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Roger Fourme 

Professeur à l’université Paris-11

Les Cahiers Rationalistes n° 290 - 01/09/2007

Pour une embellie durable de la recherche

Article publié dans Les Cahiers Rationalistes, septembre-octobre 2007, n°290

Introduction

Le débat autour de la recherche scientifique prend depuis quelques années une importance croissante. Pourquoi faire de la recherche, comment, avec quelles ressources et à quel niveau, sous quel contrôle, avec quelle éthique ? En France, la réflexion sur ces questions a associé récemment une part importante de la communauté concernée. L’expression des candidats aux Élections présidentielles sur la recherche a été plus forte, plus contrastée et souvent plus précise qu’il n’était coutume, et le dossier que lui a consacré la revue Nature dans son numéro du 19 avril 2007 a reflété à sa manière que ce que fait et décidera de faire la France en matière de recherche est observé avec attention hors de l’Hexagone. Notre pays est à un tournant de sa politique de production et de diffusion du savoir. Je voudrais indiquer dans cet article mon point de vue sur quelques aspects que je considère comme essentiels, sans prétendre en aucune manière à l’exhaustivité.

La nécessité de la recherche

Chercher, étendre le camp des connaissances est vital. Pour des raisons multiples.
Parce que ce besoin impérieux de comprendre pour agir est le ressort le plus spécifique et le plus fondamental de l’espèce humaine.
Parce que la science est très jeune : beaucoup a été fait en quelques siècles, mais la scène du réel révèle sans cesse des dimensions et des strates nouvelles, plus de complexité. Bref, le capital scientifique est déjà conséquent, mais il faut maîtriser l’acquis et aller bien au delà. Deux exemples qui sont de ceux qui m’intéressent. L’amateur de science-fiction est tout autant enthousiasmé que frustré par les laborieux progrès de l’exploration de la très proche banlieue de la Terre, alors que l’univers entier est là. De fait, la recherche spatiale bute sur des limites technologiques, et, plus profondément, sur des limites théoriques (espace et temps) que j’espère temporaires. Le biophysicien est fasciné par la dynamique du vivant, qui a créé très tôt des nanomachines comme le ribosome — qui surclasse par des ordres de grandeur la complexité, l’efficacité et l’élégance des meilleures réalisations humaines — puis cette merveille des merveilles qu’est le cerveau humain. Si la vie a créé, le temps aidant, l’atmosphère riche en oxygène de la Terre, il conviendrait aujourd’hui, pour lutter contre le réchauffement global, que notre science soit capable de concevoir et de réaliser maintenant une algue, une plante, capable de fixer efficacement le gaz carbonique. Les scientifiques sont constamment appelés à la modestie et au travail pour progresser vers une science plus efficace et plus douce parce que plus profonde.
Parce que la population doit de plus en plus acquérir la maîtrise des concepts, un socle scientifique solide, des capacités d’analyse et de synthèse et plus généralement toutes celles qu’on localise plutôt dans l’hémisphère droit du cerveau. Faute de quoi, les développements techniques, les objets quotidiens, l’accès immédiat aux bases de données accumulant toute les connaissances de l’humanité resteront des boites noires, des acquis stériles et la source de l’inquiétude qui naît devant l’incompréhensible et le non-maîtrisé. Faute de quoi, des affirmations simplistes et régressives vont continuer à brouiller les vrais enjeux soulevés par diverses questions difficiles (aujourd’hui OGM, cellules-souches, sources d’énergie…) sur lesquelles le citoyen devrait pouvoir donner un avis pertinent. Faute de quoi, il y aura un fossé croissant entre les profils d’emplois requis par une société de la connaissance et les capacités du plus grand nombre. Il faut donc poursuivre une recherche active, avec de manière liée une large diffusion des résultats de cette recherche au meilleur niveau.
Parce qu’un pays de taille moyenne comme la France — mais qui demeure une grande puissance et un partenaire central sur l’échiquier européen — doit investir massivement dans la recherche et l’enseignement supérieur s’il veut rester à ce niveau dans le futur. Des voyages récents en Chine, au Japon, à Taiwan, au Pakistan, en Corée du Sud, en Afrique du Sud, m’ont permis de constater que ces pays ont changé de braquet depuis quelques années sur le soutien à la recherche, et notamment à la recherche fondamentale. En France, on en cause beaucoup, mais rien ne se passe. Bon prétexte pour faire un point, fût-il rapide, de la situation.

