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Groupe laïcité de l’Union rationaliste

01/07/2005

Qu'est-ce que la laïcité ?

La laïcité est le principe de séparation des Eglises et de l’Etat.
Le Petit Robert en donne la définition suivante : « principe de séparation de la société civile et de la société religieuse, l’Etat n’exerçant aucun pouvoir religieux et les Eglises aucun pouvoir politique. »

La laïcité a été théorisée par Spinoza dans son Traité théologico-politique (1670)[1].

 

[…] C’est ainsi que Spinoza juge « pernicieux, tant pour la Religion que pour l’État, d’accorder aux ministres du culte le droit de décréter quoi que ce soit ou de traiter les affaires de l’État » . On ne saurait être plus clair dans la critique : ce n’est pas la religion, comme telle, que Spinoza ” combat ” , mais l’immixtion de la religion dans la politique. Et la solution qu’il préconise permet de jeter les bases de la laïcité politique : « L’exercice du culte religieux et les formes extérieures de la piété doivent se régler sur la paix et l’utilité de l’État » . Les Églises et l’État doivent être séparés de façon à rendre possibles l’autonomie du politique et la mise en conformité des pratiques religieuses au droit public. La laïcité de l’État se trouve ainsi établie . L’invocation d’une loi religieuse ne saurait être prétexte à contestation de la loi que les hommes se sont librement donnée.
Pierre Hayat, “Laïcité et liberté : la ressource spinoziste“, Les Cahiers Rationalistes, n°577.

Depuis la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat, la France est un Etat laïque ainsi que le rappelle l’article 1er de la Constitution de la Ve République (1958) : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances »[2] tandis que l’article 2 stipule que « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. »
La loi de 1905 est l’aboutissement d’une démarche politique destinée à asseoir durablement dans la société l’œuvre révolutionnaire de dépossession des Eglises de tout pouvoir décisionnaire dans les affaires de l’Etat. La volonté d’obtenir l’accord du plus grand nombre a prévalu sur la fidélité aux principes de la ligne révolutionnaire la plus radicale [3].

 

[…] La loi de séparation des Eglises et de l’Etat était adoptée le 9 décembre 1905 par 341 voix contre 233. L’étude en commission avait duré près de deux ans, du 11/03/1903 au 4/03/1905, intégrant de nombreux projets déjà déposés dont celui du député socialiste du Rhône Francis de Pressensé. Le rapporteur Aristide Briand se félicita de ce que « le projet finalement adopté [fût] l’œuvre de la commission tout entière [composée de 17 députés de Gauche et de 16 députés de Droite]… les membres de la minorité collaborant loyalement, avec un zèle persistant et une entière sincérité, avec leurs collègues de la majorité, à la recherche des solutions proposées «. Le débat à la Chambre et au Sénat dura près de 9 mois du 21/03/1905 au 9/12/2005 « au long de discussions parmi les plus riches qu’ait connues le régime parlementaire ».
Pierre Dazord, “Les origines historiques de la loi de 1905“.

[…] Les liens historiques de l’Eglise catholique et de l’État sont si forts et leur valeur symbolique si grande que personne ne s’est indigné que, malgré les compromissions de l’église catholique avec le gouvernement de Vichy, la libération de Paris ait été marquée par un Te Deum à Notre-Dame en présence du Général de Gaulle. Dans un pays fortement marqué de tradition catholique, ce type de compromis est une nécessité politique, sauf à vouloir perpétuer les divisions des guerres de religion, celles justement que la loi de 1905 voulait à l’avenir éviter.
Gérard Fussman, “Laïcité et rationalisme“.

C’est aussi l’occasion d’en finir avec une lutte fratricide qui déchirait la France depuis trois décennies et dont le dernier épisode avait été l’exil des congrégations religieuses [4].

 

La France a gardé en mémoire la loi de juillet 1901, au nom de laquelle sont déposés les statuts d’innombrables associations. Mais ce texte libéral a eu sa ” face sombre ” : son titre III mettait en place une législation sévère à l’encontre des congrégations religieuses, dont la République voulait briser l’influence politique et sociale. Le gouvernement d’Émile Combes, formé en 1902, choisit d’appliquer le texte avec rigueur, avant de faire voter la loi de juillet 1904 qui interdit tout enseignement aux congréganistes. Lorsque la Séparation intervient, il n’y a plus en France, officiellement, de jésuites ni de Frères.
C’est l’heure d’une catastrophe sans précédent pour les congrégations et leurs dizaines de milliers de membres. Les unes demandent une autorisation qui leur est refusée ; d’autres choisissent d’emblée la clandestinité ou encore l’exil. Des centaines de couvents, collèges et écoles, des milliers de religieux et religieuses, et bon nombre de leurs élèves, gagnent les pays limitrophes de la France mais aussi l’ensemble de la Méditerranée, le Canada, les États-Unis, l’Amérique latine et jusqu’au Japon ou l’Australie. Exil planétaire, vécu dans la douleur…
Le Grand exil des congrégations religieuses françaises 1901-1914. Colloque international de Lyon – Université Jean-Moulin-Lyon III – 12-13 juin 2003 – Editions du Cerf. Août 2005, 496 pages.

