Michèle Leduc

Responsable du site Web de l’Union rationaliste 

03/02/2025

Les dictatures mettent la science en péril

De retour au pouvoir aux Etats-Unis, Donald Trump, bien que régulièrement élu, est parti pour instaurer une véritable dictature, avec comme conséquence une révision radicale des objectifs de la recherche scientifique. Il s’apprête à nommer ministre de la santé un membre rejeté du clan Kennedy, conspirationniste connu pour son scepticisme sur les vaccins – un «danger » sur lequel soixante-dix sept prix Nobel ont alerté le Sénat qui doit valider cette nomination. Sa première mission sera de s’attaquer aux grands laboratoires et aux agences de contrôle de la santé et de l’alimentation. D’autres choix de Trump aux postes-clés pour la science illustrent son mépris pour l’expertise et le consensus scientifique, car ils freinent son programme de déréglementation : ainsi Jarek Isaacman à la tête de la Nasa est un climato-sceptique sans formation scientifique, ou Mehmet Oz au National Institute of Health fait la promotion de traitements frauduleux. L’opposition est totale à toute forme de protection de l’environnement et de la santé : Elon Musk, à la tête d’un nouveau département de l’« efficacité gouvernementale », a en effet pour mission de purger les agences scientifiques qui en sont chargées, jugées « biaisées » ou « antibusiness ». La liberté de chercher de la communauté scientifique est menacée. Ceci rappelle que lors du premier mandat de Trump les climatologues ont vécu un cauchemar, privés de moyens et même obligés de cacher leurs résultats pour les soustraire à la destruction.

Ce qui se produit aux États-Unis alerte le reste du monde. Il y aura des répercussions sur la science et la recherche dans tous les pays car la science ne progresse qu’en co-construction internationale. Et l’exemple de l’audace décomplexée peut faire des émules. La politique européenne sera fortement impactée par celle de Trump. Elle accuse déjà un net ralentissement dans la lutte contre le réchauffement climatique et pour la biodiversité. Le virage à droite et le recul des Verts au parlement européen laissent présager un retrait progressif du Pacte Vert et une baisse de l’effort de recherche dans les domaines de l’écologie.

En France aussi la recherche est aujourd’hui en sérieuse difficulté, particulièrement inquiétante dans un contexte où la menace du Rassemblement national se précise. La compétitivité de notre pays et la préservation de son modèle social passe plus par la qualité de son enseignement et de sa recherche que par la course à la taxation la plus basse. Les coupes prévues dans le budget 2025 de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche résultent des problèmes budgétaires hérités d’une mauvaise gestion par les dirigeants politiques au cours de ces dernières années. Les politiciens au pouvoir, en général dépourvus de culture scientifique, ne semblent guère s’en préoccuper : rappelons que nous avons eu pendant deux mois un antivax comme ministre de l’enseignement supérieur ! L’aggravation récente des dangers est soulignée par l’annonce du CNRS qu’il va établir une hiérarchie entre ses laboratoires[1]. Quelle que soit la forme qu’elle prendra, cette discrimination entre les bons et les autres (dictée par la pénurie de moyens) ne pourra qu’entraîner le déclin de certains laboratoires dont les recherches, à l’écart des grands courants des modes en science, sont pourtant potentiels de découvertes. En réalité le pilotage de l’excellence par en haut passe souvent à côté de recherches vraiment novatrices hors des grands programmes[2]. Notons par ailleurs que le secrétariat d’État à l’environnement n’est plus un grand ministère, tandis que les recherches développées par les agences de l’État protectrices de l’environnement comme l’ANSES sont la cible de la droite et du gouvernement [3].

Plus que jamais il faut soutenir la recherche qui établit les faits et s’oppose aux options irrationnelles et complotistes. L’Union rationaliste appelle à résister aux menaces que font peser sur la science les gouvernements réactionnaires du monde entier. Ce n’est pas seulement la liberté scientifique qui est en jeu, c’est la liberté tout court. La démocratie est en danger, il faut se battre aussi sur le front de la science.

Michèle LEDUC pour le bureau de l’UR

[1] Voir le communique de l’UR : Projet « Key Labs », une mise en compétition des laboratoires pour masquer la baisse des moyens alloués à la recherche – Le moratoire annoncé n’est sans doute qu’un recul passager du danger.

[2] Voir l’exemple du chercheur belge Hamers-Casterman qui a fait la découverte en 1993 d’anticorps très particuliers chez le chameau et le lama. 30 ans plus tard ces mêmes nanocorps multi-brevetés ont des perspectives d’utilisation dans l’imagerie, la cancérologie et la maladie d’Alzheimer.

[3]  L’article du Monde du 01/01/2025 page 10 détaille les menaces qui pèsent sur la diffusion et la mise en application des recherches de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire).

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