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Gérard Fussman

Agrégé de lettres classiques, professeur au Collège de France

25/01/2006

"la science moderne s'est souvent développée contre et malgré la Bible"

Le Monde du 9 janvier 2006, reprenant une information parue dans Libération le 6 janvier,  s’est fait l’écho d’un document transmis le 25 novembre 2005 au Haut-Conseil de l’Education pour définir le « socle commun de connaissances et de compétences » que devrait posséder tout élève à la fin de sa scolarité obligatoire. Ce texte, qui à ce stade est seulement un document préparatoire, préconise que l’élève soit “préparé à partager une culture européenne par une connaissance simple de la Bible et de quelques-unes des œuvres majeures du patrimoine européen”.  La place prééminente accordée à la Bible, œuvre nommée en premier et seule désignée par son nom, montre une volonté de considérer que le christianisme et lui seul  (car de la Bible, les juifs refusent le Nouveau Testament) est le fondement de la culture et de l’unité européennes. Nous ne pouvions laisser passer cette prétention et cette déformation de la vérité historique. Le bureau de l’Union Rationaliste a contacté diverses organisations laïques et éducatives pour leur demander de réagir et a lui-même envoyé le texte ci-dessous au Président du Haut Conseil. Il appelle tous les laïques à se mobiliser pour que ce type de formulation soit retiré du texte définitif.
   

           
                                Paris, le 25 janvier 2006.    

                    Monsieur le Président du Haut-Conseil de l’Éducation
                    Ministère de l’Éducation Nationale
                    110 rue de Grenelle
                    75007 Paris
                                        

Monsieur le Président,

    L’Union Rationaliste a été fondée en 1930 pour faire connaître au grand public l’esprit et les méthodes de la science. Le chemin vers une culture à la fois humaniste et scientifique commence bien évidemment à l’école. Le contenu du « socle commun de connaissances et de compétences » que le Haut-Conseil est chargé de définir revêt donc à nos yeux une extrême importance. Il ne semble pas que vous ayez commencé vos consultations. Nous sommes à la disposition du Haut-Conseil pour lui faire part de nos expériences et de nos réflexions.
    La presse s’est fait l’écho d’un document, préparé par ou pour le Haut-Conseil, où celui-ci préconiserait d’inclure une connaissance minimale de la Bible dans le socle commun des connaissances. La formulation du texte rappelle fâcheusement les efforts faits pour inclure l’héritage chrétien dans le préambule du projet de constitution européenne. Toutes les organisations laïques françaises, la nôtre y comprises, s’étaient élevées contre la prétention de donner au christianisme le rôle principal dans la formation de la culture en Europe en passant sous silence le fait que celle-ci est riche aussi d’autres apports, des non-croyants, des juifs, de la science arabe et de tous ceux qui, souvent avec succès, ont lutté contre les dogmes et l’intolérance des églises chrétiennes. Le gouvernement français s’était officiellement opposé à cette prétention et l’héritage chrétien n’était donc plus mentionné dans le texte du Traité établissant une Constitution pour l’Europe, par ailleurs rejeté par une majorité de l’électorat français. Nous ne comprendrions pas que votre Haut-Conseil reprenne à son compte, sous une forme déguisée, cette prétention et donne ce faisant un prétexte aux adeptes des religions non-chrétiennes, islam ou autres, pour réclamer l’inclusion de la connaissance de leurs livres saints dans ce socle commun.
    L’École laïque, du primaire à l’enseignement supérieur, n’a jamais manqué à l’obligation scientifique et pédagogique de donner des enseignements sur le contenu de la Bible dans le cadre des cours d’histoire et de géographie, dans ceux d’histoire de l’art et de philosophie, dans ceux de littérature surtout. Elle enseigne aussi le mouvement de critique de la Bible, à l’origine des Lumières et de la pensée moderne, et le fait que la science moderne s’est  souvent développée contre et malgré la Bible, de Galilée à Darwin et aux recherches récentes de la biologie (sur la contraception et les cellules-souches par exemple). Nous pensons que, via ces enseignements, la Bible est suffisamment présente dans nos enseignements. L’histoire des sciences et de leurs rapports avec l’évolution de la société nous semble par contre sous-représentée. Il ne serait pas mauvais qu’il en soit fait mention dans le « socle commun de connaissances » que devrait posséder tout élève à la fin de sa scolarité.
                            …/…
  Nous espèrons que le Haut-Conseil voudra bien tenir compte de ces remarques et vous prions de croire, Monsieur le Président, à l’expression de nos sentiments républicains.

                    Pour Hélène Langevin-Joliot, Présidente de l’Union Rationaliste
                    Et pour le bureau de l’Union Rationaliste

                    Gérard Fussman, Secrétaire général de l’Union Rationaliste

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