Ce parti pris de compromis a été suivi par tous les gouvernements qui se sont succédé. A preuve, les entorses au principe de laïcité que sont la non-application aux départements français d’Algérie de la loi de 1905 s’agissant du culte musulman [5]

 

[…] Des débats du Sénat qui approuva la loi par 189 voix contre 102 (06/12/1905), je ne retiendrai que la discussion de l’article 43 (05/12/1905) qui renvoyait la séparation en Algérie et dans les colonies à un règlement d’administration publique. Il apparaît clairement qu’on n’osa pas traiter l’Islam comme les autres religions car on craignait de porter atteinte à ses croyances (sic) et les difficultés qui en résulteraient pour la présence française en Algérie. Le résultat en fut que, jusqu’en 1962, l’Islam fut financé en Algérie ! On avait, ainsi, emprisonné les Algériens dans un statut particulier d’essence communautariste et religieuse dont on vit plus tard les résultats.
Pierre Dazord, “Les origines historiques de la loi de 1905“.

et l’acceptation de la poursuite du régime concordataire de l’Alsace-Moselle après le retour de la province à la France en 1918. Il est vrai que la formule concordataire avait été défendue en 1905 par certains des promoteurs de la loi, comme Combes ou Waldeck-Rousseau, pour la raison qu’il vaut mieux subventionner les Eglises pour pouvoir les contrôler que de leur laisser leur complète indépendance au risque de les voir s’ériger en contre-pouvoir [6].

 

[…] En avril 1905, Jaurès fit à la tribune de la Chambre un discours remarquable, un de ceux qui ont le plus fait pour la réussite de la Séparation. Jaurès pariait sur une évolution de l’Église catholique en France. Il faut saisir ce que représentait alors un tel pari. L’Église était encore celle du Syllabus : nous dirions aujourd’hui intégriste, ou intégraliste comme s’exprime Émile Poulat. Elle était encore très antirépublicaine ; la presse catholique avait même été violemment antisémite pendant l’affaire Dreyfus. Et elle était ultramontaine : Rome avait toujours le dernier mot. Certains députés, et non des moindres, craignaient donc qu’en donnant la liberté à l’Église, la Séparation ne prive les pouvoirs publics des moyens que le concordat leur donnait pour surveiller et contrôler l’appareil ecclésiastique. Jaurès prévoyait au contraire que la liberté aurait pour effet de libérer les catholiques eux-mêmes, de les ouvrir à la pensée moderne, de les réconcilier avec la démocratie. On a pu penser pendant assez longtemps que ce pari serait perdu. Peu à peu il s’est avéré que Jaurès avait vu juste. C’est le même pari qu’il nous faut faire aujourd’hui avec nos musulmans. Il y faudra du temps, de la patience, de l’intelligence, du tact. Dans tout pari il y a un risque. Mais encore une fois, que faire d’autre ?
Jean Boussinesq, “Un rationaliste devant l’islam“.

La position française vis à vis de la laïcité est unique en Europe [7][8].

 

[…] La laïcité française est le produit de quatre siècles d’histoire, et d’histoire sanglante, commençant aux guerres de religion du XVIe siècle, se poursuivant par l’Édit de Nantes et sa révocation, le combat des Lumières, la Révolution française et le refus de la République par l’Église catholique, les lois laïques sur l’école et culminant avec la loi de 1905 portant séparation des Églises et de l’État. Comme on le sait, cet optimum ne dura pas longtemps. Mais même amollie, notre pratique de la laïcité est étrangère à nos voisins européens. Leur histoire n’est pas la nôtre. Les guerres de religion ne s’y sont pas terminées de même façon. Le mouvement des Lumières n’y eut pas l’ampleur qu’il connut en France et les tentatives faites pour y exporter la Révolution Française ne réussirent pas. L’Église dominante, protestante ou catholique, sauf en Italie, ne s’y opposa pas aux institutions de l’État. Elle fut même parfois l’incarnation de la nation, aux Pays-Bas contre les Espagnols, en Pologne contre les Russes et les Allemands, en Autriche contre les Turcs. En Espagne, la lutte contre l’Église catholique fut au moins aussi sanglante qu’en France, mais les Républicains espagnols avaient 150 ans de retard sur la France. Ils furent vaincus et impitoyablement réprimés.
La séparation des Églises et de l’État n’existe ainsi nulle part en Europe, sauf en France, et encore y souffre-t-elle beaucoup d’accommodements.
Gérard Fussman, “De l’Europe et de la laïcité“.

L’Union rationaliste a fait de la laïcité un de ses principaux combats, la considérant comme indispensable à la liberté de la pensée et au plein exercice de la raison.

  1. Pierre Hayat, “Laïcité et liberté : la ressource spinoziste“, Les Cahiers Rationalistes, n°577.[↑]
  2. La Constitution de la Ve République est consultable sur http://www.conseil-constitutionnel.fr/[↑]
  3. Pierre Dazord, “Les origines historiques de la loi de 1905“.[↑]
  4. Le Grand exil des congrégations religieuses françaises 1901-1914. Colloque international de Lyon – Université Jean-Moulin-Lyon III – 12-13 juin 2003 – Editions du Cerf. Août 2005, 496 pages.[↑]
  5. P. Dazord. Ibid.[↑]
  6. Jean Boussinesq, “Un rationaliste devant l’islam“, Les Cahiers Rationalistes, juin 1998, n° 526[↑]
  7. Benoît Mély. De la séparation des Églises et de l’école, mise en perspective historique (Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie). Editions Page deux, Cahiers Libres (Suisse), en vente au siège de l’UR.[↑]
  8. Gérard Fussman, “De l’Europe et de la laïcité“.[↑]

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