Bref état des lieux

La science française a publié en 2005 4,7 % des articles mondiaux pour 5,4 % en 1999. Le nombre de publications est en fait stable ; la baisse en pourcentage est due à l’émergence de nouveaux joueurs comme la Chine qui lui a soufflé la 5è place en 2004. Cette science a des points forts, comme les mathématiques et les sciences de l’univers, de bons points comme la physique et des points plus faibles, dont la biologie (avec toutefois des variations importantes selon les sous-disciplines) ; les articles dans les revues à gros facteur d’impact sont moins nombreux que naguère, donc sa « visibilité » a diminué.
La première jauge du soutien global à la recherche est son financement.
Après avoir frôlé 2,4 %, la part de nos dépenses de recherches dans le PIB est en déclin depuis plus d’une décennie, avec des périodes de reprise modeste sous la Gauche, pour atteindre 2,1 % en 2005, le même niveau qu’en 1985. C’est médiocre, loin des 3 %, d’autant que ces chiffres incluent la recherche militaire. La recherche du secteur privé est faible, au niveau anglais et dans la moyenne européenne, mais bien au-dessous de celle de l’Allemagne, du Japon et des États Unis. La situation n’est pas non plus brillante pour la prise de brevets.
La seconde jauge concerne l’emploi. A ce propos, je voudrais en préambule souligner à quel point les objectifs, les financements et les pratiques de la recherche ont évolué en quelques années. C’est un domaine où règne une compétition impitoyable. La quantification de la compétitivité est poussée très loin, et se développe à toute vitesse : poids croissant accordé aux articles dans les seules revues à très fort facteur d’impact qui donnent le ton en matière de mode scientifique ; classification des universités, des équipes, des chercheurs par des indicateurs calculés à partir de bases de données (facteur d’impact, facteur H…) ; compilation de données sur les performances des laboratoires en termes du financement industriel ou contractuel, de la rentabilité des brevets etc. Pour émerger dans ce système, le post-doctorant ou le jeune chercheur a tout juste le temps d’égratigner la surface d’un domaine intéressant. Il doit publier vite, si possible beaucoup, dans des revues bien déterminées ; il doit savoir parler anglais avec brio dans des congrès internationaux ; il doit réfléchir à deux fois avant de se lancer dans des projets risqués, la théorie, l’instrumentation et autres domaines difficiles et à faible impact immédiat. Il lui faut se tenir au courant des appels d’offre européens et de l’ANR, et savoir rédiger vite des projets bien cadrés dans ces appels d’offre, qui décrivent les étapes, les réalisations tangibles et les produits (« deliverables ») résultant de la recherche avant qu’elle ne soit faite.
Dans ce contexte, l’emploi permanent, le respect des qualifications et des salaires associés sont des enjeux essentiels. La pensée unique associe la créativité au travail précaire, l’emploi stable à la routine. Ce point de vue est très contestable, et ceux qui le défendent en France sont parfois des mandarins inamovibles et surprotégés à qui l’on a envie de dire chiche ! Pour faire de la recherche créative, il faut du temps pour réfléchir. Il faut de la sécurité pour ne pas être obsédé par une prochaine fin de contrat, pour envisager tout simplement de fonder une famille et se risquer à avoir des descendants. Le post-doctorat assure un complément de formation, mais dans des conditions orthogonales aux règles classiques du travail. De plus, la fluidité du passage de la recherche à l’industrie et la valeur reconnue à la thèse dans les pays anglo-saxons ne se retrouvent pas au même degré en France. Autre observation : j’entends parfois dire, y compris par certains de mes collègues du CNRS, que faire de la recherche et appartenir à l’élite intellectuelle est un tel privilège que demander en plus de meilleurs salaires serait indécent. Mais se placer sur ce terrain affaiblit toute la profession. En fait, ce qui plombe l’attractivité des métiers de la recherche pour les jeunes, ce n’est pas tant la désaffection pour la science que la vocation contrariée par l’entrée tardive et aléatoire dans le métier couplée aux salaires médiocres (surtout en début de carrière), sur fond de dégradation des conditions de vie et de hausse vertigineuse du logement. Donner un statut aux post-doctorants serait un acte essentiel, tout comme de revaloriser la grille des carrières des chercheurs des EPST pour les aligner sur celle des EPIC (type CEA ; c’est aussi le cas de mon laboratoire, le centre de rayonnement synchrotron SOLEIL).
Concernant les enseignants-chercheurs, la même revalorisation serait légitime. Je me rallie à l’idée de réduire les heures devant les étudiants de 25 %, ce qui — avec la traque aux heures détournées pour des tâches déqualifiées et la réduction de la bureaucratie — devrait permettre aux maîtres de conférence et professeurs de faire de la recherche dans de meilleures conditions. Je ne suis pas favorable aux mesures en faveur seulement des « plus brillants » jeunes recrutés : faire de la recherche est une nécessité pour bien enseigner, et des charges d’enseignement à la carte contribueraientà éloigner les meilleurs chercheurs des étudiants. Enfin, il faut un dispositif d’évaluation régulier et approfondi de toutes les facettes de l’activité. A l’heure actuelle, un enseignant-chercheur n’est évalué sérieusement que lorsqu’il concourt pour une promotion. Mais cela devrait valoir aussi pour toutes les catégories de personnel, sous des formes diverses telles qu’un entretien annuel d’évaluation avec rapport.
Une question posée est de savoir qui doit faire la sélection avant embauche ? Le concours national n’est plus la panacée universelle. Je crois qu’il faut diversifier les formes de choix en donnant plus de responsabilité à la structure d’accueil. Le conseil scientifique d’une université, ou la direction d’un organisme, pourraient flécher des postes au profil répondant aux besoins d’un laboratoire en vue d’un objectif précis : à charge pour ce laboratoire de rédiger une fiche de poste, avec une commission de sélection associant des membres du laboratoire, d’autres experts français et étrangers et des membres de la commission de spécialistes compétente pour un poste universitaire ou des représentants du Comité national pour un poste CNRS. Si les exigences de qualité sont strictement respectées, il y a peu de risques d’embaucher ainsi du personnel au profil trop étroit pour pouvoir changer ultérieurement de thématique.

