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Yves Lévi

Professeur honoraire, Faculté de pharmacie, Université Paris Saclay

Robert Barouki

Professeur des universités, praticien hospitalier, Université Paris Cité, Directeur de l’institut thématique santé publique de l’Inserm

23/07/2024

Pression de la pollution anthropique chimique sur la planète :
Une structure internationale pour informer et agir

Yves Lévi, professeur honoraire, Faculté de pharmacie, Université Paris Saclay
yves.levi@universite-paris-saclay.fr

Robert Barouki, professeur des universités, praticien hospitalier, Université Paris Cité, Directeur de l’institut thématique santé publique de l’Inserm,
robert.barouki@inserm.fr

 (À la mémoire de Jacques Haïssinski 1935-2024)

        Introduction

Les pressions sur la planète, résultant des activités humaines, se sont considérablement amplifiées depuis le XIXe siècle, avec une accélération depuis les années 1940. Les conséquences sont impressionnantes dans leurs aspects positifs mais également négatifs. Positifs car, dans les pays les plus riches, l’espérance de vie des humains et leur espérance de vie en bonne santé n’ont cessé d’augmenter, et les systèmes de vie (habitats, transports, loisirs, travail…) se sont considérablement améliorés. La recherche et l’innovation ont généré des éléments extraordinairement importants (informatique, communications, transports, santé, énergie, production alimentaire…). Négatifs, car ces évolutions ne se sont pas accompagnées par une véritable prise en compte de leurs impacts planétaires et humains à long terme. En effet, la contrepartie de ces progrès se traduit notamment par une augmentation des inégalités, une dégradation sévère de l’état de l’environnement, le changement climatique et ses conséquences désastreuses, un bouleversement de l’occupation des sols, une démographie considérable, une diminution de la biodiversité.

Décrites et prédites depuis les années 60, les dégradations majeures de l’environnement liées aux pressions anthropiques sont aujourd’hui clairement caractérisées. Ces pressions et leurs effets sont intriqués et constituent un ensemble complexe. Par exemple, le changement climatique induit une réduction des débits des eaux superficielles en été avec une augmentation des concentrations en contaminants, l’imperméabilisation des sols augmente les ruissellements polluants, le poids de la démographie augmente les masses de déchets, la production agricole en conditions fragiles sollicite l’usage de grande masses de pesticides… Malheureusement, les situations qualifiées de « complexes », induisent, sauf pour les scientifiques, des sentiments de défiance mais également de fatalisme ou de besoin de procrastination, et s’accompagnent souvent d’absence de responsabilité, de difficultés à changer les habitudes et de retards dans la prise de conscience collective.

Ainsi, si notre propos se concentre sur les problèmes liés à la multi-pollution chimique, il ne doit pas pour autant faire oublier les autres grands enjeux qui lui sont associés et ne pas contribuer à les cloisonner. En complément, évoquer les risques de ces pollutions chimiques pour la santé humaine ne doit se concevoir qu’en développant un propos intégratif de la santé du vivant dans sa globalité au sein de cet ensemble, aujourd’hui réuni dans le concept « Une seule santé » : santé de l’environnement, santé animale et santé humaine inter-connectées et inter-dépendantes [1]. Considérer les défis sur la base d’un anthropocentrisme affirmé déforme les visions et empêche de prendre conscience de la réalité des problèmes, de leur globalité et de générer les meilleures solutions.

        La chimie est aussi la vie

Avant d’évoquer les grands enjeux de la pollution chimique, il est indispensable de rappeler, s’il en était besoin, que la chimie est la base même de la matière et notamment du vivant dans sa structure et pour son fonctionnement. Le mot « chimie » qui diffusait, jusque dans les années 1970, des messages importants, reconnus et justifiés de progrès, d’innovation, de modernité et d’espoirs, est aujourd’hui très souvent associé, dans l’opinion publique, à une appréciation négative. En particulier, les grands épisodes de catastrophes industrielles (mercure à Minamata au Japon, dioxine à Seveso, isocyanate de méthyle à Bhopal…), les accumulations visibles de déchets solides et notamment les plastiques, la contamination largement révélée et décrite des aliments et de certaines eaux, les attaques constatées contre la biodiversité, la prise de conscience des liens entre les pollutions et des maladies, ont focalisé les attentions sur les aspects négatifs. Ainsi, le rôle d’importance majeure de la chimie dans le développement de nouveaux médicaments, de matériaux de très grands intérêts, de procédés de dépollution, de systèmes de production et de stockage de l’énergie, d’outils de communication… est moins bien perçu, alors que la contribution est considérable pour l’amélioration de la santé dans toutes ses composantes physique, mentale et sociale.

