
Le bureau de l’UR
Union rationaliste
23/05/2005
Retour du délit de blasphème
L’Union Rationaliste n’aime pas les provocations. Elles n’aboutissent souvent qu’à permettre aux plus extrémistes d’opérer autour d’eux, au nom de la défense des « valeurs », de larges rassemblements. La profanation du Coran par des militaires américains a donné l’occasion, partout dans le monde, aux musulmans les plus fanatiques, de se présenter en seuls défenseurs de l’Islam. Brûler un drapeau américain est une image que les télévisions adorent, mais qui jette dans les bras de la droite américaine des gens normalement plus modérés.
Le droit à la critique, y compris par le ridicule, est tout autre chose. C’est une grande conquête républicaine. Il est de plus en plus menacé. Le rappel à l’ordre des « Guignols » après un sketch sur le passé de Benoît XVI et le blâme encouru par L. Chagnon pour avoir évoqué la vie de Mohammad en employant des mots de tous les jours sont, on le sent bien, non pas des rappels à l’ordre et à la bienséance, mais des tentatives d’étouffer une critique des croyances et des autorités religieuses qui s’appuie sur des faits réels. L’interdiction faite à la Société Volkswagen, par un tribunal français, d’utiliser une reproduction détournée de La Cène pour vanter les mérites de ses produits va bien au-delà : c’est une reconnaissance non pas de la sensibilité des catholiques français, qui ne semblent guère avoir été émus par cette publicité, mais du caractère sacré de la personne de Jésus et de ce qui est censé avoir été son dernier repas avec les Apôtres. Ce ne sont pas des choses dont on a droit de se moquer, Monsieur !
L’Église catholique n’a jamais reproché à Offenbach de s’être moqué de Vénus et de Zeus. Mais, bientôt l’on ne pourra, sans risque judiciaire, plaisanter sur la virginité de Marie et la crédulité de Joseph. Il sera interdit d’utiliser un tableau de la Nativité pour une publicité Prénatal, une image de l’Annonciation pour les téléphones portables. Il faudra aussi jeter au feu les tableaux de Dali, entre autres. Depuis quelques années ainsi, au nom du respect pour autrui, la société française s’oriente vers la sacralisation des croyances religieuses et nationalistes : dire du mal de la charia est être islamophobe, dénoncer la colonisation israélienne de la Palestine est être antisémite. Il faut stopper cette dérive.
On connaît la conséquence extrême du délit de blasphème : le supplice du Chevalier de La Barre. En terre d’islam, le supposé blasphème est toujours puni de mort : Salman Rushdie a beaucoup de chances d’être encore vivant, mais il a dû vivre caché et protégé pendant des années. Hier, deux bombes ont éclaté dans un cinéma de Delhi où était projeté un film jugé blasphématoire par les extrémistes sikhs. Des catholiques français avaient fait de même, il y a quelques années, dans un cinéma du Boulevard Saint-Michel qui passait un film de Martin Scorsese “La dernière tentation du Christ” . Nous ne voulons pas de cela, nous ne voulons plus de cela ni en France, ni en Europe, ni dans le monde. La droit à la critique des religions, des nationalismes, des hommes politiques et des symboles est une des libertés fondamentales durement acquises par les Républicains. Nous ne pouvons tolérer qu’il soit remis en cause au nom du respect de croyances, d’institutions, de personnages réels ou imaginaires que beaucoup de gens considèrent comme très peu respectables. Nous trouvons normal que ceux qui les tiennent pour respectables le pensent, le disent et cherchent à le démontrer. Qu’ils nous permettent et de penser le contraire, et de dire le contraire, et de démontrer le contraire sous les formes que nous choisirons.
C’est pour cela que l’Appel lancé par la Libre Pensée et l’Union des Athées nous semble le bienvenu. Il faut défendre la liberté d’opinion et d’expression. L’intolérance n’est pas le fait des laïques et des rationalistes. Ne laissons pas le champ libre aux fanatiques et aux extrémistes de tous bords.
Le 23 mai 2005
Le bureau de l’UR
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