Les acteurs de la recherche

On retrouve ici un trait particulier à l’Hexagone, avec des organismes d’état qui jouent un rôle central dans la production scientifique alors que la plupart des grandes nations scientifiques s’appuient sur des universités. Le CNRS, le plus gros et le plus emblématique de ces organismes, le seul qui soit par essence pluridisciplinaire, joue un rôle majeurdans un ensemble de grandes disciplines (sans parler ici des sciences humaines et sociales) : plus de la moitié des articles en physique, chimie, sciences de l’ingénieur, sciences de l’univers ; en physique, le CNRS publie à lui seul autant que toute la Grande Bretagne. Ce n’est qu’en biologie que sa part moyenne est au-dessous de 50 %. La création des équipes associées au CNRS a joué un rôle capital dans le développement de la recherche universitaire. Ainsi, par son rôle central et toutes les connections qui le relient à une part très productive du reste du terreau de la recherche, le CNRS joue toujours un rôle déterminant. Les autres organismes (INSERM, INRA etc.) ont des rôles plus ciblés, mais aussi des connections étendues. Le rôle majeur du CNRS en fait une cible politique privilégiée. Dans la situation présente, une modification radicale du statut du CNRS pour en faire une agence de moyens serait catastrophique. Les universités ne sont pas en mesure de prendre le relais à l’heure actuelle, et ne fût-ce qu’améliorer leurs capacités prendra des années d’efforts persévérants. Cette nécessaire amélioration devrait aller de pair avec une évolution du CNRS. La première évolution devrait être d’ordre budgétaire car l’essentiel de son budget sert actuellement à payer son personnel. La fonction de prospective devrait être renforcée pour anticiper les grandes évolutions et les grands investissements. Les membres des commissions et conseils devraient être choisis davantage sur la base de la qualité que sur d’autres critères, avec une ouverture beaucoup plus large aux étrangers. La revalorisation des carrières, déjà évoquée, serait bénéfique à l’attractivité de l’organisme. Le personnel devrait être davantage encouragé à la mobilité, pour exploiter à fond un avantage extraordinaire (et novateur) du CNRS, organisme national : la possibilité pour un chercheur de changer de laboratoire pour des durées variables sans perdre son poste, ce que ne peut faire sans contorsions un universitaire. Ainsi, cette flexibilité bien utilisée fait que bon nombre des chercheurs de SOLEIL sont détachés du CNRS et que d’autres ont le statut d’associé scientifique tout en restant salarié de leur organisme.