Au sein des grands débats qui opposent les conséquences de la production chimique et ses bénéfices, il est donc impératif d’objectiver les rapports bénéfice-risques de chaque élément, considéré dans un ensemble cohérent au sein duquel l’objectif de la protection du vivant doit être le facteur clef. Ces évaluations doivent aussi impérativement intégrer et prendre en compte toutes les nuisances liées à la fin de vie des produits jusqu’à l’obtention de déchets ultimes.

        La chimie est aussi facteur de risques

Depuis toujours, l’humain a su constater que des éléments constitutifs de la nature lui étaient contraires sous forme de poisons aux effets souvent redoutables. Certains de ces poisons minéraux et organiques ont, par ailleurs, su être parfois intelligemment utilisés pour les transformer en médicaments. Il a également progressivement compris l’importance de structurer l’architecture de ses premiers villages et bourgs sur la base d’une logique d’éloignement et d’élimination de ses déchets et de ses nuisances le plus loin possible du lieu de vie, en utilisant notamment les flux de l’eau ou les vents. Malheureusement cela s’est développé sans se préoccuper du devenir et des impacts sur l’aval. Fermenter les déchets biologiques pour en faire des engrais et éloigner les indésirables dans les eaux, les enfouir dans les sols et diffuser les gaz dans l’air étaient, et restent encore sur une large partie de la planète, les méthodes de choix pour une hygiène des communautés et les productions industrielles et agricoles.

La croissance démographique mondiale et le développement considérable des activités industrielles, urbaines et agricoles, des échanges commerciaux et des moyens de transport ont rapproché les groupes d’humains, densifiés les populations, bouleversé les occupations de l’espace. Ainsi, les déchets toxiques et leurs conséquences, autrefois repoussés hors du champ de vision des communautés, sont devenus présents et perceptibles dans le quotidien des mêmes communautés ou d’autres populations. 

Parallèlement, la perte de la biodiversité non humaine, végétale et animale, est elle-aussi devenue visible, donc préoccupante, et les populations se rendent compte des signaux négatifs évidents dans la transposition de cette alerte pour la santé humaine [2].

Malheureusement, même si les études, les réglementations et les prises de conscience s’amplifient, ces inquiétudes ne sont pas encore assez puissantes, ou assez hiérarchisées dans les priorités, pour que l’humain sache procéder à une évolution significative, voire révolutionnaire, dans ses rapports aux produits de la chimie avec une logique de développement durable.

        Les progrès de la connaissance

Si l’innovation en chimie a permis de générer des composés, des produits, des matériaux de très grande qualité et de grande importance dans tous les domaines des activités humaines, les progrès de la chimie analytique, depuis les années 1980, ont conduit à révéler un nombre considérable de polluants dans les environnements. Par exemple, les techniques de couplage de chromatographies à la spectrométrie de masse permettent d’identifier et de quantifier des traces infimes de molécules dans des matrices extrêmement complexes comme des eaux d’égout, des aliments ou des échantillons biologiques. Malgré cela, une part encore significative des composés chimiques générés par l’Homme, et de leurs produits de dégradation dans l’environnement, reste inconnue parce que non recherchée ou encore non accessible. L’identification de très nombreux contaminants et la quantification de leurs concentrations a permis de publier des cartographies de certaines pollutions organiques et minérales, avec des suivis temporels, et également de constater l’imprégnation de populations exposées [3]. Ces données nombreuses confirment chaque jour la diffusion planétaire de nombreux polluants et notamment ceux dont la structure les rend très persistants ou bioaccumulables dans les organismes. Ces niveaux de connaissances sont, bien entendu, extrêmement hétérogènes selon les pays en fonction de leurs moyens économiques ou de leur volonté politique de transparence.      

