Cahiers Rationalistes

Le vivre ensemble ou les pièges du langage

On entend de plus en plus souvent parler d’un « vivre ensemble » dont la réalisation nécessiterait de réformer les lois laïques pour les adapter aux réalités contemporaines. Le concept du « vivre ensemble » peut séduire, à première vue, car il ressemble à « paix civile ». Il a cependant semblé intéressant de rechercher d’où vient l’expression et ce qu’elle véhicule puisqu’elle sert de levier à une remise en cause de la laïcité. Un rapport remis au ministre de l’intérieur en 2015 peut servir à décortiquer ce qui se cache derrière le « vivre ensemble ». L’objectif et la méthode de ce rapport(1) sont sans ambiguïté…

Le virus, la science et les religieux

Il est trop tôt pour tirer toutes les leçons de l’épidémie de coronavirus qui fait rage dans le monde entier car l’Afrique et l’Amérique du sud commencent seulement à être touchées. Lorsqu’elle sera terminée, on pourra, on devra, faire des comparaisons entre pays, entre régions parfois, et évaluer la qualité des divers systèmes de santé, c’est-à-dire des politiques économiques et sociales menées avant et pendant l’épidémie. Cela ne sera pas sans conséquences[1]. Dans notre pays même, la polémique a déjà commencé. Pour l’instant elle porte surtout sur la communication gouvernementale…

Rationalité et responsabilité en temps de crise sanitaire

La crise sanitaire que nous vivons suscite des débats qui ébranlent notre vision de l’humanité et de l’organisation de la société. Par son caractère de pandémie mondiale et sa biologie particulière, elle pose à l’humanité des questions inédites qui ébranlent la raison et les certitudes communes. À ce titre, le tripode standard « Science-Médecine-Politique » est interpellé de manière vigoureuse. Toute la société est en état de sidération, les chiffres s’affolent, les discussions prolifèrent sur la nature du virus, les algorithmes, les traitements, les vaccins futurs, sans oublier les impacts économiques et sociétaux. Chacun se trouve pris dans le réseau intriqué des échanges suscités par une situation incertaine et alarmante…

Les sensibilités religieuses blessées. Christianisme, blasphèmes et cinéma 1965-1988

de Jeanne Favret-Saada, Collection Histoire de la pensée, Éditions Fayard, Paris, 2017, 536 pages, 26 €
On connaît Jeanne Favret-Saada de longue date. Son livre sur la sorcellerie dans le bocage des pays de la Loire, puis ses études sur l’antisémitisme chrétien, nous ont dressé le portrait de cette infatigable ethnologue, toujours prompte à arpenter le terrain, à écouter ce que disent et font les uns et les autres, à relever les adéquations mais aussi …

Laïcité et intégrisme

Le régime politique laïque installe une dualité libératrice permettant à chacun d’échapper aussi bien à la pression sociale de proximité qu’à une uniformisation officielle d’État. Les intégrismes, qui ne souffrent aucun point de fuite, ne peuvent que le détester. Aussi la laïcité est-elle le point de résistance le plus puissant pour les affronter – à condition de ne pas renoncer à cette puissance par des « accommodements » qui la ruinent(1). 

L’INJONCTION D’UNIFORMISATION 

L’intégrisme ne peut pas souffrir les points de fuite par lesquels on peut échapper, même momentanément, à son exigence d’uniformisation de la vie et des mœurs. Tout ce qui rompt ce tissu qu’il veut intégral, ordonné à une parole unique, tout ce qui peut le rendre perméable à une autre parole, à une autre manière de vivre, lui est odieux. Rien d’étonnant à ce qu’il s’en prenne à la liberté d’expression, et généralement à toute altérité. Les États de droit et leurs effets de liberté sont naturellement dans le viseur de son tir. On se souvient des caricatures au Danemark, de Theo van Gogh, de Rushdie, de Redeker, de Toulouse – la liste s’allonge, pensons, entre autres, aux procès faits à Pascal Bruckner, à Georges Bensoussan, à Djemila Benhabib, à Kamel Daoud, pour n’en citer que quelques-uns…

La laïcité au regard des femmes

On lira ici le texte de la conférence prononcée au Cercle Condorcet des Alpes-Maritimes, lundi 18 novembre 2019, par Jacqueline Costa-Lascoux, sociologue, directrice de recherche au CNRS, directrice de l’Observatoire des statistiques de l’immigration et de l’intégration.

« La laïcité au regard des femmes », le titre peut surprendre. Lorsqu’on parle de laïcité, on s’en tient généralement aux règles structurelles de la séparation des Églises et de l’État, à la loi de 1905. C’est oublier …

La vérité en sciences et en mathématique (première partie)

La notion de vérité est en pratique différente en sciences de la nature et en mathématiques, même si sur le plan philosophique elles relèvent d’une même perception des relations humaines. Il me semble utile de voir en quoi elles diffèrent. Dans une deuxième partie, nous élargirons cette réflexion au cas des probabilités et de la statistique, puis nous verrons quelques perversions de cette vérité.
PRINCIPES DE LA DÉMARCHE SCIENTIFIQUE
Les scientifiques utilisent la raison pour connaître et comprendre la réalité plutôt que de faire appel à d’autres démarches, qu’elles soient mystiques ou métaphysiques. Ils partent du principe que l’univers reste intelligible par la raison humaine. Ils mettent en avant le doute cartésien qui est un des fondements de la démarche scientifique…

La vérité en sciences et en mathématique (deuxième partie)

Dans cette deuxième partie de « La vérité en sciences et en mathématiques », je présente des outils de base en statistique qui permettent d’énoncer rigoureusement des résultats d’observations, bien que tributaires de probabilités liées aux hasards des prélèvements de données. Ainsi la vérité des affirmations en statistique dépend non seulement des modèles théoriques sur lesquels se bâtissent les raisonnements, mais aussi des méthodes de prises d’informations sur la réalité, ce qui en fait une différence de fond avec la vérité des mathématiciens non probabilistes. Dans un deuxième temps, je présente quelques perversions de la vérité en sciences qui sont, n’en doutons pas, innombrables.

Quel avenir pour la différence des genres ?

La théorie des genres nous a appris que, même s’ils s’édifient sur une base naturelle, celle de la différence biologique des sexes, les genres sont des constructions historiques et culturelles. Quelquefois qualifiés de « sexe social », ils attribuent à l’homme et à la femme des caractères, statuts, rôles et places différenciés qui s’expriment dans des clichés bien connus, les stéréotypes de genre. Si les genres sont historiques, ils sont susceptibles de variations, comme en témoigne notre époque qui justement les met en question et tend à les redéfinir. Se pose alors la question de savoir où on en est aujourd’hui, en particulier dans les pays où l’emprise de la religion faiblit ? …

Religion/politique/identité : la pensée critique à l’épreuve

Sociologue et écrivaine, iranienne, Chahla Chafiq vit en France depuis 1982. Étudiante, elle a activement participé à la révolution iranienne, à l’époque du Chah Mohamed Reza Pahlavi, et a fait partie des opposants au régime islamiste. Elle a dû s’exiler pour raison politique. Son militantisme pour la défense de la laïcité, des libertés, des droits des femmes, l’a obligée, face au pouvoir islamiste de l’Ayatollah Khomeini, à quitter l’Iran.
De cette expérience douloureuse de l’exil, des conditions de vie en Iran à cette période, Chahla nous livre une analyse …