Financement

Financement récurrent, financement contractuel ? La bonne combinaison compte tenu de la réalité française pourrait être d’associer deux composantes : une part nettement majoritaire (2/3) de financement récurrent permettant de prévoir, planifier et mener des projets sur le long terme et garder une recherche coordonnée de manière souple au plan national de sorte que la veille scientifique soit assurée à peu près partout et qu’un pan de connaissances qui s’avèrera plus tard essentiel ne soit pas abandonné. Il conviendrait de laisser une part minoritaire au financement sur projet, en général « blanc » (c’est à dire non-fléché), avec le corollaire d’une véritable évaluation. La réponse du milieu scientifique, en nombre et qualité de projets, aux appels d’offre de l’ANR manifeste le dynamisme intact des équipes et exprime un besoin, et pas seulement l’instinct de survie. Mais hypertrophier le budget de l’ANR — pour aller vers une recherche sur projets, sans schéma d’ensemble, étroitement pilotée par des besoins à court terme, mise en musique par l’État et liquidant les organismes — ferait imploser le système. Il faut arriver à concilier un socle de stabilité avec la réceptivité et la réactivité aux bonnes idées.

Gouvernance, responsabilité, efficacité

Notre système de recherche est complexe. La juxtaposition des structures, la multiplication des passerelles et des liaisons entre elles, l’empilement des niveaux de décision, le flou artistique des responsabilités à chaque niveau se fait sur fond d’un rôle très important de l’État. De nouvelles strates sont venues s’ajouter aux anciennes sans les remplacer : RTRA, Pôles de compétitivité, PRES etc. Les Universités sont gérées de manière centrale, même si le système des contrats quadriennaux État-Université a défini plus clairement les engagements respectifs. Les Directeurs des organismes de recherche sont désignés par l’État, et il est inconcevable que des responsables des grandes opérations de recherche n’aient pas le label direct ou indirect de l’État. L’accord sur la construction et les implantations de grandes infrastructures nécessite l’accord d’un très grand nombre de personnes et de partenaires, et des négociations multiples et longues. Le caractère particulier de nos structures, leur multiplicité et leur imbrication se moule très mal dans les critères sur lesquels reposent les analyses de l’Université de Shanghai qui, dans ces conditions, donnent une image déformée de la situation de la France en matière de recherche et d’universités. Une des clés des améliorations à apporter est de redonner du sens à la notion de responsabilité avec une réelle capacité de choisir, d’agir et d’assumer les conséquences des choix faits, par conséquent de préférer le contrôle a posteriori (qui juge sur résultats) au contrôle a priori (qui encadre tout et prévient par avance tous les manquements possibles). Ceci contribuerait à redonner du temps au personnel scientifique, et notamment aux responsables, pour qu’ils retrouvent les fondamentaux de leur métier au lieu d’un amoncellement kafkaïen de tâches disparates, déqualifiées et exécutées trop souvent sans formation suffisante et sans appui technique, la préoccupation grandissante étant de trouver de l’argent et de rendre compte de son utilisation. Dans ce contexte, la question de « l’autonomie » de l’Université serait celle du rôle et des prérogatives de l’équipe de direction et des conseils, la mise en place des outils et des moyens permettant d’exercer cette responsabilité et de construire, dans le respect du cadre national des diplômes notamment, une véritable politique d’établissement.