Parallèlement, la toxicologie a su, depuis les années 1970s, développer des voies de connaissance notamment sur les mécanismes cellulaires des toxicités, les interactions avec le génome, les perturbations hormonales, les troubles cognitifs. Des méthodes biologiques nouvelles d’évaluation des effets (bioessais) ont été développées in vivo et in vitro permettant de caractériser et quantifier les conséquences d’un toxique sur une cellule, un tissu, un organe ou un organisme. Ces méthodes rapides, peu onéreuses favorisent le développement des recherches et des surveillances de la qualité de l’environnement. Elles constituent également une voie importante d’étude des mélanges de plusieurs toxiques en conditions comparables à leur état de présence dans les environnements. La prédiction des effets toxiques progresse également grâce au développement de programmes informatiques constituant les méthodes dites in silico. L’épidémiologie, qui étudie les évolutions des maladies dans les populations, cherche à en identifier les origines et en mesurer les conséquences a su, notamment grâce au suivi de la santé au travail et à de grandes cohortes en population générale, révéler des associations entre des contaminants chimiques et des troubles de la santé.

De grands épisodes de crise ont révélé au plus grand nombre les liens pouvant être critiques entre les expositions à des pollutions chimiques et la santé publique ou la dégradation de la vie animale. Parmi les nombreux exemples, citons la mortalité et la morbidité liées aux épisodes de pollution atmosphérique des grandes villes [4], la contamination par le plomb (peintures, canalisations d’eaux…) et ses effets sur le développement intellectuel des enfants comme sur le système cardiovasculaire [5], l’amiante et le cancer de la plèvre et du poumon, des cancers liés à des pesticides [6], des perturbations endocriniennes provoquées par de nombreux produits différents (plastifiants, pesticides, résidus de détergents, retardateurs de flamme, imperméabilisants fluorés…) induisant des troubles de la reproduction, du développement, des cancers et des maladies chroniques… [7]                 

La liste impressionnante des contaminants des compartiments de l’environnement, la plupart du temps présents en mélanges, est liée à tous les évènements quotidiens d’exposition du vivant, ce qui constitue l’exposome chimique. C’est cet exposome complexe, pour les populations mais aussi individuel, qui est à l’origine d’une partie significative des troubles de santé et de leurs conséquences [8].

Les expositions se produisent pendant la grossesse, lors du développement de l’enfant puis lors de toutes les activités de l’adulte. Elles sont associées aux lieux fréquentés (domicile, travail, transports…) ainsi qu’aux comportements (tabagisme, cannabisme, alimentation…). De grands progrès ont également été réalisés pour le développement de l’évaluation quantitative des risques, facteur indispensable pour guider les décisions et éclairer les citoyens. Car il ne suffit pas de constater la présence d’une pollution ou celle d’une imprégnation dans le corps des individus pour un déduire le risque sanitaire. Pour les toxiques à effet de seuil, il peut n’apparaitre aucun risque en dessous d’une certaine concentration ou d’un niveau d’exposition. Il faut donc impérativement calculer les risques de la manière la plus objective possible en intégrant les données fiables de la toxicologie (lorsqu’elles existent), la mesure des expositions pour les effets jugés critiques et les populations considérées comme les plus sensibles. Notons cependant que s’il est possible de calculer les risques liés à un contaminant chimique, il est beaucoup plus difficile de le faire pour des mélanges complexes de contaminants. Ces évaluations de risque demeurent pour l’instant assez partielles.

C’est ensuite en expliquant, dans la plus grande transparence, les modes de calculs et les choix réalisés pour la quantification des risques qu’il devient possible de convaincre les citoyens que, dans la limite des connaissances du moment, tout a été fait pour protéger leur santé, même en présence de faibles traces de polluant dont les effets sont à première vue non significatifs. Le dialogue science-société en général, mais aussi entre les évaluateurs de risques et les acteurs de la société, est ainsi indispensable pour parfaitement expliquer la différence entre la présence d’un danger (le polluant ou le mélange de polluants) et le risque en tant que probabilité de l’apparition d’un effet contraire à la santé.

Il est donc maintenant clairement identifié qu’une part certaine des troubles de santé est liée aux expositions aux contaminants chimiques par ingestion, inhalation ou contact cutané. Cette connaissance, largement confirmée au niveau mondial, induit donc une nécessité absolue d’agir pour réduire les risques.

