse lorsqu’il laisse entendre que Jacques Derrida souscrit à la thèse métaphysique de l’indépendance de la réalité non mentale par rapport à l’esprit humain et à la conception de la vérité-correspondance.

Ce que je sais en revanche, c’est que Richard Rorty n’éprouve aucune sympathie pour ces doctrines. L’œuvre de Richard Rorty appartient à la tradition pragmatiste dont les partisans, de manière générale, s’efforcent de trouver une voie intermédiaire entre le réalisme métaphysique et l’anti-réalisme et pour lesquels la vérité s’apparente à l’utile. Dans ses écrits, Richard Rorty oscille entre deux inclinations : tantôt, il cherche à réfuter le réalisme métaphysique et la conception de la vérité-correspondance. Tantôt, il cherche à surmonter l’antinomie entre deux inclinations : tantôt, il cherche à réfuter le réalisme métaphysique et la conception de la vérité-correspondance. Tantôt, il cherche à surmonter l’antinomie entre le réalisme et l’anti-réalisme et à dissoudre l’opposition entre la conception de la vérité-correspondance et la conception de la vérité-cohérence (ou le vérificationnisme) &emdash; opposition qu’il tient pour un contraste stérile ou un pseudo-problème métaphysique.

Pour montrer l’hostilité de Richard Rorty à l’égard du réalisme métaphysique et de la conception de la vérité-correspondance, je lui emprunterai trois brèves citations. Comme le laisse entendre la présence du mot anglais mirror dans le titre de son célèbre ouvrage, Philosophy and the Mirror of Nature (Princeton University Press, 1979), Richard Rorty s’élève dans ce livre contre l’idée réaliste selon laquelle l’esprit humain aspire à refléter (ou à correspondre à) une réalité indépendante de lui-même. A la p. 308 de ce livre, il affirme qu’en un sens, le mot français ” vrai ” ” signifie approximativement “ce qui peut être défendu contre toute objection” “. Or, précisément, un partisan de la conception réaliste de la vérité-correspondance objectera à cette conception d’inspiration vérificationniste de la signification du mot ” vrai ” qu’une proposition pourrait bien être fausse si elle ne correspond pas aux faits, même si aucun être humain ne parvenait jamais à démontrer qu’elle est fausse. Dans son livre Consequences of Pragmatism (Harvester Press, 1982, p. 25), Richard Rorty fait référence, pour l’approuver, à la conception du pragmatiste William James selon laquelle ” le mot “vrai” ressemble au mot “bon” en ce qu’il exprime une notion normative, à savoir la notion d’un compliment rendu aux énoncés qui sont une source de profit et à ceux qui sont compatibles avec des énoncés qui sont une source de profit “. Enfin, dans un chapitre de ses Philosophical Papers (vol. I, Cambridge University Press, 1991, p. 127), intitulé ” Le pragmatisme, Davidson et la vérité “, il écrit à nouveau en approuvant William James : ” Aux critiques qui lui objectaient qu'”une vérité n’est pas vraie parce qu’elle est utile ; elle est utile parce qu’elle est vraie”, James répondait qu’ils n’avaient pas compris sa thèse selon laquelle “vrai” est une expression d’approbation et non pas une expression descriptive employée pour faire référence à un état de choses dont l’existence expliquerait le succès de ceux dont les croyances sont vraies. Selon James, il y a une morale à tirer de l’échec répété des philosophes qui recherchent la micro-structure de la relation de correspondance : à savoir qu’il n’y a tout simplement rien à découvrir et que la vérité n’est pas une notion explicative “.

C’est donc manifestement une erreur de penser que Richard Rorty souscrit au réalisme métaphysique et à la conception de la vérité-correspondance. Il est hasardeux d’attribuer une opinion déterminée à Jacques Derrida sur ce sujet, mais il est douteux qu’il y souscrive. Pourquoi un lecteur aussi averti que Christian Delacampagne a-t-il donc commis cette erreur ? Je laisserai Richard Rorty de côté, mais pour expliquer le fait que Christian Delacampagne a pris le risque inconsidéré d’attribuer à Jacques Derrida une doctrine à laquelle il est peu probable qu’il accorde sa sympathie, je présenterai la conjecture hasardeuse suivante. Ma conjecture a deux parties.

La première partie de ma conjecture nous reconduit à Sokal et Bricmont, qui ont, je l’ai dit, efficacement tourné en dérision certaines tendances de ceux que Christian Delacampagne se plaît à nommer, à tort ou à raison, ” les théoriciens de la “post-modernité” “. Dans son canular (reproduit dans le livre de Sokal et Bricmont), Sokal avait épinglé une remarque isolée de Jacques Derrida qui concernait peut-être la théorie de la relativité générale. Mais dans le reste du livre, Jacques Derrida est à peine mentionné. Premièrement, il s’avère donc que la critique des ” théoriciens de “la post-modernité” ” effectuée par Sokal et Bricmont constitue encore, plus d’un an après la parution du livre, un contexte journalistique suffisamment saillant pour que Christian Delacampagne ait pris un premier risque : le risque d’inclure Jacques Derrida parmi ” les théoriciens de la “post-modernité” “. Jacques Derrida se reconnaît-il parmi ” les théoriciens de la “post-modernité” ” ? Je l’ignore. Mais puisqu’il ne figure pas parmi les cibles de Sokal et Bricmont, on peut à bon droit douter qu’il soit de ceux qui ont succombé à la tentation ” scientiste ” des littéraires et qu’il souscrive au relativisme épistémologique. Incidemment, on peut sans doute inclure Richard Rorty parmi les partisans du relativisme épistémologique. Mais il n’a certainement jamais succombé à la tentation ” scientiste ” des littéraires. Deuxièmement, John Searle, qui est l’auteur du livre dont rend compte Christian Delacampagne, a dans le passé explicitement discuté et critiqué des écrits de Jacques Derrida (notamment dans ” The Word Turned Upside Down ” dans la New York Review of Books du 27 octobre 1983). Je suppose donc qu’à l’occasion d’un compte rendu d’un livre de John Searle, Christian Delacampagne a tenu à se désolidariser des critiques de John Searle et n’a pas pu se retenir d’exprimer sa solidarité avec Jacques Derrida. Dans ce but, il a pris un second risque : celui de prêter indirectement à Jacques Derrida deux doctrines métaphysiques auxquelles il est peu probable qu’il souscrive : la thèse de l’indépendance de la réalité par rapport à l’esprit humain et la conception de la vérité-correspondance.

Dans le livre dont rendait compte Roland Jaccard, Bouveresse a écrit (p. 26) : ” je ne crois guère à la possibilité de concilier les exigences de la production journalistique avec celles du travail philosophique réel “. Incontestablement, les comptes rendus récents de philosophie dans un journal comme Le Monde confirment le diagnostic de Bouveresse.

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