Michèle Leduc

Responsable du site Web de l’Union rationaliste 

20/12/2024

Trump président ou Comment meurent les démocraties

Une grande inquiétude a saisi toutes les démocraties du monde lorsqu’ a été annoncée la seconde victoire de Donald Trump aux élections présidentielles de novembre 2025. Un président suprémaciste, masculiniste, d’extrême droite, qui nie le dérèglement climatique…rien de bon aloi ; mais surtout la majorité des électeurs américains n’ont pas hésité à réélire un président qui avait osé s’attaquer aux normes de la constitution américaine en orchestrant la violence au Capitole le 6 janvier 2021 pour invalider les résultats des élections, sans oublier le détournement de documents de haute sécurité d’État. Quand les règles du jeu des principes constitutionnels ne sont plus respectées s’installe une menace existentielle sur la démocratie. Cette victoire nous concerne tous à bien des égards.  

D’abord elle confirme que nous sommes entrés dans un grand désordre informationnel. Trump, qui qualifie les journalistes d’ennemis du peuple, a fait de la violence langagière et des mensonges son carburant politique. Mais désordre ne signifie pas chaos, bien au contraire : il a construit un discours contradictoire systématique et efficace pour décourager la pensée rationnelle, ne laissant place qu’à la haine et à l’indignation. Dans ses bagages il a entraîné Elon Musk, patron des satellites Starlink et de Tesla, l’homme le plus riche du monde et de l’histoire, qui a fait pour lui une campagne de propagande faisant feu de tout bois à travers sa plateforme X (ex-twitter)[1] ; et voici qu’il vient de le nommer à la tête d’un ministère de l’« efficacité gouvernementale » !. Musk se croit donc maintenant tout permis à l’échelle de la planète :il s’immisce dans la campagne électorale allemande en qualifiant l’Alternative für Deutschland (AfD), un parti d’extrême droite, de “sauveur du pays”.  La majorité des citoyens vivent à l’heure de la toute-puissance des réseaux sociaux et de leurs algorithmes, dont une fraction gravite hors sol dans le champ des thèmes complotistes. Et le monde de l’argent orchestre la désinformation, comme on le voit aux Etats-Unis avec Elon Musk mais aussi en France où le milliardaire Vincent Bolloré étend son empire médiatique. On assiste à la concentration des médias[2] et à leur dérive vers l’extrême droite (voir Fox News aux Etats-Unis ou Cnews en France). Et la fatigue informationnelle nous gagne, face à l’immédiateté et à la difficulté de distinguer le vrai du faux. Comme l’analysait déjà Hannah Arendt « ce qui rend possible un État totalitaire ou une dictature, c’est que les gens ne sont pas informés […]. Si tout le monde vous ment en permanence, la conséquence n’est pas que vous croyez aux mensonges mais plutôt que personne ne croit plus en rien »[3]. 

Ensuite il est troublant de constater qu’Elon Musk est suivi par les géants de l’industrie de la tech californienne qui se rallient à l’idéologie d’extrême droite pour faire advenir un monde orwellien. On pourrait pourtant attendre des grands scientifiques de notre temps un redressement de la vérité des faits : la cyberguerre n’est pas la paix, le traçage des individus n’est pas la liberté… La victoire de Trump marque la perte d’influence en politique des experts qui ont une connaissance réelle de la vérité des faits, comme l’atteste le choix du conseiller scientifique de la Maison Blanche qui a pris notoirement pendant le Covid des positions à rebours des connaissances de la science. Les climatodénialistes utilisent partout des stratégies de contournement pour étendre leur influence[4]. Quand les vrais enjeux sont escamotés, il y a un renversement des valeurs d’autant plus difficile à combattre que les citoyens oublient ce que pourtant ils savent (par exemple que le climat se réchauffe dramatiquement). Sans le garde-fou des arguments rationnels, les régimes démocratiques ne sont plus protégés contre une dérive autoritaire susceptible d’entraîner les indécis et les plus désabusés.

Les démocraties sont fragiles et peuvent mourir dès que leurs principes fondamentaux sont attaqués. Leur vitalité repose certes sur les partis politiques qui les font vivre tant qu’ils résistent au populisme et à l’intimidation comme levier politique[5] ; elle dépend aussi de la capacité des citoyens à s’investir dans les corps intermédiaires (syndicats, associations comme l’UR, la Ligue des Droits de l’Homme, Amnesty International et bien d ‘autres) pour remettre les faits au centre du débat politique. La réélection de Donald Trump devrait donner à réfléchir aux Français quand ils retourneront aux urnes.

Michèle LEDUC pour le bureau de l’UR

[i]Notons que beaucoup de scientifiques et certains médias tel Mediapart viennent de quitter le réseau social X.

[ii]En France Arcom vient d’évincer deux chaînes de télévision C8 et ERJ12 du bouquet des fréquences de la TNT.

[iii]Hannah Arendt en 1974 dans une interview à la New York Review of Books.

[iv]Voir David Chavalarias, auteur du rapport “les nouveaux fronts du dénialisme et du climato-scepticisme ». 

[v]Voir Damien Larrouvé « menace sur la démocratie » dans la vie des idées.

 

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