Toutefois, certains éléments rendent malheureusement difficile la capacité à convaincre :

  • Sauf cas particuliers, les liens entre les pollutions des environnements et les maladies sont faiblement perçus par les citoyens, car les délais sont souvent très longs entre les deux évènements. Les jeunes doivent intégrer dans leurs comportements et leurs pratiques de prévention des notions de maladies qui peuvent apparaitre plusieurs dizaines d’années plus tard. Ceci rend souvent la prévention difficile et renforce à la fois les doutes entre les affirmations des scientifiques et celles de leurs détracteurs, mais aussi le manque de confiance voire la suspicion envers les actions des autorités.
  • Les dangers sont, excepté pour des fortes pollutions atmosphériques, généralement non perceptibles au quotidien par les citoyens ce qui exige de leur part de savoir se protéger d’éléments qu’ils ne peuvent percevoir. Ceci favorise également les démarches trompeuses qui, pour des raisons politiques, commerciales ou de manipulation des esprits diffusent de fausses informations qui nient les risques ou les accentuent à l’extrême.
  • Les réductions des émissions de polluants dans l’environnement, la surveillance des contaminations, l’innovation dans la conception de produits sains et la destruction sans risques des déchets sont coûteuses et sont niées ou opposées à des argumentaires de délocalisation, de réduction des emplois, d’indépendance économique.   

        Agir vite et efficacement pour la prévention en santé et la protection de la biodiversité

Les défis sont donc majeurs et complexes car il s’agit d’œuvrer pour réduire les effets néfastes d’une pollution chimique massive, planétaire, sans pour autant réduire les avantages importants que des produits chimiques peuvent également apporter pour protéger et guérir. Il s’agit de développer une conscience collective pour la prévention en santé mais qui sache également intégrer la défense de la part du vivant qui subit le choc de nos déchets et ne peut s’exprimer (vie animale, vie végétale, microorganismes…) et dont la présence est aussi une composante fondamentale de la vie humaine.

Il importe de faire prendre conscience de la grande diversité d’éléments chimiques, souvent issus de la chimie de synthèse, qui figurent dans les exposomes et de conduire les décideurs et les citoyens vers des démarches positives de réduction des risques. Cette prise de conscience passe indiscutablement par l’information et la formation du plus grand nombre envers toute la connaissance déjà acquise en termes de présence des dangers, de leurs sources, de leurs natures, de leurs effets et des différentes voies de prévention possibles à mettre en œuvre à court et moyen termes. Cette information doit impérativement être compréhensible, objective et indépendante car trop d’intérêts se confrontent, et les citoyens peinent à identifier les éléments clefs de confiance. Par exemple, la Fondation de l’Académie de médecine diffuse en accès libre un Livre Blanc sur les enjeux en santé de la pollution chimique de l’environnement accompagné d’un glossaire pour favoriser la meilleure compréhension par tous [9].

Il importe également d’amplifier les actions de réduction des risques. Des progressions importantes de gestion ont été réalisées au cours des dernières décennies, mais elles restent encore trop sous-dimensionnées au regard de l’ampleur et l’étendue du problème. Citons, malgré leurs limites, le règlement Reach européen limitant la mise sur le marché de produits à risques avérés [10], les programmes nationaux santé-environnement en Europe [11], les directives européennes sur la qualité de l’air, des eaux…

L’humanité a su agir vite pour interdire les usages de gaz détruisant la couche d’ozone. Malgré les risques avérés pour la santé, les actions ont été beaucoup moins rapides pour interdire le plomb dans l’essence, les applications et usages de l’amiante, les pesticides aux effets les plus indésirables. Il est logique que les débats de société et les choix des décideurs, différents selon les pays, soient largement influencés par le poids des contraintes économiques, les chiffres de l’emploi, les pressions des lobbyistes, les soucis de délocalisation… Le cas des nitrates liés aux  usages agricoles et à l’élevage, par exemple dans l’ouest de la France, est exemplaire car, depuis 40 ans, les impacts ont été largement décrits : saturation des sols, lessivage avec la pollution des ressources en eaux induisant l’eutrophisation (perte de capacité d’oxygénation des masses d’eau), l’appauvrissement de la biodiversité, l’envahissement des côtes par des algues vertes émettant du gaz sulfuré, le coût important de la construction d’usines de dépollution pour la production d’eau de consommation humaine. Et pourtant, depuis tant d’années, malgré tous ces éléments connus, décrits et modélisés, les condamnations de l’Union européenne, la parfaite connaissance des causes des dangers et des risques, la situation ne s’est guère arrangée. D’autres exemples de ces retards peuvent être décrits concernant la pollution par les particules fines, la réduction des usages de pesticides, les plastiques et leurs plastifiants…   