Le système dual

Le rôle des Grandes Écoles dans la formation des élites reste une caractéristique de la France. Beaucoup pensent qu’il est impossible de modifier cet état de fait, ancré sur un fond culturel et une histoire, et qui constitue le plus souvent la référence pour beaucoup de collègues dès lors que leur progéniture est concernée. Les managers de l’industrie et la quasi-totalité des décideurs n’ayant pas de formation par la recherche, la conviction que la recherche est une source majeure de création de richesse et d’innovation est moins répandue en France qu’ailleurs. Le doctorat, non reconnu par les conventions collectives, n’est pas considéré comme un plus, mais le plus souvent comme un moins par rapport à un diplôme d’ingénieur d’une École cotée. Ce système a contribué à des résultats indéniables à l’époque de la structuration du capitalisme français et des grands projets techniques nationaux associant l’État et de grandes entreprises. Il ne correspond plus aux nécessités. Il constitue un outil de reproduction de l’extrême concentration du pouvoir français dans un cercle étroit, puissamment structuré et relayé, passablement monocolore en matière de références intellectuelles, de formation et d’expertise. Il plombe les entreprises alors que le chemin de la recherche fondamentale à l’innovation est temporellement de plus en plus court, par exemple dans le domaine des biotechnologies. Il assèche une part importante du réservoir des futurs chercheurs et enseignants-chercheurs, alors que le réalisme économique guide de plus en plus fortement les choix de carrière des jeunes. Il faudra des mesures effectives pour changer enfin tout cela. Pas de recette-miracle, tout est à faire dans la concertation : une refondation des universités, dont la mise en place d’un système d’orientation et d’encadrement qui permette de porter chaque étudiant à son meilleur niveau, l’association ou l’intégration des principales Grandes Écoles dans les universités, l’évolution du système des Classes Préparatoires et de son corps d’enseignants.

Déclin et renouveau

Toute l’argumentation que j’ai développée montre que le contexte actuel de la recherche au plan mondial n’est pas particulièrement favorable à la recherche de connaissance. J’avance l’hypothèse que, au regard des moyens mis en œuvre, il y a dans ces conditions beaucoup d’accumulation quantitative mais relativement peu d’accumulation qualitative, celle qui fait les vraies ruptures. On parle souvent de développement scientifique foudroyant, mais en mélangeant ce qui ressort de progrès techniques, de la sortie de nouveaux produits, d’une meilleure exploitation d’idées connues et de percées véritables. Tout ce qui est vraiment nouveau était par définition à la fois dans l’air et imprévu. Comme en art, la créativité suppose d’admettre l’incertain, un certain désordre fécond. La préservation des acquis de la recherche de connaissance et son développement doivent être une préoccupation nationale. C’est le plus court chemin vers le nouveau, vers l’efficacité pour la société. Premier fil directeur. Dans les disciplines que je connais le mieux (physique, chimie, biologie, biophysique), la recherche française me semble engagée dans un processus d’érosion lente mais qui va s’accélérant. La priorité faible accordée par les politiques, l’industrie et les citoyens — je ne parle pas ici de la bonne image persistante de nos métiers — au soutien de la recherche et de la formation supérieure tout comme la persistance de graves défauts structurels ont fini par se traduire dans les faits. Ce qui me frappe cependant, c’est qu’en dépit de tous ces handicaps, la recherche française a la peau dure. Elle reste dans le peloton de tête mondial, elle excelle toujours dans divers domaines. L’Université a su élargir — dans des conditions invraisemblables — le socle de la formation de masse (ces données ne sont nullement prises en compte pour établir le classement de l’Université de Shanghai). Cette pugnacité étonnante mérite considération et réflexion. Elle signifie que notre système possède des atouts conséquents, voire novateurs dans le contexte actuel, pour inverser la tendance au déclin et construire une véritable économie de la connaissance. C’est le second fil directeur. Il faut des changements. Mais le danger majeur qui guette le système français serait de changer par la transposition mécanique de principes importés d’ailleurs (lesquels font d’ailleurs l’objet de correctifs significatifs) alors que tout l’environnement économique et les traditions de la France sont autres. Le débat large autour de Sauvons la Recherche a dégagé des propositions qui me semblent un point de départ réaliste pour renverser la tendance, sans qu’il soit besoin de relancer à court terme des États généraux de la Recherche. Donc la situation n’est pas apocalyptique comme le prétendent ceux qui veulent jeter le bébé avec l’eau sale. Mais elle est vraiment sérieuse. Il est temps d’agir, mais d’agir de bonne manière.

Abréviations :

CNRS : Centre national de la recherche scientifique ; CEA : Commissariat à l’Énergie atomique ; INSERM : Institut national de la santé et de la recherche médicale ; INRA : Institut national de la Recherche agronomique ; EPST : Établissement public à caractère scientifique et technologique ; EPIC : Établissement public à caractère industriel et commercial ; ANR : Agence nationale de la recherche ; PRES : Pôle de Recherche et d’Enseignement supérieur ; RTRA : Réseau thématique de recherche avancée ; IPES : Institut de Préparation à l’enseignement secondaire ; OGM : Organisme génétiquement modifié ; PIB : Produit intérieur brut (anglais : GDP)

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