Les champs d’application de la « raison » ont évolué au fil du temps, non sans tension dans les milieux rationalistes comme l’analyse le sociologue Sylvain Laurens dans Militer pour la science : les mouvements rationalistes en France (1930-2015) (Éditions de l’ HESS, 2019)[1].

Les valeurs du rationalisme ont vocation à être portées dans la sphère politique et alimenter les débats sur la base de la démarche scientifique. Dans l’histoire des idées en France, ces valeurs ont toujours été défendues par les divers courants de la gauche. Rappelons que l’UR a été fondée par des Dreyfusards antifascistes.

Or aujourd’hui la « raison » est invoquée partout dans les médias, convoquée par tous, à gauche comme à droite, et érigée en gardienne des valeurs du rationnel, voire de la laïcité. Pour la droite, y compris extrême, la « raison » comme la laïcité est nettement mise en avant comme rempart contre l’obscurantisme.

Dans le débat sur l’écologie et la préservation de l’environnement, c’est la réponse technique qui est désormais privilégiée par les politiques. Pourtant notre jeunesse se mobilise et semble prendre de la hauteur en exigeant une analyse des causes et des propositions – pour agir plus efficacement et plus vite – pointant du doigt les excès d’une croissance peu scrupuleuse.

Dans son article du Monde du 10 -12-2021, Stéphane Foucart souligne, sans naïveté, comment « la raison est devenue de manière univoque une raison gestionnaire et technique ».  Oubliée le rationalisme qui remet en question le capitalisme et ses dérives ? Et de s’interroger : comment, paradoxalement, la gauche s’est-elle fait ravir l’idée de « raison » ?

https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/12/09/environnement-comment-la-gauche-s-est-fait-ravir-l-idee-de-raison_6105266_3232.html

[1] Voir aussi l’entretien d’Emmanuelle Huisman Perrin avec Sylvain Laurens…