Une meilleure réactivité et une politique de gestion beaucoup plus efficace et rapide sont indispensables pour résoudre la situation très préoccupante de la multi-pollution par des plastifiants (phtalates, bisphenols…), des molécules perfluorés (Pfas), des polybromés (retardateurs de flamme), des résidus de médicaments, des pesticides… et tous leurs produits de dégradations toxiques largement observés et quantifiés dans nos environnements et les objets du quotidien.

La recherche doit également être amplifiée et mieux soutenue avec un niveau d’investissement supérieur, proportionnel à l’importance que joue la pollution chimique sur la santé des citoyens. Des programmes européens existent et notamment ceux portant sur l’exposome [12]. Au niveau national, des initiatives sont soutenues ayant permis une véritable progression des prises de conscience depuis les 15 dernières années mais l’ambition et l’efficacité restent trop inférieures au regard des besoins. Au cours de cette période, les programmes de surveillance de la qualité de l’environnement et des eaux de consommation humaine et les études épidémiologiques ont révélé un grand nombre de nouvelles familles de polluants préoccupants et ayant des effets perceptibles sur la santé. Cette augmentation du nombre de dangers identifiés exige une accélération des programmes de recherche.

        Un « GIEC de la pollution chimique »

Parce qu’il faut impérativement progresser plus rapidement, que les données scientifiques confirment l’étendue mondiale des enjeux de santé et d’écologie, que les hétérogénéités régionales et nationales sont importantes, il faut développer l’information, prédire les évolutions, décrire les progrès et les retards, aider les décideurs à prendre les bonnes voies de gestion. À l’image de l’importance prise par les travaux du GIEC pour l’humanité sur l’autre pression anthropique majeure qu’est celle des émissions de gaz à effet de serre et les impacts sur le climat, il faut une instance du même type qui se consacre à la pression chimique.

C’est pour cela que des experts recommandent depuis quelques années la création d’une instance internationale scientifique ayant pour fonction de diffuser et d’actualiser périodiquement un rapport mondial sur la diversité des pollutions chimiques dans les compartiments de l’environnement et dans les aliments, les principales sources connues, les concentrations rencontrées et leurs évolutions et les moyens de gestion les plus reconnus [13]. Un tel document, régulièrement mis à jour, aux données factuelles indiscutables est l’outil indispensable permettant aux décideurs de tous les pays et les citoyens de prendre connaissance des situations, des risques, de les comparer et de suivre avec précision les évolutions positives ou négatives. 

La 5e session de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement (UNEA 5-2) a ainsi suggéré, en 2022, la création d’un « groupe scientifique et politique » qui devrait entreprendre une « analyse prospective », procéder à des évaluations des problèmes actuels et identifier des solution en particulier pour les pays en développement, fournir des informations actualisées et pertinentes, identifier les principales lacunes de la recherche scientifique, encourager et soutenir la communication entre scientifiques et décideurs politiques, expliquer et diffuser les résultats à différents publics et sensibiliser le public et faciliter le partage d’informations [14]. La France s’enrichirait à soutenir et agir pour en accélérer la constitution et veiller à ce qu’elle réponde aux exigences d’urgence et de transparence.

        Conclusion

La multipollution chimique résultant des activités humaines est une pression majeure sur la planète et sa biodiversité. Son étendue et sa diversité se sont révélées massives grâce aux progrès récents de la chimie analytique. Les effets sanitaires et écotoxiques se révèlent massifs grâce aux progrès de la toxicologie, aux bioessais et aux études épidémiologiques.

