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Entretien avec Jean Bernard

Membre de l’Académie de médecine, membre de l’Académie française, Monsieur Jean Bernard nous a accueilli avec beaucoup de gentillesse. L’entretien qu’il nous a accordé constitue un témoignage d’une grande humanité, qui prend tout naturellement sa place dans la préparation de notre colloque ” Pour un recadrage répulicain de la bioéthique ” (cf. p. 37).
Guy Bruit : Monsieur Jean Bernard, vous avez une longue expérience de médecin et d’homme de science, de savant, et au cours de l’exercice de votre profession, vous avez rencontré beaucoup de drames humains, vous avez connu beaucoup de succès, vous avez connu aussi beaucoup de problèmes, je suppose. Est-ce que vous pourriez évoquer quelques aspects particulièrement marquants pour vous de votre expérience ?
Jean Bernard : J’ai le privilège d’appartenir à la génération qui a été le témoin des plus extraordinaires progrès et évolutions que la médecine ait connus depuis qu’elle existe. Quand j’ai commencé mes études, en 1925, la médecine était pratiquement impuissante. Mais dans les années qui ont précédé la guerre et un peu après, il y a eu une explosion incroyable de progrès…

Science et démocratie

« SCIENCE ET démocratie » est un thème sur lequel on pourra réfléchir longtemps, mais qui, à chaque moment, à une coloration particulière. En ce moment, mai 2003, on pense immé¬diatement à l’émotion qui s’est emparée des milieux de la recherche scientifique en France à l’annonce des réductions massives décidées par le gouvernement dans les crédits de la recherche, et au succès relatif qui a été leur atténuation. On pense également aux laboratoires d’Avents, héritiers des laboratoires de Rhône-Poulenc, qui abandonnent la quasi-totalité de leurs programmes de recherche. On pense à la priorité aux recherches susceptibles d’engendrer des pro¬fits spectaculaires, à l’appropriation privée des connaissances scienti¬fiques, au déséquilibre mondial croissant au bénéfice des Etats-Unis. Le thème « Science et démocratie » apparaît d’emblée comme lié à l’actualité, à la politique et au combat civique…

Rationalisme et démarche scientifique

Guy Bruit : Le mois dernier, Jean-Pierre Kahane, président de l’Union rationaliste, a défini ici même, notre rationalisme. Nous voudrions aujourd’hui poursuivre l’explicitation de nos objectifs en traitant de la démarche scientifique. Nos statuts en effet affirment notre volonté de ” défendre le rationalisme et répandre la démarche scientifique dans tous les domaines où elle est pertinente “. Phrase qui semble impliquer que rationalisme et démarche scientifique sont synonymes, mais est-ce tout à fait juste ?
Pour répondre à cette question il faut sans doute commencer par s’interroger sur la démarche scientifique. Or, nombre de membres de l’Union rationaliste sont des scientifiques, quelques-uns particulièrement éminents : c’est l’un d’entre eux, professeur honoraire au Collège de France, membre de l’Académie des sciences et vice-président de l’Union rationaliste, que nous avons invité aujourd’hui. Il s’agit de Pierre Joliot…

Liberté de conscience – Un regard sur les principes de la loi de 1905

Dans un peu plus de deux ans (le 9 décembre 2005) la fameuse “loi de 1905”, pas toujours bien connue, sujette à interprétations et souvent malmenée, aura 100 ans. De la construction européenne à la guerre en Irak en passant par le conflit du Moyen Orient, il n’est pas d’endroit sur la planète où un fondamentalisme religieux catholique, protestant, musulman ou juif, ou une idéologie d’État ne prétende dicter sa loi. Chacun aura pu constater, notamment dans la presse, que d’aucuns peaufinent déjà leurs arguments pour justifier une révision ou un “toilettage” de la loi de 1905. Loin de nous la tentation de faire référence à un âge d’or de la laïcité qui serait aussi mythique que les futurs messianiques proposés par quelques idéologies (pas toutes religieuses) ; loin de nous aussi de prétendre que cette loi serait entièrement cohérente ou serait en dehors de l’histoire : il est une évidence pour quiconque la lit qu’elle porte les stigmates de son temps, les cicatrices des combats qu’il a fallu mener et des compromis qu’il a fallu passer…

L’Union Rationaliste, sa nécessité et ses buts

Le 29 mars prochain, l’Union rationaliste réunira ses militants en Assemblée générale annuelle et nous avons pensé qu’à cette occasion, il serait bon de rappeler ses objectifs. Comme toutes les organisations militantes, elle a besoin d’adhérents, de militants et plus ils seront nombreux, plus l’action et fa voix de l’Union pourront se faire entendre et plus elle sera efficace. Aussi nous avons demandé à Jean-Pierre Kahane qui est mathématicien, membre de l’Académie des sciences et qui est le président de l’Union rationaliste, de venir exposer pourquoi une telle organisation est nécessaire et quels sont ses buts. En principe nous pensons réaliser sur le thème du rationalisme trois émissions ; deux autres devraient suivre celle que vous entendez aujourd’hui telles seront consacrées à la défense du rationalisme dans les sciences qu’on appelle dures : la physique ou la biologie puis dans les sciences humaines…

Est-ce à l’école laïque de valoriser ” le religieux ” ?

