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Michèle Leduc

Responsable du site Web de l’Union rationaliste avec le groupe Transition écologique et rationalité de l’UR

31/10/2023

Les politiques ne doivent plus ignorer les scientifiques

L’urgence des mesures à prendre pour limiter des conséquences du changement climatique est de plus en plus pressante (voir l’édito de l’UR de septembre 2023). Elle est confirmée par l’alerte de l’IEA (International Energy Agency)[1] du 24/10/2023. Celle-ci démontre que la programmation du déclin des énergies fossiles, quoique bien amorcée en Chine et ailleurs, ne sera effective qu’après 2030, retardée en particulier par l’augmentation programmée de l’usage du gaz liquéfié, conséquence indirecte de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ainsi que par les investissements massifs en marche sur le continent africain. Ce qui valide un scénario au mieux à +2.4° en 2100.

Ceci rejoint le court rapport de synthèse à destination des gouvernants[2] de l’IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change) inspiré des récents travaux du GIEC. Sa recommandation capitale est une coopération internationale impliquant la finance d’une part, la technologie de l’autre. Selon l’IPCC, le capital financier est suffisant pour les investissements nécessaires, pourvu que tombent les barrières qui freinent leur destination à l’action-climat et que cessent les investissements (toujours massifs) dans de nouveaux sites d’énergie et produits fossiles.. Et l’innovation est la clé pour accélérer l’adoption généralisée des technologies et des pratiques d’adaptation aux changements qui menacent l’homme et la planète.

Cet appel à l’innovation par la science rejoint l’Appel des Houches[3] (mai 2023) : le défi climat-énergie exige de repenser l’articulation entre science-expertise et politique. Cet appel résulte d’une semaine de réflexions menées en commun par un groupe de 80 citoyens –responsables politiques, hauts fonctionnaires, élus, journalistes, scientifiques et militants associatifs. Ils affirment que sans savoir partagé l’action efficace devient impossible […]. Il est devenu nécessaire d’organiser l’expertise publique de l’usage ou non des technologies et des ressources naturelles […], de diffuser à tous cette expertise […], de fonder les débats politiques et citoyens sur cette diffusion […]. Une décision politique qui ignore le consensus scientifique ne peut aboutir qu’à l’échec… Et de conclure : Cet effort de dialogue et de collaboration pourrait devenir une mission publique pour les institutions scientifiques et universitaires.

Cet appel fait écho à la note[4] du Collège des Sociétés Savantes Académiques de France (31), du 30/09/2023 qui argumente la nécessité de nommer un Conseiller Scientifique du Gouvernement, placé auprès du premier ministre, à l’instar des pratiques des autres pays. La note affirme : Il est impossible de relever les défis majeurs du siècle sans utiliser massivement les technologies […] mais leurs conséquences sont ambivalentes, certaines positives d’autres négatives pour l’intérêt général des générations actuelles et futures […], la concurrence entre entreprises et entre pays pousse à les adopter et les répandre sans prendre le temps nécessaire à l’instruction de leurs avantages et des inconvénients. La première mission de ce Conseiller (entouré d’une équipe de soutien pluridisciplinaire) serait de s’assurer que les élus et ministres aient accès à des synthèses des données scientifiques pouvant éclairer leurs décisions […] et d’évaluer a posteriori la compatibilité des décisions prises avec les consensus. Une seconde mission serait de développer la présence de scientifiques au sein des administrations, afin de faciliter la mise en œuvre opérationnelle de politiques publiques éclairées par les sciences. Ceci suppose, pour un fonctionnement démocratique, de veiller à ce que les pouvoirs publics travaillent véritablement et en permanence avec les multiples formes de consultation existantes telles que l’OPECST (Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Techniques), le HCC (Haut Conseil pour le climat) etc., voire des ONG. Un point d’attention est soulevé dans la note concernant les moyens humains et financiers qui devraient être donnés pour l’accomplissement de ces missions, destinées à acculturer les décideurs publics aux sciences (et au passage le public lui-même).

Nous vivons en France dans un monde d’opinions polarisées et de décisions politiques qui tombent verticalement depuis les sommets de l’État (par exemple les déclarations sur le « nouveau nucléaire » du président au Creusot en 2020 et à Belfort en 2022)[5].. Face aux transformations de grande ampleur de nos sociétés, indispensables pour éviter d’aller dans le mur d’un climat de plus en plus dangereux, on ne peut éviter de « repenser le défi démocratique » et mobiliser toutes les ressources de la science, les sciences humaines et sociales comme les sciences « dures ». C’est une injonction à laquelle s’associe pleinement l’Union rationaliste, sans pour autant croire que les solutions seront purement scientifiques : c’est à un véritable changement de production et de modes de vie que nous devrons consentir.

[1]https://www.iea.org/news/the-energy-world-is-set-to-change-significantly-by-2030-based-on-today-s-policy-settings-alone
[2] https://www.ipcc.ch/report/ar6/syr/downloads/report/IPCC_AR6_SYR_SPM.pdf
[3] A lire dans le blog de Sylvestre Huet https://www.lemonde.fr/blog/huet/2023/09 
[4] https://societes-savantes.fr/publication-de-la-note-reflexions-sur-les-missions-dun-conseiller-scientifique-du-gouvernement/
[5] On peut en trouver une analyse fondée sur des faits scientifiques avérés dans Harry Bernas « Les merveilleux nuages, que faire du nucléaire ?», Seuil septembre 2023, 156 pages, 15€

Michèle Leduc pour le bureau de Union rationaliste

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1 réflexion sur “Les politiques ne doivent plus ignorer les scientifiques”

  1. GOUEYTES MICHEL

    Bonjour
    Très bien sauf qu’il manque l’essentiel, un oubli sans doute: les salariés et leurs syndicats sans lesquels rien ne se fera pour la transformation de la production, capitalisme et travail sont contradictoires, “Lutte des Classes oblige”. L’Union Rationaliste ne peut faire l’impasse ( la CGT a pas mal d'”idées” en matières de filières et branches professionnelles, industrielles notamment et autres bien sûr).
    Respectueusement
    Michel Goueytes

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