L’humanité doit considérer cette pression anthropique et ses effets au niveau majeur qui les concernent et développer les actions indispensables pour en réduire les risques. Ces actions doivent s’inscrire dans une démarche d’information et de formation permettant de favoriser la compréhension des aspects positifs de la gestion à mettre en œuvre.                

Pour un véritable progrès, il faut :

  • Renforcer la connaissance dans tous les domaines associés autour de ces enjeux : la quantification des expositions à tous les polluants classiques et émergents dans tous les compartiments (air, air intérieur, eaux, sols, aliments…), la hiérarchisation des sources d’exposition pour chaque type de polluant, la caractérisation toxicologique des produits de dégradation des polluants présents dans l’environnement, la toxicologie des mélanges, l’épidémiologie en santé environnementale. Il s’agit donc d’investir d’une manière plus significative à la hauteur indispensable pour augmenter rapidement la connaissance de l’exposome du vivant.
  • Accélérer la hiérarchisation, dans les principales classes de composés chimiques, des composés indésirables, identifier les usages, développer des substitutions et réduire les sources de pollution.
  • Développer les mesures préventives de réduction des émissions et renforcer les dispositifs de contrôles en adaptant les paramètres surveillés.
  • Soutenir une recherche innovante dans le champ de la dépollution, du cycle de vie des produits que nous utilisons.
  • Informer et former pour renforcer la confiance. L’éducation à la prévention en santé doit figurer à l’école en intégrant les notions de santé environnementale et, dans l’enseignement supérieur ces éléments doivent figurer en particulier dans les formations des ingénieurs et des professionnels de santé.
  • Soutenir et favoriser le développement urgent d’une instance internationale d’expertise consacrée à l’objectivation de la pression anthropique chimique sur le vivant.

        Références

  1. INRAE (2024) One health, une seule santé. https://www.inrae.fr/alimentation-sante-globale/one-health-seule-sante
  2. Office Français de la biodiversité (2024) La biodiversité en danger. https://www.ofb.gouv.fr/pourquoi-parler-de-biodiversite/la-biodiversite-en-danger
  3. Santé publique France (2021) Les résultats de l’étude ESTEBAN. https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/esteban/les-resultats-de-l-etude-esteban
  4. Cour des comptes européenne (2018) Pollution de l’air : notre santé n’est toujours pas suffisamment protégée. https://op.europa.eu/webpub/eca/special-reports/air-quality-23-2018/fr/
  5. OMS (2023) Intoxication au plomb et santé. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/lead-poisoning-and-health
  6. INSERM (2021) Expertise collective « pesticides et santé -nouvelles données 2021 ». https://www.inserm.fr/expertise-collective/pesticides-et-sante-nouvelles-donnees-2021/
  7. Weissmann R., Chevallier L., Nocart N. (2021) Les perturbateurs endocriniens. Informations pour médecins, sages-femmes, professionnels de santé accompagnant les futurs et jeunes parents. OSE, ARS N-A, Global Life, 2021/06, 17 p.
  8. Barouki R., Lévi Y. au nom du groupe de travail (2024) L’exposome, une contribution majeure pour la prévention. Bulletin de l’Académie Nationale de Médecine, 208, 5, 523-535
  9. Fondation de l’Académie de médecine (2024) « Pollution chimique de l’environnement et santé publique : exposome et prévention » et « Glossaire », https://fam.fr/debats-de-la-fam/livre-blanc-exposome/
  10. European chemical agency (2024) Comprendre Reach. https://echa.europa.eu/fr/regulations/reach/understanding-reach
  11. Ministère du travail, de la santé et des solidarités (2024) Plan National Santé-Environnement 4 (PNSE 4) : « un environnement, une santé ». https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/pnse4.pdf
  12. European Human Exposome Network (EHEN) (2024) https://www.humanexposome.eu/
  13. Brack, W., Barcelo Culleres, D., Boxall, A.B.A. et al. (2022) One planet: one health. A call to support the initiative on a global science–policy body on chemicals and waste. Environ Sci Eur 34, 21 (2022)
  14. UNEP (2022) Science-policy panel to contribute further to the sound management of chemicals and waste and to prevent pollution. Resolution 5.8. https://www.unep.org/resources/resolutions-treaties-and-decisions/UN-Environment-Assembly-5-2


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