Depuis l’assassinat de la jeune étudiante Mahas Amini par la police des mœurs de Téhéran pour avoir porté un foulard islamique de manière inadaptée, les manifestations se poursuivent depuis plus d’un mois et gagnent en ampleur dans de plus en plus de villes en Iran. Les femmes sont au premier rang dans les rues, elles ne tolèrent plus les contraintes d’un autre âge imposées à leur corps et à leur vie par le régime patriarcal auquel elles sont assujetties. La répression est massive et féroce, les morts se comptent par centaines, mais le courage hors du commun des foules en colère dans les rues ne faiblit pas.  

Leur combat redonne d’abord espoir à toutes celles qui subissent le joug des régimes patriarcaux et religieux de par le monde. Il est sans patrie ni frontières. Notons au passage qu’il remet à l’heure les pendules du féminisme à l’occidentale, qui certes a bien une place importante à tenir, mais que certaines franges du mouvement tendent à réduire à l’invisibilité par une division stérile entre les femmes « blanches impérialistes » et les autres. Les Iraniennes se découvrent la tête et arrachent au péril de leur vie des vêtements signifiant leur soumission. Elles expriment au nom des droits humains leur exigence de liberté pour tout ce qui concerne leur propre corps, contre les mariages précoces imposés et plus généralement contre tout ce qui s’oppose à leur choix de vie. Elles affichent pour elles-mêmes, pour les femmes vivant dans les pays dominés par l’intégrisme islamique, mais aussi pour nous, des valeurs humanistes qui sont universelles et que tous les rationalistes se doivent de défendre.

Les femmes ne sont pas seules à occuper le pavé en Iran et à s’exposer aux balles de la police : beaucoup d’hommes les rejoignent et diverses catégories sociales descendent dans les rues avec elles. Une population jeune manifeste globalement sa détestation du gouvernement ultra-conservateur qui confisque les trois pouvoirs -exécutif, législatif et judiciaire – et interdit la liberté d’expression. C’est aujourd’hui de changement de régime qu’il semble bien être question en Iran. Une menace potentielle de contagion pour les autres pays où règne la dictature. Dans sa politique extérieure le pays des mollahs affiche sa solidarité et apporte une aide concrète aux pires régimes. Par exemple il fournit des drones à la Russie qui les emploie pour tenter d’anéantir les villes ukrainiennes sous les bombes et terroriser les populations civiles. Le soutien international et notre solidarité doivent sans faiblir continuer de s’afficher avec des populations qui font l’expérience de la terreur et qui résistent, aussi bien en Ukraine contre les prétentions impérialistes de Poutine qu’en Iran contre la tyrannie des autorités islamiques.  Ces combats sont menés au titre de la liberté contre des adversaires cyniques prêts à tout pour se maintenir au pouvoir au point d’en perdre le sens de la raison. 

L’Union rationaliste s’inquiète du rôle croissant des religions dans l’émergence ou la consolidation de régimes autoritaires, de l’Arabie saoudite wahabite à la Russie poutinienne orthodoxe, du Brésil aux États-Unis sous influence évangéliste, et jusqu’à l’Italie où la première ministre d’extrême droite se proclame très catholique. Les racines des dictatures plongent dans les colères liées à la dégradation de l’économie et du niveau de vie, tandis que la rétraction identitaire fait appel à un passé glorieux, fantasmé et uni par des croyances religieuses communes. Tout sert l’allégeance à des chefs dont l’onction religieuse remplace le charisme de leurs prédécesseurs fascistes au 20^ème siècle.  

L’histoire aujourd’hui tragique du peuple iranien est riche d’enseignement : comment le grand peuple de la très ancienne culture persane a-t-il pu laisser s’installer aussi longtemps une dictature au nom d’une interprétation dévoyée de l’Islam sur les terres du grand poète Hafez ?  Et ceci en se réclamant d’une religion d’État anachronique dépassée par la modernité actuelle de la population ? C’est une leçon pour nos pays occidentaux où l’extrême droite est aux portes du pouvoir, avec des partis qui arrivent masqués dans nos systèmes démocratiques mais qui seront, tout comme en Iran, bien difficiles à chasser à partir du moment où ils auront pris le pouvoir.

C’est pourquoi le mot d’ordre de l’Union rationaliste est à la résistance : il ne faut rien lâcher !

Michèle Leduc, pour le bureau de l’UR