Une meilleure connaissance des religions dans le premier et le second degré : qui pourrait aujourd’hui s’en plaindre, dès lors que sont distingués prosélytisme et information? Mais cette question qui sous-tend le rapport Debray sur “L’enseignement du fait religieux dans l’école laïque” [1] (mars 2002) est faussement naïve. Il est parfaitement possible, sous couvert d’une présentation objective, d’accompagner la présentation de ” faits religieux ” convenablement choisis d’un jugement de valeur positif et bienveillant, non pas certes envers telle confession présentée comme la seule vraie, ce qui serait aujourd’hui insupportable, mais envers la posture religieuse comme telle. Qu’importe la croyance, ce qui est beau, émouvant, normal, humain en somme, serait de croire. C’est précisément dans ce sens, celui d’une réhabilitation du religieux sous couvert d’éclairage historique des religions, que vont un certain nombre de manuels scolaires récents : typique est de ce point de vue le traitement de la Bible comme texte fondateur dans certains manuels actuels de 6ème (français), aux commentaires et aux guides de lecture fort proches de ceux d’un livre d’histoire sainte…

Le juste et le bien

Face à l’accroissement de l’hétérogénéité résultant de l’immigration mais aussi du dynamisme interne de la démocratie, l’État libéral moderne est confronté à une situation inconfortable : concilier cohésion sociale et reconnaissance des différences sans renoncer à l’égalité et sans céder au relativisme des valeurs. Si, en effet, le libéralisme paraît adapté pour faire face à la différence individuelle, il se retrouve dans une position plus incertaine face à la différence collective. Le modèle universaliste, sur lequel il est fondé, est désormais soumis à une sévère mise en cause, généralement articulée autour de l’idée qu’il serait pure abstraction. Au fond, la question aujourd’hui posée reste celle de la coexistence, désirée par la Révolution française, de l’égalité, de la liberté et de la fraternité. Ce travail cherchera à évaluer la portée de la critique émise par les communautariens (ou communautaristes, les deux termes pouvant convenir pour traduire l’anglais communitarian) à l’encontre du libéralisme classique, soupçonné de négliger la dimension communautaire de l’existence sociale…

A propos du relativisme cognitif

L’article de Pierre Jacob ” La philosophie, le journalisme, Sokal et Bricmont, ” souligne une fois de plus la pauvreté [1] philosophique du relativisme épistémologique ; celui-ci représente tout à la fois une retombée illégitime de la sociologie des sciences et une maladie professionnelle des sociologues. Cette critique ne s’applique pas seulement à Bruno Latour et aux sociologues de le nouvelle historiographie des sciences mais aussi à Jacques Derrida. Quand ce dernier écrit que ” tout signifié est aussi en position de signifiant ” en telle sorte que ” la distinction entre signifié et signifiant – le signe -devient problématique “, il rejette la notion de signe ainsi que l’autonomie du signifié et réduit le langage à un système de signifiants flottant à la dérive sans plus aucun contact avec un référent, c’est-à-dire sans aucune relation avec une réalité empirique. C’est le lecteur et le lecteur seul qui décide du sens du texte.

La liberté de religion dans la République française

Les religions jouissent en France d’une liberté qu’elles n’avaient connue à aucune époque antérieure à la IIIe République, que ce soit sous l’Ancien Régime (où le pouvoir régalien de l’État s’exerçait même sur la religion catholique), ou sous le Concordat (complété par les Articles organiques, eux-mêmes d’inspiration régalienne) ; pour ne pas parler de la Constitution civile du clergé, qui créait une véritable Église d’État. Toutefois, le terme de ” libertés religieuses ” n’est jamais employé dans les textes législatifs ou réglementaires ; si on l’utilise, il vaut donc mieux le mettre entre guillemets. A défaut du terme, la chose existe, on va le voir. Plusieurs points sont ici à considérer…

La philosophie, le journalisme, Sokal et Bricmont

En 1996, paraissait dans la revue d’études littéraires américaines, Social Text, sous la plume du physicien américain Alan Sokal, un article au titre énigmatique : ” Transgresser les frontières : vers une herméneutique transformative de la gravitation quantique “. Cet article offrait des interprétations complètement fantaisistes de certains résultats de la logique, des mathématiques et de la physique placées sous l’autorité de plusieurs auteurs français célèbres dans le monde des sciences humaines et de la philosophie. Je n’en donnerai que deux exemples succincts. Il y est affirmé, par exemple, que ” le p d’Euclide et le G de Newton, qu’on croyait jadis constants et universels, sont maintenant perçus dans leur inéluctable historicité “. Dans une note, jouant sur les multiples sens des mots ” égalité ” et ” choix “, il est reproché aux mathématiciens dits ” libéraux ” de se satisfaire de la théorie des ensembles de Zermelo-Fraenkel qui admet deux axiomes réputés ” refléter ses origines libérales ” (au sens politique du mot) : l’axiome d'” égalité ” et l’axiome du ” choix “…